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Herige : en plein boom de l'isolation/rénovation ?
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 16/09/2021 à 08:43

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Le groupe est notamment présent dans le béton prêt à l'emploi avec son enseigne Edycem. (crédit : Herige)

Le groupe est notamment présent dans le béton prêt à l'emploi avec son enseigne Edycem. (crédit : Herige)

Le conseil boursier, c'est encore mieux avec des chiffres

On n'est jamais mieux servi que par soi-même, c'est bien connu : faire appel aux conseils éclairés de professionnels chevronnés quand on veut investir dans une entreprise ne dispense pas de jeter un regard personnel, acéré de préférence, sur les chiffres de ladite entreprise. C'est de fait un préalable, avant de passer au raisonnement, dont la logique implacable ne peut que nous faire toujours prendre de bonnes décisions d'investissement.

Mais il suffit d'assez peu de chiffres, finalement, que l'on peut extraire des comptes de l'entreprise, ou trouver dans les analyses financières quand elles sont accessibles (et que l'on trouve aussi en bonne partie dans l'onglet "Consensus" d'une fiche-valeur Boursorama). Pour juger des résultats i) la croissance du chiffre d'affaires d'une année sur l'autre, ii) la marge opérationnelle (le Résultat Opérationnel Courant, ou Ebit, c'est-à-dire le chiffre d'affaires diminué de toutes les charges d'exploitation, rapporté au chiffre d'affaires), et, iii) la marge nette (le résultat final courant rapporté au chiffre d'affaire) peuvent suffire.

Pour juger de la fameuse "création de valeur", sans laquelle nous ne serions pas là, il est bon j'ajouter iv) la génération de trésorerie libre (la capacité d'autofinancement après les investissements, le "free-cash-flow" pour les fins connaisseurs). Et, enfin, pour s'assurer de la solidité de tout ça, calculer v) le ratio d'endettement Dette Financière Nette (les emprunts bancaires diminués de l'argent en caisse) rapportée aux Fonds Propres (l'argent des actionnaires) du bilan, n'est pas du luxe, bien au contraire.

La compta n'aide pas toujours, cf l'épineux problème des goodwill…

On aimerait bien que ce soit toujours aussi simple, mais d'autres items comptables viennent quelques fois semer le trouble dans ces réflexions élémentaires. C'est notamment le cas du goodwill, un chiffre que l'on peut trouver en haut de l'actif du bilan consolidé de la société que l'on considère comme un investissement éventuel et qui, pour certains en tout cas, gâche un peu beaucoup l'attrait boursier de la société en question. Puisque le goodwill est un actif des plus vaporeux, une quantité qui apparaît au bilan quand la société étudiée a acquis d'autres sociétés, et les a payées plus cher que leurs valeurs comptables. Un goodwill, c'est donc ce qu'on paye en plus quand on achète une société, en pensant que sa valeur économique est supérieure à son actif net (ou "book value", toujours pour les fins connaisseurs). Ce qui est de plus traduit en bon français par "écart d'acquisition" ou "survaleur", et peut suggérer incidemment que l'on a payé trop cher, et que le bilan consolidé est inutilement gonflé par des achats intempestifs, et ruineux.

Ce qui reste à voir, mais fait planer un risque de correction brutale de ces valeurs quand, par le plus grand des hasards, les Commissaires aux Comptes de la société cotée s'en inquiètent. Soit une dépréciation qui peut réduire d'autant les Fonds Propres (la richesse des actionnaires), et aussi déclencher une correction toute aussi brutale du cours de Bourse, toujours très désagréable comme on peut le penser. Pour peu que le marché ait décidé d'en tenir compte. Tout comme les analystes, qui peuvent garder telle quelle, ou non, selon l'humeur, une telle dépréciation dans leurs modèles de comptes retraités.

