La part des armements russes importés par l'Inde est passé de trois quarts il y a dix ans, à un peu plus d'un tiers aujourd'hui.
Des militaires indiens à New Dehli, en Inde, le 26 janvier 2024. ( AFP / LUDOVIC MARIN )
En plein effort de réarmement, notamment depuis un grave incident frontalier en 2020 avec la Chine, l'Inde s'est hissé au 4e rang mondial en matière de dépense de défense. Pour moderniser son armée, New Delhi a décidé de miser d'abord sur des contrats militaires avec les pays occidentaux -au détriment de la Russie- mais aussi sur la création d'une industrie locale.
Sur fond de guerre russo-ukrainienne et de tensions persistantes avec son rival chinois, New Delhi a fait de son réarmement une priorité. En 2023, l'Inde a consacré 83,6 milliards de dollars (80 mds euros) à ses dépenses militaires (2,4% du produit intérieur brut), selon l'Institut international de recherche pour la paix (Sipri) de Stockholm, qui la classe au 4e rang mondial en la matière derrière la Chine, les États-Unis et la Russie.
Longtemps, la modernisation de l'armée indienne "a suivi un cours hésitant", note l'expert Harsh V Pant, de l'Observer Research Foundation, "tout le monde pensait qu'on avait le temps" . Jusqu'au grave incident armé avec l'armée chinoise qui a causé la mort de 20 soldats indiens en 2020 dans les hauteurs de l'Himalaya, à la frontière contestée entre les deux pays. "Ce qui s'est passé dans la vallée de Galwan a considérablement changé la perception qu'a l'Inde de sa sécurité", poursuit Harsh V Pant.
"Cette crise et la guerre en Ukraine (...) nous ont convaincus de faire mieux et plus vite", ajoute-t-il. En clair, privilégier "les importations massives et à court terme auprès de partenaires-clé" et "bâtir rapidement une industrie nationale" .
Avions de combat, sous-marins ou missiles, l'Inde a signé pour des dizaines de milliards de dollars de chèques pour s'équiper en matériel dernier-cri aux États-Unis, en France, en Allemagne ou en Israël . Ces achats ont progressé de 4,7% entre 2014-18 et 2019-23 et fait de New Delhi "le premier importateur d'armes mondial" sur la dernière période citée, selon le Sirpi.
Et à en croire la presse locale, le Premier ministre Narendra Modi devrait profiter de son séjour à Paris en février pour parapher un contrat très attendu d'achat de chasseurs français Rafale version marine et de sous-marins de type Scorpène.
La Russie toujours impliquée, mais en recul
De son côté, le département d'État américain s'est réjoui de voir le produit de la coopération militaire bilatérale bondir "de près de zéro en 2008 à plus de 20 milliards de dollars en 2020".
La Russie reste la principale pourvoyeuse d'armes de l'Inde, précise l'institut suédois. Mais sa part à fondu de 76% en 2009-13 à 36% en 2019-23... Pas de quoi toutefois remettre en cause la solidité des liens indo-russes, juge l'expert Nitin Gokhale.
"La Russie reste une partenaire très important sur lequel elle peut compter", détaille-t-il, "parce qu'elle est la seule à avoir consenti aux transferts des hautes technologies requis".
En même temps qu'elle faisait son marché à l'étranger, l'Inde a mis le paquet sur sa propre industrie d'armement. Illustration du "Made in India" promu par Narendra Modi. En 2023, son ministre de la Défense a promis de lui accorder pour 100 milliards de dollars de contrats "indigènes" sur les dix ans à venir.
Jusque-là concentrés sur des niches, les industriels indiens ont dû rapidement changer de braquet. "L'effort sur la fabrication locale et les coentreprises n'a été engagé qu'il y a dix ans" , relève Nitin Gokhale. "Ce n'a pas été facile", ajoute-t-il. "Tout ne peut pas être produit localement (et) la haute technologie reste difficile à acquérir".
Tripler les exportations en 5 ans
Jusque-là, l'Inde a surtout exporté du petit matériel tel que munitions, torpilles ou drones , pour l'Égypte, l'Ethiopie ou le Mozambique. Des logiciels et systèmes électroniques aussi. En 2024, elle en a vendu 2,63 milliards de dollars (2,5 mds euros), selon le ministère de la Défense.
Le gouvernement indien espère changer de catégorie en vendant pour 450 millions de dollars (430 millions d'euros) de missiles de croisière -de conception russe- à l'Indonésie. Le contrat a été discuté samedi à New Delhi par le président Prabowo Subianto et, croit savoir la presse, devrait être finalisé lors d'une visite indonésienne à venir en Inde.
Très ambitieux, le gouvernement indien espère tripler ses exportations d'armes d'ici 2029 .
Dans ses priorités, l'ouverture d'une usine de fabrication d'hélicoptères, le lancement de son premier porte-avions, de son premier sous-marin à propulsion nucléaire et d'un missile hypersonique à longue portée.
Mais, comme le relève Nitin Gokhale, ces efforts restent limités par l'absence de "transferts complets de technologies" et le manque d'investissements significatifs en matière de recherche. "Trouver le bon équilibre entre les importations, pour satisfaire nos besoins immédiats, et le développement à long terme de nos propres capacités de production constitue un défi pour les décideurs", conclut l'analyste.
14 commentaires
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer