
Usine de recyclage Paprec à La Courneuve (Seine-Saint-Denis) ( AFP / MIGUEL MEDINA )
Une myriade de faits dans toute la France, mais pas de procès: le groupe Paprec a obtenu mardi un accord avec la justice, amende de 17,5 millions d'euros à la clé, pour solder ses poursuites concernant notamment des fraudes à des marchés publics du traitement des déchets.
Le groupe Paprec était suspecté de blanchiment de fraude fiscale, recel de favoritisme, corruption active de personne chargée de mission de service public et entente illicite, pour des faits qui ont eu lieu entre 2013 et 2022 dans toute la France et valent une mise en examen en mai 2022 à Jean-Luc Petithuguenin, ex-PDG du groupe, ou encore à Philippe Marini, ancien président LR de la commission des Finances du Sénat.
Interdit d'exercer comme PDG du groupe après sa mise en examen, M. Petithuguenin a depuis repris des fonctions exécutives dans une filiale internationale de Paprec, dirigée par son fils, Mathieu.
Le président du tribunal judiciaire de Paris, Stéphane Noël, a accepté mardi après-midi d'homologuer cette convention judiciaire d'intérêt public (Cjip) signée lundi entre Paprec et le Parquet national financier (PNF), avec une amende équivalant à 0,6% du chiffre d'affaires 2023 de la société, qui était représentée à l'audience par sa secrétaire générale.
L'enquête ouverte en 2020 par le PNF a été rapidement confiée à un juge d'instruction "au vu de l'ampleur des faits sur l'ensemble du territoire", s'agissant d'un "groupe important dans le tissu économique français", selon Jérôme Simon, premier vice-procureur financier.
D'après ce magistrat, M. Petithuguenin est impliqué dans chacun des volets de l'enquête, souvent à côté d'autres hauts responsables du groupe.
Dans le principal sous-volet du dossier apparaissent deux importants acteurs politiques locaux, M. Marini et Xavier Dugoin, ex-sénateur de l'Essonne: il s'agit de celui de corruption active de personnes chargées de mission de service public, concernant deux marchés publics.
M. Petithuguenin avait de lui-même évoqué les faits allégués devant la presse peu après sa mise en examen.
S'agissant de M. Marini, la justice s'intéressait à un marché remporté par Paprec portant sur la construction d'un centre de tri de déchets à Villers-Saint-Paul (Oise), pour un montant évalué à 36 millions d'euros.
"Le magistrat pense que, pour gagner ce marché, j'ai sponsorisé le concours hippique de la femme du maire de Compiègne, Philippe Marini, à hauteur de 10.000 puis 15.000 euros", déclarait M. Petithuguenin, qui avait affirmé avoir "découvert ce partenariat en garde à vue".
Vers un procès correctionnel ?
M. Petithuguenin avait par ailleurs annoncé être soupçonné d'avoir embauché le fils de M. Dugoin, qui a dirigé jusqu'en 2020 le Siredom, un des principaux syndicats d'ordures ménagères en France, "pour obtenir des marchés".
"La vérité, c'est que je n'avais pas vu ce garçon avant son recrutement, qui a été effectué par un de mes directeurs locaux", assurait M. Petithuguenin.
L'accusation a souligné mardi que le pacte de corruption allégué incluait aussi "un contrat de communication" avec un proche du directeur général des services.
L'enquête concerne par ailleurs trois autres volets: des retraits en espèces sur le compte de la société, pour 1,78 million d'euros; des interventions sur quatre marchés publics pour obtenir des informations privilégiées; une entente illicite entre adversaires sur des marchés pour créer une illusion de concurrence.
Les faits visés par cette dernière infraction concernent des marchés passés à Toulouse, Grenoble, ou encore en Isère, en Mayenne ou en Haute-Garonne.
Au total, sept personnes, dont deux ces dernières semaines, ont été mises en examen dans cette information judiciaire qui pourrait déboucher sur une audience correctionnelle pour les personnes physiques.
Paprec, actuel numéro trois français du traitement des déchets et de la valorisation énergétique (derrière Veolia et Suez), mais leader dans le recyclage, a réalisé 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2023 et compte 16.000 salariés dans douze pays.
Outre l'amende, il sera soumis à un programme anti-corruption de trois ans, le procureur Simon notant une "indéniable prise de conscience au sein du groupe", mais aussi que celui-ci, "particulièrement exposé à ces problématiques, est encore "loin du compte".
La famille Petithuguenin est le principal actionnaire, mais le groupe compte aussi parmi ses actionnaires Vauban Infrastructure Partners, Arkea, Bpifrance, BNP Paribas et Crédit agricole.
6 commentaires
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer