Les soldats des deux pays travaillent à améliorer leur interopérabilité. "On est prêt à partir dès ce soir s'il le faut".

Des militaires français à Sissonne, le 22 avril 2025. ( AFP / SAMEER AL-DOUMY )
"On regarde ce qui se passe sur les théâtres d'opération et les nouveaux modes d'action pour les intégrer". Des soldats français et britanniques s'entraînent au combat urbain pendant deux semaines, au milieu des barres sans âme de la ville fantôme de Jeoffrécourt, dans le nord-est de la France. Pour faire face à la nouvelle donne géostratégique et aux craintes du retour de la guerre de haute intensité, les états-majors gardent un œil sur le conflit ukrainien pour en tirer les leçons.
Déployés sur le camp de Sissonne, au nord de la ville de Reims, pour deux semaines, 170 légionnaires de la 13e DBLE (Demi-brigade de la Légion étrangère) et autant de militaires du régiment Royal Welsh s'appuient mutuellement pour s'emparer de cette bourgade de 5.000 habitants reconstituée avec son quartier pavillonnaire, son centre-ville, sa zone industrielle et ses affiches à l'iconographie soviétique.
En face, une "force adverse" (Forad) avec des moyens similaires aux leurs : des drones, de l'artillerie, des mines et des blindés. "On regarde ce qui se passe sur les théâtres d'opération et les nouveaux modes d'action pour les intégrer", explique le lieutenant-colonel Romain, responsable de l'entraînement au 94e régiment d'infanterie-Cenzub (Centre d'entraînement aux actions en zone urbaine).
Et avec l'Ukraine mais aussi Gaza, les enseignements sont multiples : l'omniprésence des drones, les combats en souterrain, les incessants tirs d'artillerie qui ont conduit à "durcir l'exercice", et les délicates relèves d'unité sur leur position, un "moment de grande vulnérabilité qu'il faut réaliser le plus vite possible", détaille l'officier, tenu de taire son patronyme.
Au premier jour de l'exercice, un drone volant à plusieurs dizaines de mètres du sol est parvenu à larguer une grenade directement dans l'écoutille d'un char de la Forad, que l'équipage avait eu l'erreur de laisser ouverte, s'enorgueillit un légionnaire en montrant la vidéo. À l'abri du fracas -simulé- des combats, la cave du bâtiment de la compagnie d'électricité fait office de poste de commandement français. Posté près du soupirail, un légionnaire dirige avec sa manette dotée d'un écran son drone, dont le flux vidéo est retransmis sur un drap blanc dressé contre le mur à côté de la carte représentant la situation des unités sur le terrain.
Interopérabilité franco-britannique
Quatre radios, autant d'ordinateurs portables, le dispositif se veut léger, explique le colonel Benjamin Brunet, chef de corps de la 13e DBLE : "On 'drill' (on s'entraîne, ndlr) pour changer de position toutes les six heures".
En Ukraine, les PC se font rapidement repérer et détruire à cause du rayonnement électromagnétique émis par les liaisons radio ou de données.
Pour le réduire, un autre "PC miroir", caché entre deux immeubles, a été déployé à bord d'un blindé Griffon. "Cela permet de réduire leur taille et de se fondre dans l'environnement électromagnétique , ajoute-t-il. "C'est un retour d'expérience sur lequel on travaille pour améliorer la survivabilité des PC".
Pour s'assurer de la bonne coordination avec le Royal Welsh, un blindé Warrior britannique sommairement camouflé de branchages a été garé à côté. Un officier de liaison français juché sur ce PC mobile traduit les informations provenant du Griffon pour coordonner la manœuvre des unités des deux pays.
"Ça fonctionne très, très bien"
Officier de renseignement intégré dans le PC français, le capitaine Ed, lui aussi tenu de taire son nom, se félicite de l'interopérabilité entre les deux pays. "Ça fonctionne très, très bien parce qu'on a des soldats qui ont une mentalité et des valeurs similaires, on peut bosser très vite", estime-t-il dans un français parfait.
La mise sur pied par Paris et Londres d'une "force de réassurance" en Ukraine après un hypothétique cessez-le-feu ? "On s'entraîne et on est prêt à partir partout dans le monde" , évacue-t-il.
Et de rappeler que "depuis 2018, Français et Britanniques sont ensemble en Estonie" dans le cadre de la mission de réassurance mise en place par l'Otan sur son flanc oriental.
"Bien sûr qu'on suit l'actualité comme tout le monde, reconnaît le colonel Brunet, on est prêt à partir (...) dès ce soir s'il le faut et ce genre d'exercice permet d'être au plus près de ce qu'il se fait actuellement dans les conflits."
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