…qui n'a pas vraiment de solution : il faut vivre avec

Deux écoles de pensée s'affrontent sur la question : la nouvelle école des IFRS, qui ne jure que par la "juste valeur", impose de recalculer la valeur des goodwill tous les ans en fonction des résultats et des perspectives des filiales auxquels ils correspondent, et de déprécier ceux-ci le cas échéant, et la vieille école des normes comptables françaises qui traite le goodwill comme un actif immobilisé comme les autres ou presque, et que l'on peut donc amortir sur une certaine durée dans les comptes consolidés.
Mais aucune de ces deux solutions ne semble pleinement satisfaisante, et il y aura toujours des goodwill dans les comptes consolidés puisque c'est purement de l'arithmétique comptable : la seule chose à faire est donc de vivre avec, et éventuellement de s'y attarder moins que les puristes : la vie d'investisseur est bien assez compliquée comme ça.

Une limite atteinte dans la complexité des normes ?

Cette réflexion en amène une autre : on a vu ces derniers temps un certain nombre de PME cotées à Paris sortir du grand marché, où la comptabilité en IFRS est obligatoire, pour passer sur Euronext Growth, où, inversement, peuvent s'appliquer les normes comptables françaises, et aussi moins de contraintes réglementaires par ailleurs. Eventuellement pour échapper à la complexité croissante de la comptabilité en IFRS, pas tant pour le goodwill, un problème sans solution on l'a vu, que pour la nouvelle norme IFRS 16, qui est appliquée depuis 2019.

Celle-ci, qui impose d'intégrer les baux commerciaux valorisés comme des actifs au bilan, et peut donc changer radicalement les comptes consolidés en y ajoutant des quantités purement notionnelles qui plus est, semble de fait assez mal reçue. A en juger en tout cas d'après les critiques publiques de directions de grands groupes qui ne peuvent pas échapper aux IFRS, et aussi possiblement par cette migration vers le petit marché de ces PME. Et non des moindres, puisque l'on peut citer Tivoly, Netgem, Groupe LDLC, Fleury-Michon, Signaux Girod, et Herige (ex-VM Matériaux). Cette dernière s'étant transféré en juillet 2018, explicitement pour revenir aux normes comptables françaises, ce qui semble plutôt lui réussir…

Herige : grand acteur régional dans les matériaux de construction, et acteur de qualité à tous points de vue

Basé à L'Herbergment en Vendée, et implanté principalement dans le Grand Ouest, du Poitou à la Basse-Normandie en passant par la Bretagne, Herige (Ex-VM Matériaux, ALHRG ; 46,50€) devrait réaliser cette année un chiffre d'affaires de plus de 700 millions d'euros avec 2 300 salariés dans trois métiers liés de près au bâtiment : i) le négoce/distribution de matériaux de construction, qui contribue pour 60% de l'activité environ, avec 77 dépôts sous enseigne VM qui servent tant les artisans que les particuliers, ii) le béton prêt à l'emploi, avec une usine, 33 centrales et une flotte de camions (20% de l'activité environ) sous l'enseigne Edycem, et enfin iii) la menuiserie industrielle (20% de l'activité aussi), avec la fabrication d'une offre complète de volets, d'huisseries et de portail sen bois, en PVC et en aluminium dans 9 sites industriels AtlanteM, ainsi que des charpentes sur un dernier site : Incobois.

Herige se positionne en principe dans la qualité, avec des points de vente VM spécialisés par expertise : matériaux et isolation, bois et rénovation, carrelages et décoration, etc…, des gammes de produits innovants en béton (Ondaliss, Lumiliss, Vertical Bloc, Poncebloc) développées en interne, ou en menuiserie (AM-X), avec un outil industriel très récent, et une forte capacité à faire du sur-mesure. Le groupe a aussi une politique RSE solide en principe avec plus de 90% de ses employés en CDI, des embauches aussi bien chez les jeunes que chez les vieux de plus de 50 ans, un tri actif des déchets sur tous les sites, et une nouvelle filiale pour recycler les menuiseries usagées : Menrec.

