Le président américain Donald Trump à la Maison Blanche, le 30 janvier 2025 à Washington ( AFP / Oliver Contreras )
Des données épidémiologiques et des recommandations médicales envolées, des cas de tuberculose passés sous le radar: avec le retour au pouvoir de Donald Trump, les médecins et chercheurs américains se retrouvent plongés dans l'inconnu.
"C'est totalement inédit", confie à l'AFP Natalie DiCenzo, gynécologue membre de l'association de soignants Physicians for Reproductive Health, évoquant "la panique et l'incertitude" qui règnent "chez la communauté médicale et scientifique".
Comme elle, de nombreux acteurs du secteur manifestent leurs préoccupations après que le nouveau gouvernement américain a suspendu les communications des agences sanitaires fédérales et entrepris un remodelage de leurs sites.
Sur celui des Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), un bandeau informe que les pages sont "en cours de modification pour se conformer aux décrets du président Trump", notamment ceux visant les politiques de diversité.
Ces derniers jours, des bases de données variées allant des cas de Covid long à celles sur la dépression y ont disparu, tout comme des ressources sur les biais racistes en médecine ou encore des mentions au "genre".
"Ce qui m'a le plus intrigué, c'est la suppression des directives sur les infections sexuellement transmissibles", raconte Natalie DiCenzo. "Je ne vois vraiment pas ce qu'il y a de radicalement gauchiste dans le traitement de la gonorrhée".
Certaines pages, notamment sur la grippe aviaire, sont réapparues après une brève absence, tandis qu'une application à destination des soignants a disparu des plateformes de téléchargement, occasionnant une grande confusion.
- Tuberculose et grippe aviaire -
"Supprimer des informations qui protègent les Américains est profondément irrespectueux", condamne Tom Frieden, ancien directeur des CDC sous Obama, fustigeant une "dissimulation" qui "met des vies en danger".
Jennifer Nuzzo, professeure d'épidémiologie à l'université Brown, s'inquiète elle de changements réalisés "non pas par des scientifiques, mais par des politiques".
Des échantillons de lait testés pour la grippe aviaire, le 11 décembre 2024 à l'université Cornell à Ithaca, dans l'Etat de New York ( Getty / Michael M. Santiago )
"Le gel des communications a empêché les CDC de tenir les autorités sanitaires locales informées des sujets comme la grippe aviaire, qui a déjà tué une personne aux États-Unis" et circule chez les volailles et dans les troupeaux de bovins, regrette-t-elle auprès de l'AFP.
De même pour "l'une des plus grandes épidémies de tuberculose de l'histoire moderne du pays", actuellement enregistrée au Kansas. Ces cas auraient dû faire l'objet de rapports épidémiologiques des CDC, insiste-t-elle.
Or, depuis l'investiture de Donald Trump, la publication de ces documents de référence, publiés chaque semaine depuis plus de 60 ans, a été interrompue. Et plus le temps passe, plus l'incertitude croît, insiste Mme Nuzzo.
"J'en suis à me demander si nous pourrons faire confiance aux données (rapportées par les CDC) ou si des éléments seront dissimulés pour une raison ou une autre", confie ainsi Rebecca Christofferson, chercheuse à l'université d'Etat de Louisiane.
- "A la main" -
Face à cette situation inédite et alors que l'incertitude plane sur la poursuite des financements publics de la recherche, la communauté scientifique se mobilise pour trouver des parades.
Caitlin Rivers, chercheuse à l'université Johns Hopkins, raconte ainsi "compiler les données à la main" depuis deux semaines afin d'assurer une surveillance continue de la circulation de la grippe.
L'activiste féministe Jessica Valenti, le 13 septembre 2024 à New York ( AFP / TIMOTHY A. CLARY )
Quant aux informations disparues des sites officiels, plusieurs personnes dont Jessica Valenti, activiste féministe et créatrice d'une newsletter consacrée aux droits reproductifs ont entrepris d'archiver des bases de données et des pages des CDC avant qu'elles ne soient supprimées.
"L'espoir est d'en faire une ressource pour les personnes qui en ont besoin", explique-t-elle à l'AFP.
"A ce stade, nous ne pouvons pas compter sur ces institutions pour nous sauver. Je pense que les chercheurs et les professionnels de la santé devraient collectivement s'inspirer des activistes", abonde Natalie DiCenzo, pointant le travail mené depuis des décennies par les organisations de défense du droit à l'avortement.
Parmi les priorités à défendre: celle de continuer à soigner tout le monde "de manière égalitaire", au moment où l'administration Trump s'attaque en particulier aux personnes transgenres et non-binaires ainsi qu'aux droits reproductifs.
"Vous savez, dans la communauté scientifique et universitaire, nous sommes futés, nous trouverons si nécessaire d'autres moyens de faire circuler les informations", assure Mme DiCenzo.
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