Rapport au Premier ministre
concernant les enseignements à tirer des événements récemment intervenus à la Société Générale
Monsieur le Premier ministre,
Vous mavez demandé, le vendredi 25 janvier, de vous remettre un rapport traitant du déroulement des événements concernant la perte de 4,9 milliards deuros sur opérations de marché intervenue à la Société Générale et présentant les premiers enseignements à en tirer.
Vous trouverez ci-dessous les éléments de réponse à votre demande, centrés sur quatre aspects :
- le déroulement des faits ;
- la gestion de la situation par les autorités de contrôle ;
- le comportement du système de contrôle interne de la banque ;
- les premières pistes de réflexion pour renforcer la sécurité des opérations de marché.
Le présent rapport a été établi sur la base dindications du gouverneur de la Banque de France, président de la Commission bancaire, et de lAutorité des marchés financiers, ainsi que des autres informations publiques disponibles à la date du 31 janvier 2008 et notamment la « note explicative concernant la fraude exceptionnelle » diffusée par la Société Générale le 27 janvier 2008 ainsi que laudition du gouverneur de la Banque de France, Président de la Commission bancaire, et du Président de lAutorité des Marchés Financiers devant la
Commission des Finances du Sénat, le 30 janvier 2008.
Ni ces éléments, ni les analyses et conclusions qui en sont le fruit, nont été soumis à examen contradictoire. Dans ces conditions, le présent rapport ne saurait donner une vue exhaustive des événements, et ses analyses et conclusions sont susceptibles dévolutions. Cette
considération mérite dautant plus dêtre soulignée que certains des faits évoqués dans ce rapport font lobjet dune information judiciaire conduite par deux juges dinstruction du tribunal de grande instance de Paris, dune enquête de lAutorité des marchés financiers sur
le marché du titre et linformation financière délivrée par la Société Générale et dune enquête de la Commission bancaire sur le fonctionnement du contrôle interne à la Société Générale.
En létat de ces diverses investigations en cours, le présent rapport non contradictoire na aucune vocation à évoquer, ni à plus forte raison à établir, des culpabilités ou des responsabilités, alors que la présomption dinnocence prévaut, au bénéfice de chacun des
acteurs de ces événements.
1 Déroulement des faits
Les opérations ayant conduit à une perte denviron 4,9 milliards pour la Société Générale sur ses activités de marché pour compte propre auraient été le fait dun seul opérateur ; à ce stade, aucun élément connu ne conduit à infirmer ce constat. Cet opérateur avait une activité
darbitragiste sur dérivés actions (warrants) : cette activité consiste à gérer en parallèle deux portefeuilles de taille et de composition proches, lun devant permettre de couvrir lautre. De ce fait, le risque généré mais également le résultat net dégagé sont censés être faibles en
comparaison des engagements bruts résultant des portefeuilles.
En loccurrence, lopérateur en cause aurait pris des positions directionnelles non autorisées sur des contrats à terme sur indices actions européens, couvertes par des opérations fictives,
qui masquaient laugmentation de la position et du risque nets de la banque. Il aurait procédé en répétant le schéma suivant :
- saisie dune opération couvrant la position réelle ;
- annulation de cette opération avant quelle ne soit détectée du fait dun contrôle, quelle ne donne lieu à confirmation ou à appel de marge, puis saisie dune nouvelle opération.
Il aurait donc effectué une gestion très active de ses portefeuilles, tout en cherchant à masquer les gains et les pertes.
1.1 Ces opérations fictives auraient commencé en 2005
Lopérateur aurait effectué des opérations irrégulières dès 2005, mais ponctuellement et pour des montants relativement faibles ;
au cours de 2006, ces opérations seraient restées marginales ;
à partir de 2007, les positions nettes se seraient accrues très fortement pour atteindre dans le courant de lannée un montant notionnel de lordre de 30 milliards ;
en novembre 2007, la chambre de compensation Eurex aurait interrogé la Société Générale sur la stratégie suivie par lopérateur en cause ;
début janvier 2008, les positions réelles ont atteint jusquà 50 milliards de montant brut sur les indices futures EUROSTOXX (30 milliards ), DAX (18 milliards ) et FTSE (2 milliards ).
