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Après 200 ans de discorde, une "double dette" à 20 milliards de dollars qu'Haïti voudrait voir la France rembourser
information fournie par Boursorama avec Media Services 16/04/2025 à 12:19

Paris et Port-au-Prince s'apprêtent à commémorer jeudi cet épisode historique, qui pèse encore sur le destin de ce pays des Caraïbes.

Emmanuel Macron et le président haïtien par intérim, Leslie Voltaire, le 29 janvier 2025. ( AFP / THOMAS SAMSON )

Emmanuel Macron et le président haïtien par intérim, Leslie Voltaire, le 29 janvier 2025. ( AFP / THOMAS SAMSON )

C'est une histoire que tous les Haïtiens connaissent. Les Français, un peu moins. En 1825, ce pays des Caraïbes, qui avait obtenu son indépendance au début du siècle, a payé une indemnité colossale à la France de Charles X pour qu'elle reconnaissance son indépendance et qu'Haïti puisse rejoindre le concert des nations.

Deux cents ans plus tard, la mémoire de cette dette est toujours vive et son impact sur le destin du pays, qui vit dans une instabilité politique chronique depuis des décennies , fait l'objet de débats sans fin. Paris et Port-au-Prince s'apprêtent à commémorer jeudi cet épisode peu évoqué dans l'Hexagone.

Haïti a écrit une page de l'histoire de la décolonisation en devenant la première république noire à proclamer son indépendance le 1er janvier 1804 , après une victoire militaire décisive de "l'Armée indigène" constituée d'esclaves révoltés contre le corps expéditionnaire napoléonien à Vertières en novembre 1803.

Résultat de cette première décolonisation de l'histoire de France, l'ex-Saint-Domingue se retrouve au ban des nations . Ses nouvelles autorités acceptent le 17 avril 1825, sous la menace des canons de la flotte française, de payer 150 millions de francs-or d'indemnité aux anciens propriétaires de terres et d'esclaves , en échange de la reconnaissance de l'indépendance par le roi Charles X. La somme sera ramenée en 1838 à 90 millions. Pour s'en acquitter, la jeune république caribéenne doit s'endetter à des taux très élevés auprès de banques françaises -alors même que plonge le cours du café, de très loin sa principale ressource.

Dernière traite payée en 1952

Le règlement de cette "double dette" s'étalera jusqu'en 1952, date du paiement des derniers intérêts. Selon la Fondation pour la mémoire de l'esclavage (FME), cet engrenage a entraîné Haïti "dans une spirale de dépendance néocoloniale dont le pays ne parviendra jamais à s'extraire".

"Cette indemnisation a entravé durablement le processus de développement du jeune État tant par ses mécanismes financiers que par le poids politique qu'elle charrie", abonde l'économiste haïtien Pierre Benzico, interrogé par l' AFP à Port-au-Prince.

Pays de 12 millions d'habitants, le plus pauvre des Amériques, Haïti vit depuis des dizaines d'années dans une instabilité politique chronique, qui favorise le règne de gangs. Ces bandes criminelles contrôlent actuellement environ 85% de la capitale , selon l'ONU, et sèment la terreur par des meurtres, viols, enlèvements et pillages.

"Je connais l'histoire de l'ordonnance (de Charles X) et de la rançon payée par Haïti à la France. Nous payons encore les conséquences de cette imposition", estime Laurent Watson, chauffeur de taxi-moto dans la capitale. Tout en ajoutant être beaucoup plus préoccupé au quotidien par l'insécurité et la crise sanitaire et humanitaire.

Pour leur part, les autorités françaises rejettent une lecture trop manichéenne de l'Histoire, estimant que cela permet aux autorités haïtiennes de s'exonérer de leurs responsabilités dans l'instabilité , la corruption et les rapports troubles entre une partie de l'élite politique et les milieux criminels. Dont celui de la drogue : situé à 1.100 km de Miami, Port-au-Prince représente une plaque tournante idéale pour le trafic à direction des États-Unis.

Réparation ?

Emmanuel Macron annoncera néanmoins "des initiatives" le 17 avril, car "il va de la responsabilité de la France de faire vivre la mémoire de l'esclavage", a affirmé jeudi dernier le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.

Le président français ira-t-il jusqu'à une réparation financière , même symbolique, demandée par les autorités haïtiennes dans la foulée d'une campagne lancée en 2003 par l'ex-président Jean-Bertrand Aristide, qui avait évalué cette "double dette" à 21,7 milliards de dollars ? Un comité de réflexion réuni à l'époque par le gouvernement français sous l'égide de Régis Debray avait conclu à "l'anachronisme" d'une telle revendication.

En janvier, le président haïtien par interim Leslie Voltaire a affirmé qu'Emmanuel Macron lui avait évoqué lors d'un entretien le principe d'une "restitution" -que la présidence française n'avait pas mentionnée dans son compte-rendu des discussions.

"Haïti est un pays en vrac, pour qui, soyons honnêtes, l'urgence n'est pas la dette, mais la sécurité", et la France a une image passablement dégradée dans ses anciennes colonies d'Afrique, estime de son côté le géographe haïtien Jean-Marie Théodat. Un "geste significatif" de Paris serait "un accord gagnant-gagnant car il permettrait aussi de mettre beaucoup d'huile dans les rouages" entre la France et ses anciennes dépendances, plaide cette figure de la diaspora haïtienne en France.

22 commentaires

  • 16 avril 14:37

    Ils ont voulu let payé pour leur indépendance eh bien qu'ils se débrouillent seuls. S'ils étaient resté Français ils n'en seraient pas où ils sont.


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