135 milliards d'euros sont partis hors de la zone euro au second semestre 2014. Il n'est pourtant pas certain que cette tendance soit encore d'actualité.
Les Echos font leur une du mardi 24 mars sur la récente fuite des capitaux constatée en Europe. Avec la chute du rendement des actifs peu risqués et la baisse de l’euro, les investisseurs auraient tendance à fuir la monnaie unique. Pas si évident pour autant.
« Zone euro, par ici la sortie ! » affirment en accroche Les Echos , qui relaient mardi matin le chiffre de 135 milliards d’euros sortis de la zone euro au second semestre 2014 pour être investis dans des actifs libellés dans d’autres devises.
Les obligations d’Etat perdent de leur attractivité
« Le Vieux Continent subit des sorties de capitaux historiques, accélérées par la chute de la monnaie unique », explique le journal. « Les étrangers fuient les obligations d’Etat de la zone euro, peu attrayantes. Dans le même temps, ils se ruent sur les actions du Vieux Continent ». La principale raison avancée : l’affaiblissement de l’euro dû à l’action de la BCE. Le journal va jusqu’à parler de « handicap structurel pour la monnaie unique ».
Il faut pourtant faire attention aux conclusions hâtives. Les chiffres sur lesquels se basent ces remarques sont ceux du second semestre 2014 : méfiance, donc, quant aux explications mettant en jeu l’action de la BCE : cette dernière n’a précisé et lancé son plan de relance sur les obligations d'Etat qu’au début de l’année 2015.
D’autre part, au second semestre 2014, la « ruée vers les actions du Vieux Continent » était loin d’être évidente. Les marchés européens avaient subi en fin d’année des mouvements en montagnes russes, avec notamment la chute des indices au mois d’octobre (motivée par de mauvaises statistiques allemandes et un abaissement des prévisions de croissance de la zone euro de la part du FMI), ainsi qu’avec la chute de décembre due au krach russe et au retour des inquiétudes sur la Grèce.
La fuite des capitaux constatée (135 milliards d’euros au second semestre 2014) serait donc surtout attribuable à la dégradation des perspectives européennes qui faisaient l’actualité à cette période.
Fuite ou attrait des capitaux ? Les interprétations divergent
Malgré ces remarques, on pourrait penser que désormais, en cette fin de premier trimestre 2015, la fuite des capitaux se poursuit en Europe pour les raisons avancées en début d’article : baisse de l’euro et baisse des rendements obligataires. Pourtant, encore une fois, rien n’est moins sûr.
Certes, une fuite des capitaux semble inévitable pour le début de l’année 2015 avec la mise en place du rachat d’actifs de la part de la BCE. En rachetant des obligations d’Etats européens pour des montants très élevés chaque mois, la BCE absorbe un grand nombre de titres actuellement détenus par des investisseurs étrangers. En effet, rappelaient nos confrères des Echos , « un quart des obligations d’Etat de la zone euro sont détenues par des étrangers (non européens) ». Ces derniers sont donc poussés à se désinvestir de ces actifs, ce qui impactera statistiquement le chiffre des « fuites de capitaux » hors de la zone euro.
Est-ce à dire que les investisseurs fuient massivement la zone euro ? Peut-être pas. Au contraire, même, d’autres analystes perçoivent plutôt un fort attrait de la zone euro pour les investisseurs étrangers alors que les perspectives de croissance européenne repartent à la hausse.
Nous rapportions ainsi dernièrement le point de vue de Loïc Bécue, gérant d’Amundi Patrimoine, qui affirmait il y a deux semaines que « la hausse de 14% [du CAC40 depuis le début de l’année] n’est pas due aux Européens, mais aux Américains qui investissent en Europe avec plus d’argent pour des raisons de diversification » ( lire l’article ). De même, les analystes d’Edmond de Rotschild AM expliquaient la semaine dernière que « La croissance américaine et la chute des prix du pétrole qui dynamise la consommation des ménages permettent également aux actions européennes de gagner du terrain, porté par le retour des flux étrangers vers le Vieux continent » ( lire l’article ).
Equilibre mouvementé entre sorties et entrées de capitaux
En résumé, les mouvements de capitaux semblent actuellement tiraillés entre deux « pôles magnétiques » opposés. D’une part, l’affaiblissement de l’euro et les nouveaux rachats de la BCE ont tendance à pousser techniquement les capitaux hors de la zone euro. Mais d’autre part, l’amélioration des perspectives économiques en zone euro ouvre de nouvelles perspectives d’investissement, qui s’observent avec la récente hausse des marchés d’actions.
Entre ces deux bras du balancier, difficile de savoir si c’est l’attrait ou la fuite des capitaux qui l’emporte en ce moment en zone euro. Il sera donc intéressant de suivre la publication de cette donnée lors des prochains mois. L’« alarme » de la fuite des capitaux au second semestre 2014 pourrait avoir sonné pour rien.
Xavier Bargue
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