1.2 Une fois le montage découvert par les équipes de contrôle et porté à la connaissance de la direction de la banque, les positions ont été débouclées très rapidement le vendredi 18 janvier, une opération anormalement élevée avec un courtier mise à jour par le middle-office dans les jours précédents apparaît suffisamment douteuse pour que la hiérarchie directe de lopérateur concerné puis la direction de la banque soient prévenues ; une équipe de vérification interne est constituée en fin de soirée ;
le samedi 19 janvier, après interrogation de lopérateur et vérification auprès de létablissement désigné par lopérateur comme sa contrepartie, la direction aurait obtenu confirmation du caractère fictif de nombreuses opérations liées au portefeuille dudit opérateur ;
le dimanche 20 janvier en début daprès-midi, lampleur de lexposition est identifiée ; à la suite de cela :
- Daniel Bouton, Président du Conseil dadministration de la Société Générale, informe de la situation le Comité des comptes, déjà convoqué ce jour-là pour examiner lestimation des résultats 2007 ; il lui indique son intention de déboucler la position le plus rapidement possible ainsi que de reporter toute communication
sur cette situation et les résultats de la banque jusquà laboutissement du débouclage ;
- il prévient en parallèle le Gouverneur de la Banque de France, Président de la Commission bancaire ;
- il prévient le secrétaire général de lAutorité des marchés financiers peu avant la réunion du Conseil dadministration ;
- il indique enfin au Conseil dadministration, convoqué à 18h30 également pour examiner lestimation des résultats 2007, quil ne sera pas possible de communiquer dans limmédiat sur ces résultats du fait de possibles pertes substantielles sur les activités de marché.
du lundi 21 janvier au mercredi 23 janvier, la position réelle existante est débouclée sur les marchés (cf. point 1.3.) ; durant cette période, des échanges suivis ont lieu entre la Société Générale, la Banque de France, le secrétariat général de la Commission bancaire et lAMF ;
le mardi 22 janvier, deux représentants du secrétariat général de la Commission bancaire sentretiennent avec des représentants de la Société Générale pour obtenir des explications sur les opérations en cause et les dysfonctionnements qui les auraient permis, être informés du rythme de cession de la position et évoquer laugmentation
de capital envisagée par la banque ;
le mercredi 23 janvier à 8h, le Ministre de léconomie, des finances et de lemploi est mis au courant de la situation par Daniel Bouton ; le même jour, après clôture de la position, le Conseil dadministration est de nouveau convoqué pour être informé de la situation et de ses conséquences ; enfin, la Banque de France informe la FED, la
Banque centrale européenne puis les superviseurs des pays daccueil européens des implantations de la Société Générale ;
le jeudi 24 janvier à 8h, après avoir demandé la suspension de son cours de bourse, la Société Générale communique publiquement sur la perte de 4,9 milliards sur activités de marché ; elle informe également sur lensemble des résultats 2007 estimés ; enfin, elle annonce une augmentation de capital de 5,5 milliards bénéficiant dune prise ferme de JP Morgan et Morgan Stanley, qui lui permettrait de
porter son ratio de solvabilité « tier 1 » à 8 % (après prise en compte des effets de lacquisition de Rosbank) ;
le vendredi 25 janvier, une équipe de la Commission bancaire débute une inspection à la Société Générale ;
le lundi 28 janvier, le secrétaire général de lAMF décide douvrir une enquête (cf. point 2.1).
1.3 Conditions du débouclage de la position sur les marchés
Les positions identifiées le 20 janvier ont été débouclées les 21, 22 et 23 janvier. Au terme de ces opérations, lensemble des positions concernées a généré une perte de 4,9 milliards .
La Société Générale a publié les chiffres ci-dessous concernant le volume de ses opérations de débouclage. Celles-ci auraient donc atteint au maximum 8,1 % des volumes échangés sur les
marchés concernés au cours de chacune des journées en cause.
