Avec l'offensive protectionniste de Donald Trump début avril et l'escalade avec la Chine, le marché de la dette des États connaît de violentes secousses, en particulier du côté des bons du Trésor américain.

( POOL/AFP / ANDRES MARTINEZ CASARES )
De quoi parle-t-on ?
Du marché des obligations, où s'échangent les emprunts effectué par un pays sur un horizon de remboursement qui peut aller jusqu'à trente ans.
Plus une obligation est recherchée par les investisseurs, plus son taux d'intérêt va baisser. Ils cherchent en revanche à être mieux rémunérés lorsqu'ils jugent la dette d'un État plus risquée, ce qui fait monter le taux.
Les bons du Trésor américain ont enregistré de grands mouvements dans les deux sens depuis l'annonce de l'offensive protectionniste de la Maison-Blanche.
En pleine débâcle boursière, les obligations d’État ont d'abord été plébiscitées, car elles offrent un rendement garanti pour les investisseurs. "Lors de telles périodes, il est courant que les investisseurs vendent des actions et achètent des obligations d'État, considérées comme des actifs refuges" , explique Hal Cook, analyste chez Hargreaves Lansdown.
Les taux ont donc logiquement baissé au début du mois, le rendement des bons du Trésor à 10 ans glissant jusqu'à 3,88% le 4 avril. Mais ces derniers jours, "les marchés obligataires américains connaissent une vente massive incroyable" provoquant une flambée des taux d'emprunt, souligne Jim Reid, économiste à la Deutsche Bank.
En d'autres termes, les investisseurs se débarrassent de leur dette américaine, "la preuve qu'elle perd son statut traditionnel de valeur refuge".
Pourquoi la remontée des taux est surprenante ?
Le taux d'emprunt à 10 ans des États-Unis a flambé mercredi jusqu'à 4,5%, une hausse particulièrement marquée et surprenante quand les investisseurs cherchent des couvertures contre le risque.
Les récents "mouvements suggèrent que certaines positions sont abandonnées pour couvrir des pertes ailleurs sur les marchés", estime Susannah Streeter, responsable des marchés financiers chez Hargreaves Lansdown.
Le même phénomène avait été observé vendredi pour l'or, considéré comme la valeur refuge par excellence en temps de crise. Il avait décroché de son sommet historique atteint début avril, les investisseurs ayant été contraints de liquider leurs positions pour essuyer leurs pertes sur d'autres marchés.
Les bons du Trésor s'imposent comme premier choix de délestage "étant typiquement l'actif le plus liquide que détiennent les grands investisseurs", note Hal Cook.
"Il est possible que l'incertitude concernant la politique commerciale et de dépenses future des États-Unis soit également une partie de la raison" de la fuite des investisseurs, poursuit-il.
Le spectre d'une récession américaine en conséquence des droits de douane vient aussi influencer la situation: les taux d'emprunts longs, comme les obligations à échéance 10 ou 30 ans, dépendent "des perspectives de croissance et d'inflation", affirme Aurélien Buffault, gérant obligataire de Delubac AM, et augmentent en général quand les perspectives s'assombrissent.
Les taux d'intérêt à court terme (2 ans ou moins) sont, eux, liés aux anticipations de baisse ou de hausse de taux de la Banque centrale américaine (Fed). Mais difficile aujourd'hui de prédire si la Fed va augmenter ses taux en raison du risque d'inflation lié aux droits de douane, ou les baisser en raison du risque de ralentissement économique dû à ces mêmes droits de douane.
Qu'est ce que cela signifie ?
Pour Kathleen Brooks, directrice de la recherche au sein de XTB, "les obligations ne sont plus un refuge sûr dans la configuration actuelle des marchés".
A l'heure où les experts économiques s'interrogent sur les vraies intentions de Trump dans sa guerre commerciale, "le marché a perdu confiance dans les actifs américains" et "il vend activement les actifs américains eux-mêmes", juge même George Saravelos, de la Deutsche Bank. Le dollar perdait d'ailleurs du terrain mercredi, notamment face à l'euro.
Le ministre des Finances américain Scott Bessent a affirmé mercredi sur Fox Business que la flambée des taux obligataires était certes "inconfortable", mais n'avait "rien de systémique".
Phénomène technique et temporaire ou "vote de défiance plus large envers la dette souveraine américaine"? Pour Stephen Innes, de SPI AM, "peu importe" car la conclusion reste la même: l'ancien mode de fonctionnement consistant à acheter du dollar et des obligations en temps de crise "ne fonctionne plus".
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