Une petite centaine de soldats français va se maintenir dans le pays pour des missions de formation et d'accompagnement.

La base militaire de Port-Bouët, en Côte d'Ivoire, le 19 décembre 2019. ( AFP / LUDOVIC MARIN )
C'est en douceur, et grâce à une "approche concertée" que la France est en train de finaliser son retrait "nécessaire" de la Côte d'Ivoire. Dans quelques jours, les militaires français rendront le camp militaire de Port-Bouët, près d'Abidjan, à leurs homologues ivoiriens, avec qui ils vont continuer la collaboration.
À l'entrée de la base, les miradors ont été repeints aux couleurs orange, blanche et verte, mais sur la place d'armes les drapeaux des deux pays flottent encore. Le 20 février, le camp sera officiellement rétrocédé par la France à la Côte d'Ivoire, lors d'une cérémonie en présence des ministres de la Défense des deux pays.
Le 43e bataillon d'infanterie de marine (43e BIMa) deviendra le camp Thomas d'Aquin Ouattara, du nom du premier chef d'État-major de l'armée ivoirienne dont le portrait est prêt à être dévoilé le jour J sur la façade du poste de commandement.
Chassée ces dernières années du Mali, du Burkina Faso et du Niger par des juntes hostiles, l'armée française a également récemment dû quitter le Tchad en quelques semaines . Le Sénégal négocie lui aussi le départ de troupes françaises d'ici fin 2025.
Mais sur la base de Port-Bouët, tout le monde insiste sur la totale coopération entre les deux armées , dans le cadre d'un processus initié en 2023. Depuis quelques semaines, une petite centaine de parachutistes ivoiriens ont même déjà pris leurs quartiers sur place. "Nous effectuons quotidiennement de l'entraînement au combat, des activités de cohésion avec nos partenaires français. La cohabitation est très bonne", assure le capitaine Ange Yoboué Kouamé, chef du détachement des parachutistes.
Sur le stand de tir, l'adjudant-chef français Frédéric supervise l'une des premières séances de l'armée ivoirienne sur place. "On est juste là avec deux moniteurs pour les conseiller, les appuyer. Par la suite, ils seront autonomes", explique t-il.
La rétrocession de la base s'inscrit dans la volonté française de redessiner sa présence militaire en Afrique. La Côte d'Ivoire reste l'un des principaux alliés de la France en Afrique de l'Ouest. Jusqu'à mille soldats étaient déployés au 43e BIMa , notamment dans la lutte contre les jihadistes qui frappent régulièrement le Sahel et le nord de certains pays du golfe de Guinée.
"Depuis 18 mois, on cherche encore un sujet avec lequel on aurait été en désaccord avec les Ivoiriens", souffle un colonel français. Un officier ivoirien abonde et loue cette "approche concertée", à rebours de "l'approche conflictuelle observée ailleurs", et "une proximité culturelle et une histoire militaire commune qui facilitent les échanges".
"Moment historique"
"C'est une séquence symbolique très forte. On est sur un moment historique d'une relation mature entre deux pays. Ce n'est absolument pas dans la crise qu'on procède à cette rétrocession, c'est une évolution nécessaire, voulue par nos présidents ", insiste le colonel Damien Mireval, attaché de défense français à Abidjan.
Les liens entre les deux armées remontent à 1961, et un accord de défense signé au lendemain de l'indépendance. Le 43e BIMa s'est installé en 1978 sur cette base stratégique, située à quelques kilomètres de l'aéroport d'Abidjan, mais la présence militaire française remonte à l'époque coloniale.
En 2002, après une tentative de coup d'État contre le président de l'époque Laurent Gbagbo et la prise de contrôle d'une partie du pays par des rebelles, la France avait mis en place la force Licorne, pour protéger ses ressortissants et tenter de stabiliser le pays. En novembre 2004, le 43e BIMa avait servi de refuge à des centaines de civils français victimes de pillages. Des milliers de manifestants pro Gbagbo avaient convergé vers la base en réclamant le départ de Licorne, jugée complice des rebelles, avant d'être repoussés par les soldats français. Au plus fort de cette crise, la France a compté plus de 5.000 militaires dans le pays.
En avril 2011, quelques mois après une élection présidentielle aux résultats contestés par Laurent Gbagbo, Licorne avait mené, aux côtés de l'ONU, des bombardements sur la résidence du président sortant, qui sera finalement arrêté. La mission de la force a pris fin en 2015.
Le retrait français doit s'opérer progressivement au cours de l'année 2025 mais une petite centaine de soldats français va se maintenir pour des missions de formation et d'accompagnement.
La rétrocession du camp de 230 hectares va aussi permettre à la Côte d'Ivoire de former davantage de troupes sur place, sans avoir à choisir quelques heureux élus pour aller suivre ces programmes en Europe. Début janvier, une académie militaire des systèmes d'information et de communication (Amsic) a vu le jour sur la base. Une douzaine de lieutenants de sept pays d'Afrique francophone y suivent actuellement une formation auprès d'un instructeur français.
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