% des volumes débouclés sur les marchés « Indices futurs »
EUROSTOXX DAX FTSE
21 janvier 2008 8,1 % 7,8 % 1,7 %
22 janvier 2008 6,8 % 5,7 % 3,1 %
23 janvier 2008 5,9 % 6,1 % 0 %
EUREX et LIFFE, gestionnaires des marchés concernés, auraient confirmé à lAMF ne pas avoir de critiques à formuler sur les opérations de la banque pendant ces 3 jours. EUREX a indiqué à lAMF quau regard de leur taille particulière, les positions ont été liquidées de
manière très professionnelle.
Le débouclage de ces positions sest fait dans des conditions particulièrement difficiles. En effet, les marchés financiers étaient très perturbés du fait notamment des incertitudes sur
lévolution de léconomie américaine, des pertes très élevées liées aux crédits à risque américains annoncées pas les grands groupes bancaires et de la dégradation dun des principaux assureurs monoline. Ces éléments ont rendu les marchés très volatils dès le
vendredi 18 janvier 2007. Ce même jour, le CAC40 atteignait son plus bas niveau depuis plus dun an en passant sous la barre des 5100 points, tandis que Francfort était en recul de 1,34 %
et lindice paneuropéen EUROSTOXX baissait de 1,74 %.
La baisse sest poursuivie et aggravée sur les marchés asiatiques le lundi 21 janvier, dès avant louverture des marchés européens. Ce jour-là, la Bourse de Tokyo a fini à son niveau le plus bas depuis octobre 2005, en baisse de 3,86 %. Hong Kong a cédé 5,5%. La fermeture des
marchés américains ce même jour, après quatre séances de baisse consécutives, na pas contribué à apaiser les tensions. Cette situation a entrainé une forte réaction des marchés européens, contraints dabsorber des volumes très importants : à Paris les volumes échangés
ont atteint 16,7 milliards d'euros dont 8,6 milliards sur le CAC40.
Les deux jours suivants, les évolutions des marchés ont été contrastées. Labaissement des taux directeurs de 0,75 pdb par la FED le mardi 22 janvier a eu un effet limité sur des marchés
toujours très volatils du fait dinquiétudes persistantes quant à lévolution de la situation économique mondiale, et notamment des craintes sur la situation de plusieurs assureurs monoline. Les principales places européennes repartent à la baisse le mercredi : Paris et Francfort cèdent plus de 4 %, Londres baisse de plus de 2 %.
Toute vente dun titre sur un marché a, toute chose égale par ailleurs, un impact baissier sur son cours. Toutefois, à la lumière des différents éléments évoqués ci-dessus, les opérations de débouclage en question ne sont pas la cause de la dynamique très négative et volatile des marchés financiers entre le 21 et le 23 janvier 2008.
2 Application de la réglementation boursière et gestion de la situation par les autorités
2.1 Application de la réglementation boursière
Concernant les positions en cause ouvertes à la Société Générale, la gestion des règles dinformation a été rigoureuse et effectuée dans le souci de protection des marchés.
En effet, les règles européennes1, reprises par le droit français, imposent à tout émetteur de « porter [dès que possible] à la connaissance du public toute information privilégiée ».
Toutefois, « lémetteur peut, sous sa propre responsabilité, différer la publication dune information privilégiée », dès lors quil réunit les trois conditions suivantes :
lomission doit être justifiée par lobjectif de ne pas porter atteinte à ses intérêts légitimes, notamment « en cas de danger grave et imminent menaçant la viabilité financière de lémetteur » ;
lomission ne doit pas être susceptible dinduire le public en erreur ;
lémetteur doit être en mesure dassurer la confidentialité de linformation privilégiée.
Les informations sur les positions ouvertes de la Société Générale revêtaient indéniablement un caractère privilégié. Le report de leur divulgation au marché a recueilli le dimanche 20 janvier vers 17h00 un accord de principe de la part du secrétaire général de lAMF, approuvé
ensuite par le Président de lAMF.