Rentabilité en progrès, même en 2020 : qualité de gestion indéniable ?

Rappelons que la principale activité du groupe : la distribution de matériaux, est un métier à marge opérationnelle faible en valeur absolue, soit 2,4% chez Herige en 2020 après 2% en 2019. Un chiffre qui souffre un peu de la comparaison avec Saint-Gobain, dont la branche distribution, qui est d'une taille toute autre cependant, et qui s'approvisionne en bonne partie en interne aussi vraisemblablement, affiche une marge de 3% environ sur longue période. Le béton prêt à l'emploi marge bien mieux, soit plus de 5% bon an mal an, même sans bénéficier de l'intégration verticale comme chez les grands concurrents, mais la menuiserie affiche elle aussi par contre une rentabilité limitée soit 3,7% en 2020 après 3,3% en 2019.

On notera toutefois que Herige a amélioré régulièrement sa marge opérationnelle ces trois dernières années, laquelle est passée de 2,1% en 2018, année en retrait pour la construction neuve comme pour la rénovation, et où des activités déficitaires ont été arrêtées dans les trois branches, avec notamment la fermeture de 4 points de vente VM, à 2,9% en 2019, avec une bonne croissance (+9%) et les réorganisations aidant, à enfin 3,3% en 2020, pourtant une année de crise grave en principe. Mais voilà : après des ventes en recul de -17% au 1er semestre 2020, tout est reparti et le recul de l'activité n'a été que de -3% sur l'année, alors que le très bon 2ième semestre (+8,9%) permettait de dégager une forte rentabilité, et de gagner encore +0,4 point de marge opérationnelle.

Avec un contrôle serré des charges externes, de la rigueur salariale sans aucun licenciement, et un recours mesuré au chômage partiel selon la direction. Soit, a priori, une bonne qualité de gestion pour cette affaire, contrôlée à plus de 64% par un groupe familial, et dont les membres sont très présents dans les instances de direction.

Des semestriels 2021 fantastiques, comme il se doit, et le reste à l'avenant

Comme beaucoup d'autres sociétés cotées, et comme on pouvait s'y attendre, le 1er semestre 2020 étant ce qu'il est, Herige a récemment publié des résultats semestriels 2021 hors normes, soit une croissance de +38% du chiffre d'affaires, et un gain de +3,5 points de marge opérationnelle, qui a atteint un sommet à 5,2%. Mais il est important de noter que la progression est aussi de +15%, par rapport à un premier semestre 2019 de conjoncture normale, et que le groupe est en fait en bonne croissance, tout simplement. Croissance qui est le résultat, selon la direction, d'une offre très complète, innovante, agrémentée de services, soit une offre de solution très différenciante auprès des clients professionnels.

Ceci sur un marché de la construction redevenu porteur, ce qui ne gâte rien, soit des permis de construire et des mises en chantier en hausse de respectivement +5% et +8,6% sur un an en juillet 2021, un niveau record de transactions dans l'ancien, et, faut-il le rappeler ? avec aussi et surtout le boom de l'isolation. Laquelle est financée par une politique gouvernementale très volontariste, le dérèglement climatique aidant, soit une enveloppe de subventions de 6,7 milliards d'euros dans le plan France Relance, MaPrimRénov pour l'habitat ancien, et éventuellement le meilleur restant à venir avec la nouvelle réglementation environnementale RE 2020 qui devrait finalement s'appliquer à partir de 2022.

Bref : il y a du pain sur la planche, et c'est très bon pour Herige a priori. Les investisseurs l'ont bien compris, puisque le cours progresse de +68% depuis le début de l'année.  Peut-être aussi parce que les chiffres sont clairs : des comptes lisibles, ça peut aider. On ne sait jamais.

Valeurs associées

Euronext Paris +0.91%

1 commentaire

  • 16 septembre 09:22

    19/20


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