( AFP / THIBAUD MORITZ )
En Bretagne, 35 Ehpad publics comptent mettre en demeure le ministère de la Santé, l'ARS et le département pour réparer les préjudices économiques qu'ils estiment subir - et ce serait une première en France, selon le cabinet d'avocats Coudray qui les représente.
En Bretagne, des maires veulent attaquer l'Etat en justice. Ces élus en colère espèrent obtenir plus de financements et sauver leurs Ehpad publics et associatifs.
Le mouvement est né dans les Côtes-d'Armor en mai 2023, quand plusieurs maires de communes rurales ont réalisé que leurs Ehpad rencontraient des difficultés similaires, raconte le maire de Plouha, Xavier Compain. A présent, 330 communes soutiennent ce collectif "Territoires en résistance pour le grand âge". "Il existe un vrai modèle breton, solidaire", explique Xavier Compain à l'AFP. 63% des Ehpad sont publics, 32% privés à but non lucratif et 5% commerciaux, selon l'Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne. A l'échelle nationale, la proportion est de 44% pour le public, 31% privés à but non lucratif et 24% privés. "Ce modèle est remis en cause", s'inquiète le collectif.
La résidence Saint-Joseph, un Ehpad associatif installé au coeur de Plouha, n'y échappe pas. Elle a enregistré un déficit autour 150.000 euros en 2022 et s'attend à être encore dans le rouge en 2023. Comme toutes les maisons de retraite, elle est financée par l'ARS pour les soins aux résidents, par le département pour la dépendance et par les résidents pour l'hébergement (nourriture, chauffage...). Le coût de l'électricité, hors chauffage, est passé de 35.000 euros en 2020 à 135.000 euros en 2023, donne comme exemple le directeur de la résidence, Olivier Prigent. Le coût journalier de l'alimentation a bondi de 15% en un an. "Il y a plein de lignes de dépenses sur lesquelles nous n'avons plus de maîtrise", regrette-t-il.
"Si je devais répercuter ces hausses, ce serait sur le tarif pour les résidents, sauf qu'on est à Plouha, les revenus ne sont pas énormes." "En temps qu'association, nous sommes sensés être accessibles", avec un reste à charge entre 2.000 et 2.200 euros par mois pour les résidents, poursuit-il, contre le double dans certains établissements privés. Les 78 résidents sont en partie "des retraités agricoles, avec environ 800 euros de retraite pour les hommes, 500 pour les femmes, des artisans-commerçants, un peu de gens de marine marchande", détaille le maire. Si l'Ehpad venait à fermer, "ce serait vraiment compliqué", témoigne Nelly Hervault, membre du conseil de vie sociale de la résidence. La retraite d'enseignante de sa mère de 90 ans suffit à couvrir le coût de l'Ehpad, mais "il n'est pas très cher par rapport à tout ce qui se fait ailleurs".
Les élus craignent de voir, à terme, des Ehpad privatisés
Le budget global de l'Ehpad est défini dans le cadre d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) valable cinq ans. Il n'intègre ni l'inflation, ni la dégradation de santé et de dépendance des résidents. Avec un âge moyen d'entrée en Ehpad de 87,5 ans, "cinq ans, c'est énorme", insiste Marie-Thérèse Gicquel, présidente de l'association qui gère la résidence Saint-Joseph. "Les économies faites par le passé permettent de tenir, mais jusqu'à quand ?", s'inquiète le directeur de l'Ehpad.
Pour réduire les coûts, il a changé de fournisseur d'électricité, passé en revue tous les contrats et réfléchit à mutualiser le service de lingerie avec l'Ehpad public voisin. "Il ne faut pas attendre que tout vienne d'en haut", reconnaît-il. Pour autant, l'Etat doit prendre ses responsabilités, réclame le collectif "Territoires en résistance pour le grand âge". Dans un premier temps, 35 Ehpad publics comptent mettre en demeure le ministère de la Santé, l'ARS et le département pour réparer les préjudices économiques qu'ils estiment subir. Ce serait une première en France, selon le cabinet d'avocats Coudray qui les représente. Si ces trois administrations ne répondent pas ou répondent par la négative dans un délai de deux mois, ces Ehpad saisiront le juge administratif.
La crainte des élus est qu'à terme, des Ehpad soient privatisés et deviennent trop chers pour les habitants. "Des groupes privés ont déjà essayé de nous contacter afin de prendre la suite", confie Olivier Prigent.
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