Ce report apparaît parfaitement justifié par la situation de la Société Générale, dès lors quil apparaissait possible, dune part de déboucler les positions en cause et supprimer ainsi lexposition au risque, dautre part de sécuriser la réalisation dune augmentation de capital
permettant de renforcer les fonds propres de létablissement. La solution inverse, à savoir la communication immédiate sur lexposition réelle de la banque aux risques des marchés de dérivés actions, aurait fait courir un grave risque de perte de confiance des contreparties de la
Société Générale. Ceci naurait pas été conforme à lintérêt de la société et était susceptible de mettre en cause la stabilité des systèmes financiers français et international.
Il convenait toutefois que le secret absolu soit respecté. LAMF, le Gouverneur de la Banque de France et le secrétariat général de la Commission bancaire ont obtenu les assurances
nécessaires sur ce point sagissant de la Société Générale, et ont adopté eux-mêmes une organisation leur permettant dassurer pleinement le respect du secret.
Par la suite, le lundi 28 janvier, le secrétaire général de lAMF a décidé douvrir une enquête sur le marché du titre et linformation financière délivrée par la Société Générale. Les questions traitées par cette enquête émanant d'une autorité indépendante et sur l'opportunité de
laquelle le gouvernement n'a pas à se prononcer, nentrent pas dans le champ du présent rapport.
1 Directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations dinitiés et les manipulations de marché (abus de marché)
2 Article 223-2 du règlement général de lAutorité des marchés financiers notamment. Une information privilégiée, telle que définie à larticle 621-1 du même règlement, se caractérise par trois dimensions : elle doit être précise, confidentielle, et être susceptible davoir une influence sur les cours si elle était révélée.
2.2 Coopération entre autorités et information du Gouvernement
Le déroulé des faits exposé dans la première partie montre une bonne communication entre la
Société Générale et les autorités concernées, à savoir la Banque de France et lAutorité des marchés financiers. La coopération entre les deux autorités fut immédiate et très étroite.
La question se pose de savoir si, eu égard à la nature exceptionnelle des événements, le Gouvernement aurait dû être informé avant le mercredi 23 janvier au matin.
La supervision de la situation relève bien des compétences et de la responsabilité de la Banque de France, de la Commission bancaire et de lAutorité des marchés financiers.
Lindépendance de ces autorités est précisément définie par la loi. Ceci nexclut pas une coopération et des échanges dinformation réguliers avec lEtat. Il est notamment de bonne pratique, en France comme à létranger, que le Gouvernement soit pleinement et rapidement
associé à la gestion de situations mettant en danger un établissement financier privé.
En lespèce, les décisions envisagées par la Société Générale (débouclage des positions ouvertes et préparation dune augmentation de capital garantie) apportaient un confort important sur le maintien, voire le renforcement, de sa solvabilité et le secret absolu était une
condition essentielle à la mise en oeuvre de ces décisions.
Compte tenu de ces éléments et de leur analyse des obligations de secret professionnel leur incombant au cas despèce, les autorités de contrôle ont considéré quil était préférable de ninformer le Gouvernement que le mercredi 23 janvier en début de journée.
Eu égard au caractère exceptionnel de la situation et des conséquences quelle aurait pu avoir sur la stabilité du système financier, il aurait sans doute été souhaitable que le Gouvernement fut informé avant le mercredi 23 janvier 2008. A lavenir, il sera opportun de préciser
larticulation entre les autorités de contrôle et le Gouvernement dans ce type de situation afin déviter toute incertitude sur les modalités dinformation, les délais de cette information et les règles de confidentialité absolue qui simposent. Ces points pourront être notamment précisés dans le cadre des accords de gestion de crise qui sont en cours délaboration au niveau européen, conformément aux orientations décidées lors du Conseil Ecofin du 9 octobre 2007.
