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Bourse : cette fois, c’est différent...
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 12/07/2021 à 10:00

Eric Galiègue
Eric Galiègue

Eric Galiègue

Phiadvisor Valquant

Directeur de la recherche

https://phi-advisor.com/fr/

Effectivement, le temps est venu de se demander si le haut de cycle n'a pas été atteint, et si les cours vont se dégonfler brutalement, à l'image de ce qui s'est passé en 2001-2002 et en 2008-2009. (Crédits photo : Adobe Stock -  )

Effectivement, le temps est venu de se demander si le haut de cycle n'a pas été atteint, et si les cours vont se dégonfler brutalement, à l'image de ce qui s'est passé en 2001-2002 et en 2008-2009. (Crédits photo : Adobe Stock - )

Depuis le début de l'année 2021, le cours des actions a progressé de près de 20% en Europe. Aux USA, les indices larges comme le S&P 500 ou plus technologiques comme le Nasdaq, ont battu à nouveau leurs records historiques. Face à une telle euphorie, forcément les analogies avec les bulles de 2007 ou 2020 sont évoquées par nombre d'analystes. Nous nous sommes nous-mêmes livrés à cet exercice. Effectivement, le temps est venu de se demander si le haut de cycle n'a pas été atteint, et si les cours vont se dégonfler brutalement, à l'image de ce qui s'est passé en 2001-2002 et en 2008-2009. Et comme l'ont écrit Reinhardt et Rogoff dans leur livre publié en 2010, il faut se poser la question clé : les choses sont-elles différentes aujourd'hui ? Peut-on éviter de passer par la case « krach » après la forte hausse des cours et des ratios d'évaluation ?

Nous le croyons. Nous pensons que les choses sont différentes, cette fois ci. Il n'y aura probablement pas de krach comme en 2001-2002 ou en 2008-2009. Nous considérons que le monde a profondément changé. Dans la sphère réelle comme dans la sphère financière.

Dans la sphère réelle, la baisse séculaire de la croissance est patente. La transition digitale détruit plus d'emplois qu'elle n'en crée. Le vieillissement de la population augmente les comportements d'épargne. Cette baisse tendancielle de la croissance dans les pays riches nécessite un soutien public de l'économie désormais permanent. Certes, depuis une trentaine d'années les déficits publics sont devenus systématiques. Le cas de la France est bien connu, mais désormais la norme est de vivre avec des déficits publics de plus en plus importants. Ils constituent autant de dépenses qui permettent à l'économie de croitre. Le Congressional Budget Office, l'organisme non partisan rattaché au congrès américain, a simulé le déficit prévisible des USA jusque 2050. Le résultat est stupéfiant.

Evolution du déficit public des Etats-Unis, en pourcentage du PIB. (source : Congressional Budget Office)

Evolution du déficit public des Etats-Unis, en pourcentage du PIB. (source : Congressional Budget Office)

Le déficit des USA est projeté en 2051 au même niveau qu'en 2020, soit environ 15% du PIB. Cela constitue une stimulation exceptionnelle et permanente de l'économie, même si elle provient d'intérêts versés aux porteurs d'obligations émises par le Trésor. Cela constitue une vraie première différence majeure par rapport à l'histoire longue.

Cette dépense publique qui vient stimuler la croissance de l'économie, est le fruit d'un retour des hommes politiques et des politiques publiques en général. Ce retour de l'interventionnisme public découle de plusieurs phénomènes :

La prise de conscience d'une urgence environnementale (lutte contre le réchauffement climatique depuis 1990);

la nécessité de l'investissement public en infrastructures, aux USA comme en Europe;

la volonté de réindustrialiser les pays développés et de relocaliser certaines productions;

l'urgence vitale de gérer les crises systémiques :

la crise financière de 2008-2009

la crise sanitaire de 2020 -2021, la plus grave depuis très longtemps.

Le quantitative easing ou la pierre philosophale moderne

Dans la sphère financière, le vrai changement majeur est l'acceptation par tous les acteurs de l'économie, de ce qui hier était honnis : la pratique excessive de « la planche à billet », et sa version moderne que constitue le « Quantitative Easing ». Cette pratique qui consiste à créer de la monnaie sans aucune contrepartie réelle, n'est pas autre chose que la monétisation de la dette, publique ou privée. C'est la pierre philosophale moderne, qui permet aux Etats de ne pas rembourser leurs dettes. Il y a évidemment, normalement, des sanctions à cette pratique que l'on peut considérer comme amorale. L'histoire nous a montré qu'elles sont au nombre de trois :

L'inflation, qui reprend sous forme de hausse de prix l'argent qui a été créé : on considère que l'excès de monnaie favorise la hausse des prix.

La dépréciation massive du taux de change externe, ou dévaluation : elle induit une perte considérable de pouvoir d'achat en biens importés.

La fuite devant la monnaie : face à son abondance, les acteurs de l'économie refusent tout simplement la monnaie.

Aucune de ces trois sanctions n'est aujourd'hui opérationnelle.

L'inflation n'est pas un sujet prioritaire ; elle ne peut être que transitoire, et accompagner le cycle conjoncturel. Rappelons que les justifications du maintien de politiques monétaires très expansionnistes, notamment en EUROPE, c'est justement la lutte contre la déflation ! Avant de se poser la question du risque de retour de l'inflation, il faudrait d'abord être certain que le risque déflationniste a bien disparu…Il n'y aura pas de sanction inflationniste à l'émission de nouvelle monnaie. En tous cas pas à court terme.