3 Comportement du système de contrôle interne
La présente partie de ce rapport vise uniquement à envisager, sous les mêmes réserves que celles exprimées en introduction, les éléments qui paraissent navoir pas permis de détecter les opérations mentionnées en première partie. Elle na pas pour objet de rechercher
déventuelles imputations de responsabilités, ni didentifier des culpabilités, alors que des enquêtes judiciaires et administratives sont en cours et que prévaut la présomption dinnocence ; aucune conclusion ne saurait donc en être tirée de ce rapport non contradictoire.
La position réelle non autorisée aurait été dissimulée notamment par les opérations fictives suivantes :
- achats ou ventes de titres ou de warrants à date de départ décalée, opérations qui ne sont habituellement confirmées que quelques jours avant la date de valeur ;
- transactions sur futures avec une contrepartie dite « pending » (en attente de désignation), qui ne descendent pas dans les systèmes du back-office3 ;
- forwards avec une contrepartie interne au groupe, qui ne donnent pas lieu à appel de marge ;
- forwards avec une contrepartie externe, technique utilisée à loccasion de la clôture de lexercice 2007, accompagnée dune pré-confirmation falsifiée, dans le souci déviter des interrogations sur des écarts comptables intra-groupe.
3.1 Organisation du contrôle interne et points de contrôle des positions et opérations
La Société Générale souligne que lopérateur en cause aurait été particulièrement bien armé
pour effectuer des opérations non autorisées car il avait au préalable travaillé au middle-officeet connaissait donc bien les procédures de contrôle.
Le Gouverneur de la Banque de France a estimé, lors de son audition par la Commission des Finances du Sénat le 30 janvier 2008, que les premiers éléments connus laissaient penser que le système de contrôle interne de la Société Générale navait pas fonctionné comme il laurait dû et que ceux qui avaient fonctionné navaient pas toujours fait lobjet dun suivi approprié.
Lenquête diligentée par la Commission bancaire permettra détablir les éventuelles insuffisances du contrôle interne de la Société Générale. Elle pourrait sintéresser notamment aux éléments de contrôle interne ci-dessous susceptibles davoir été déterminants compte tenu
notamment des informations communiquées par la société :
surveillance des encours nominaux des opérateurs (par opposition à la surveillance des positions nettes qui ne fait par définition apparaître quun risque de marché limité) ;
suivi des flux de trésorerie (appels et versements de marges, dépôts de garantie, résultats réalisés) ;
exploitation approfondie des demandes dinformation quaurait adressées à la banque la chambre de compensation Eurex en novembre 2007 ;
suivi des annulations et modifications de transactions provenant dun seul opérateur ;
confirmation des opérations avec lensemble des contreparties ;
respect de la « muraille de Chine » entre front et back office et transversalité de lorganisation du middle-office et du back-office ;
sécurité des systèmes informatiques et protection des codes daccès ;
surveillance des comportements atypiques (absence de congés par exemple).
Unité support gérant les systèmes dinformation et assurant la comptabilisation des opérations notamment
Unité chargée du suivi des risques et du contrôle des opérations
3.2 Contrôles effectués antérieurement par la Commission bancaire
La supervision dun groupe de limportance de la Société Générale conduit la Commission bancaire à diligenter chaque année de nombreuses missions dinspection. Elle examine en
effet aussi bien la maison-mère que les filiales, les divers secteurs dactivité du groupe (banque de détail, banque de financement et dinvestissement, financements spécialisés) et les
différents risques auxquels il est exposé (solvabilité, liquidité, dispositif de contrôle interne et de gestion des risques, dispositif de lutte contre le blanchiment notamment).
Le Gouverneur de la Banque de France a indiqué, lors de son audition par la Commission des Finances du sénat, le 30 janvier 2008, que la Société Générale, sur la période 2006-2007, avait
fait lobjet de 17 inspections, qui ont porté notamment sur les secteurs les plus risqués, et sur le passage aux normes prudentielles Bâle II qui est intervenu le 1er janvier 2008. Ces contrôles ont abouti à des recommandations de la commission bancaire, qui a préconisé le renforcement des équipes et des moyens dédiés aux contreparties. En mars 2007, une lettre de cadrage en ce sens a été adressée au PDG de la Société Générale ainsi quune lettre de suite. Cette dernière
concernait spécifiquement les dérivés structurés actions, mais ces recommandations, axées sur un objectif de sécurisation, revêtaient une portée plus générale, visant lensemble des instruments financiers, notamment les futures.
La Société Générale a indiqué quelle avait immédiatement après la découverte des positions de lopérateur mis en place des procédures de contrôle spécifiques et des mesures correctrices.
Au-delà de ces mesures spécifiques, la Société Générale a décidé de lancer des contrôles supplémentaires afin de renforcer le système de contrôle interne.
4 Premières pistes de réflexion pour renforcer le contrôle des opérations de marché
Les événements intervenus à la Société Générale doivent certainement inciter lensemble de la Place, établissements et autorités, à une réflexion approfondie, en vue de dégager les meilleures pratiques et les règles de nature à renforcer la sécurité opérationnelle des
opérations de marché. Ce processus pourrait sans doute conduire à une évolution de la réglementation relative au contrôle interne. A ce titre, on peut souligner que les textes français en la matière ont déjà été fréquemment adaptés pour tenir compte des changements de
lactivité bancaire.
En outre, pour tenir compte de la rapidité de ces évolutions, certaines des meilleures pratiques identifiées gagneraient sans doute à être diffusées par la Commission bancaire, sans être pour
autant incorporées dans un texte normatif. Par ailleurs les acteurs de marchés devraient tirer les conséquences immédiates de la situation ici en cause sans attendre un éventuel changement des textes.
Dans cette perspective, les pistes de réflexion suivantes mériteraient particulièrement dêtre examinées. Elles ont notamment pour objet de prendre en compte, au-delà des systèmes et procédures, limportance des facteurs humains lorsquil sagit comme dans le cas présent de
prévenir et détecter des comportements anormaux ou inhabituels pouvant engendrer des risques opérationnels.
4.1 Renforcer les dispositifs internes de contrôle des établissements
Plusieurs points de contrôle devraient être plus systématiquement examinés par les établissements sagissant des opérations de marché. Beaucoup de ces pratiques sont certainement déjà en vigueur mais il sagit de sassurer de leur mise en oeuvre systématique :
Le suivi des engagements est aujourdhui focalisé sur les montants nets des positions, qui permettent dévaluer le risque de marché encouru ; une attention renforcée devrait également être accordée aux montants notionnels bruts, qui reflètent le degré dengagement de létablissement ;
la piste daudit devrait être effectivement garantie pour chaque transaction de chaque opérateur ;
les anomalies et erreurs de traitement des opérations ainsi que les annulations dopérations devraient être rigoureusement recensées et analysées ;
Les confirmations dopérations devraient être toujours vérifiées par des procédures de réconciliation, avec les contreparties internes à un groupe, dune part, et avec les contreparties externes du groupe, dautre part ;
les termes et conditions des opérations nouées avec les contreparties externes devraient être très précisément documentés.
Par ailleurs, il apparaît déterminant que lorganisation des dispositifs de contrôle au niveau
des salles de marché permette un suivi global des transactions de chaque opérateur, de façon à pouvoir déterminer son profil dactivité et donc identifier plus aisément des comportements inhabituels.
En outre, des termes écrits devraient systématiquement définir précisément les opérations permises à chaque opérateur. Ils permettraient de sassurer que la nature et le montant des
instruments financiers utilisés sinscrivent bien à lintérieur des limites fixées et de la stratégie définie par létablissement.
Les opérations dites de gré à gré devraient faire lobjet dune attention renforcée dans le domaine des dérivés, en particulier sagissant des conditions contractuelles, en recourant autant que possible aux contrats-type élaborés par les associations professionnelles.
Les systèmes dinformation doivent être correctement sécurisés, afin déviter les intrusions.
En particulier, les modes daccès doivent faire lobjet dune procédure approuvée par les dirigeants.
Enfin, il conviendrait de veiller dans les salles de marché à une indépendance rigoureuse entre le front-office et les unités de contrôle, sans pour autant remettre en cause la diversité des
déroulements de carrière possibles dans ce secteur dactivité.