Le taux de change est insensible à l'usage massif de la planche à billet, car cette pratique est commune aux 3 grandes zones monétaires : USA, EUROPE, Japon et Royaume Uni. On ne peut vendre telle monnaie au motif que son institut d'émission en produit trop, puisque tout le monde fait pareil …

Enfin, la fuite devant la monnaie n'est plus possible à notre époque, dans la mesure ou le circuit monétaire fonctionne en vase clos. On va même vers un abandon de la monnaie métallique et sous forme de billet : elle est désormais numérique. Impossible donc de « fuir devant la monnaie », pour utiliser une autre monnaie ou revenir au troc. Manifestement le bitcoin ne menace pas le $ ou l'€….

Comme il n'y pas de sanction à la création de monnaie sans contrepartie, il faut bien admettre que désormais le système tente de créer de la croissance économique à partir de la création de monnaie. Et c'est bien cette inversion de causalité qui est la clé. Car pour créer de la croissance économique, il faut beaucoup de monnaie. Car la monnaie, avant de contribuer à la croissance économique, contribue à la croissance des cours des actions et au maintien des taux à un niveau très bas.

L'hyperliquidité permanente

Ainsi peut-on justifier une hausse significative et durable des valorisations des actions, via l'hyperliqudité qui est devenue permanente, alors qu'elle était transitoire jusque maintenant. De ce point de vue, aussi, les choses sont différentes….

Monnaie et croissance aux Etats-Unis depuis 60 ans. (Source : FACTSET et VALQUANT EXPERTYSE)

Monnaie et croissance aux Etats-Unis depuis 60 ans. (Source : FACTSET et VALQUANT EXPERTYSE)

Les marchés ne vivront une telle conjonction favorable avant très longtemps. Et elle n'a jamais été observée depuis probablement la période de la reconstruction des années 50. Notre biais prudent depuis le mois de mars est « habituel » pour un analyste contrariant, qui se soucie du lendemain et ne se limite pas à vivre l'instant.. Cette prudence se heurte à la capacité du marché à se réjouir de l'instant sans penser au lendemain. C'est une des grands paradoxes des marchés d'actions, et le dilemme permanent du gérant de portefeuille. Même si le contexte de marché est très favorable pour encore probablement quelques semaines ou quelques mois, il nous emble que le risque d'une correction de 10 à 15% est élevé dans les 3 à 6 prochains mois, avant donc la fin de l'année. Cette correction de remettra pas forcément en cause la tendance haussière, puisque cette phase corrective amènerait le CAC 40 à retrouver tout simplement sa moyenne mobile, dont il est éloigné aujourd'hui de 20%. L'élément clé selon nous demeure l'évolution des anticipations de bénéfice. Depuis un an, le CAC 40 a progressé de 40%, et les bénéfices prospectifs de 36%. Il est effectivement paradoxal d'alerter sur ce sujet au moment ou les révisions des analystes sont parmi les plus favorables que l'on ait observées depuis très longtemps.

Sociétés de plus de 100 milliards de capitalisation boursière (source : Valquant Expertyse / Factset)

Sociétés de plus de 100 milliards de capitalisation boursière (source : Valquant Expertyse / Factset)

Elles profitent aux banques, aux pétrolières, aux sociétés industrielles très cycliques, mais aussi au secteur du luxe et aux GAFAM américaines. Pourtant, plusieurs éléments nous inquiètent quant au futur des marges des 50 entreprises les plus importantes de l'indice Euro Stoxx, que les analystes voient progresser de 9,8% en 2021, à 11,5% pour 2023, un plus haut historique.

Hausse du prix des matières premières

Le premier motif d'inquiétude est la hausse du prix des matières premières. C'est un grand classique, auquel sont plus particulièrement sensibles les entreprises européennes. Le cycle du prix des matières première aurait atteint un point bas aux pires moments de la crise de 2020. L'effondrement des cours du pétrole, jusqu‘à devenir négatif sur les contrats futurs aux USA, constitue le pont d'orgue de cette évolution. Les cours des matières premières venaient d'un plus haut cyclique atteint en 2008-2010, et la baisse des cours avait son duré 10 à 12 ans, une période « habituelle ». En un peu plus d'un an, les prix de la plupart de matières premières énergétiques et industrielles ont doublé, voir triplé, et se trouvent désormais proche des plus haut du cycle précédent. En gros, le cycle de 10 ans s'est déroulé en 14 mois.

Indice GSCI des matières premières depuis 1986. (source : Valquant Expertyse / Factset)

Indice GSCI des matières premières depuis 1986. (source : Valquant Expertyse / Factset)

C'est aussi un effet de l'hyperliqudité, mais cela va bien sur impacter les entreprises consommatrices de ces matières premières. Classiquement, elles ne pourront pas répercuter la totalité de cette hausse de couts dans les prix de vente, parce que l'environnement concurrentiel est toujours très difficile. Le « pincement » des marges est inévitable.

Le deuxième poste de cout qui pourrait augmenter significativement et peser sur les marges, ce sont les frais de personnel. Les salaires ont en effet en train de s'apprécier. Mac Donald 's annonce une hausse de 10% des salaires aux USA, et planifie une hausse de 35% d'ici 2024. Le leader mondial du hamburger n'arrive pas à recruter aux conditions salariales actuelles. C'est le cas de tous les secteurs des « métiers de bouche », mais aussi de nombreux autres secteurs comme le bâtiment, aux USA et en Europe. Il est vrai que de ce point de vue-là les organisations syndicales dénoncent un gel qui pourrait laisser place à une période de plus grande générosité…Si on ajoute à ces deux éléments majeurs de la formation des résultats, la hausse planifiée du taux d'imposition des bénéfices des entreprises aux USA, on comprend que les marges sont menacées.

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7 commentaires

  • 24 juillet 13:08

    D'accord avec TTSSS. et la sagesse est de fuir les PER extrêmesPEA 99% de mes titres Per de 11 à 16% - 1% vers 20% et là ? à voir à long terme


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