4.2 Compléter la réglementation sur le contrôle interne concernant le suivi du risque opérationnel
Le nouveau ratio de solvabilité dit « Bâle 2 » permet désormais dassigner une couverture en fonds propres au risque opérationnel ;
Le règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière n° 97-02 relatif au contrôle interne pourrait être complété en ce sens pour traiter des aspects qualitatifs de ce risque, en prévoyant pour tous les établissements lexistence dun système de gestion du
risque opérationnel dûment documenté incluant une cartographie des risques opérationnels par entité et/ou ligne de métier et des obligations de reporting aussi bien aux organes sociaux quà la Commission bancaire.
4.3 Mieux identifier la lutte contre la fraude interne comme un élément à part entière
du contrôle interne
Le suivi du risque de fraude interne pourrait être explicitement intégré dans la réglementation
sur le contrôle interne, dans le cadre du risque opérationnel. A ce titre, un devoir
dinformation de la Commission bancaire pourrait être institué pour les cas de non respect des
règles internes dépassant un certain seuil ou ayant certaines caractéristiques, même si aucune
conséquence négative nest apparue.
Par ailleurs, les établissements dune certaine taille ou présentant un profil de risque
spécifique pourraient être incités à créer un département dédié à cette mission.
4.4 Impliquer pleinement la direction et lencadrement des établissements dans le
contrôle des risques
Le renforcement effectif des contrôles internes ici envisagé requiert une plus grande
implication des instances de gouvernance des établissements. A cet égard il serait souhaitable
que, compte tenu de la complexité des opérations effectuées, les organes sociaux mettent en
place des comités composés en partie de personnalités indépendantes et dédiés à la
surveillance des risques et du contrôle interne. Ces comités examineraient les résultats des
travaux des différentes filières de contrôle interne et prépareraient les délibérations des
instances dirigeantes de létablissement sur ces questions.
Parallèlement, la qualité des systèmes de reporting interne des établissements devrait être
renforcée, en sassurant que les informations transmises correspondent bien aux besoins des
différents niveaux hiérarchiques ou de contrôle. Ces reportings devraient combiner
systématiquement une approche quantitative des risques avec un jugement plus qualitatif, de
manière à sassurer notamment de la cohérence entre la nature des activités, les résultats
quelles dégagent et les risques quelles engendrent.
Les risques opérationnels sont ceux qui ne sont pas dus à un risque de marché ou de crédit, mais à des événements dautre nature externes ou internes pesant sur létablissement (incendie, panne informatique,fraude
)
4.5 Adapter les mesures relatives aux sanctions applicables aux établissements
bancaires et financiers
Dans le domaine des sanctions pécuniaires, le montant maximal que la Commission bancaire
peut infliger est de 5 millions deuros au maximum pour les plus grands établissements. Au
regard non seulement des enjeux mais également du coût de linvestissement dans des
systèmes efficaces de contrôle interne, ces montants ne sont pas suffisants. Il est donc
nécessaire de relever substantiellement ce quantum.
4.6 Formuler des propositions au plan international
Du fait de la forte intégration internationale des activités de marché, il apparaît très souhaitable que des réflexions du même ordre aient lieu aux niveaux européen et international, de façon à ce que des standards homogènes puissent sappliquer à lensemble des intervenants.
En outre, certains sujets encore insuffisamment traités au niveau international mériteraient des travaux spécifiques. Sagissant du risque de réputation, par nature difficilement quantifiable, il serait souhaitable que les superviseurs au sein du Comité de Bâle et européens au sein du Comité européen des superviseurs bancaires précisent les exigences de fonds propres à mettre en oeuvre par les établissements au regard de ces risques.
En matière de transparence, il est également proposé de travailler au plan international à la cohérence des exigences de publication dinformation (pilier 3) du nouveau ratio de solvabilité « Bâle II » avec celles fixées au plan comptable par les normes IFRS, qui à ce stade ne prévoient pas au titre des informations sur les instruments financiers de faire figurer déléments sur les risques opérationnels.