Une femme masquant son visage avec le drapeau de l'opposition syrienne fait le V de la victoire en tenant un fusil d'assaut devant la mosquée des Omeyyades à Damas le 10 décembre 2024 ( AFP / LOUAI BESHARA )
Le Premier ministre chargé de la transition en Syrie, Mohammad al-Bachir, aussitôt nommé, a promis calme et stabilité mardi aux Syriens, deux jours après la chute du pouvoir de Bachar al-Assad lors d'une offensive fulgurante d'une coalition de rebelles.
Abondant dans le même sens, Abou Mohammad al-Jolani, le chef du groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) à la tête de la coalition rebelle, a affirmé à Sky News depuis Damas que "les gens sont épuisés par la guerre. Le pays n'est pas prêt pour une autre, et ne va pas se retrouver dans une autre (guerre)".
Après la fuite de M. Assad en Russie et l'entrée des rebelles à Damas dimanche, la vie a repris son cours dans la capitale syrienne où les commerces ont rouvert. Mais pour beaucoup de Syriens, la priorité reste la quête de proches disparus happés par des décennies de féroce répression du clan Assad.
Une photo fournie par la chaîne Telegram de l'agence de presse syrienne Sana montre le Premier ministre chargé de la transition en Syrie, Mohammad al-Bachir, présidant une réunion du nouveau cabinet à Damas, le 10 décembre 2024 ( SANA / STRINGER )
Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a dit que les Etats-Unis "reconnaîtront et soutiendront pleinement un futur gouvernement syrien issu d'un processus (politique) inclusif".
"Il est temps pour ce peuple de jouir de la stabilité et du calme (...) et de savoir que son gouvernement est là pour lui fournir les services dont il a besoin", a déclaré M. Bachir dans une interview à la chaîne al Jazeera.
Il a présidé une réunion regroupant les nouveaux ministres et ceux du pouvoir déchu. "La mission du gouvernement intérimaire consiste à préserver la stabilité des institutions et à éviter la désintégration de l’Etat", a-t-il dit.
- "Scénarios terrifiants" -
Des Syriens célèbrent la chute du pouvoir en arborant le drapeau de la révolte à Damas, le 10 décembre 2024 ( AFP / OMAR HAJ KADOUR )
M. Bachir a été désigné par le "commandement général" de la coalition rebelle "Premier ministre chargé de diriger le gouvernement transitoire jusqu'au 1er mars", selon un communiqué.
Né en 1983, il a dirigé ces dernières années l'administration des rebelles à Idleb, leur fief dans le nord-ouest du pays.
HTS, aidé de factions alliées, a lancé le 27 novembre à partir d'Idleb l'offensive éclair qui a entraîné la chute du pouvoir et permis à la coalition rebelle de s'emparer de la grande partie du pays.
Mardi soir, les rebelles ont également affirmé s'être emparés de la ville de Deir Ezzor, dans l'est du pays. L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a indiqué que les forces kurdes s'étaient retirées en direction des localités environnantes.
Ancienne branche syrienne d'Al-Qaïda, HTS affirme avoir rompu avec le jihadisme, alors que des pays occidentaux, dont les Etats-Unis, le classent terroriste.
Avant la nomination de M. Bachir , l'émissaire de l'ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, a indiqué être en contact avec HTS, soulignant que cette organisation et les autres groupes armés "ont envoyé un message positif au peuple syrien".
Cartes montrant l'évolution des zones approximatives de contrôle des rebelles syriens entre le 3 décembre et le 9 décembre au lendemain de la prise de Damas ( AFP / Valentin RAKOVSKY )
"Le test le plus important" sera la mise en œuvre de la transition, a-t-il néanmoins souligné.
La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a parlé "d'énormes défis" à venir, espérant que la Syrie ne répète pas les "scénarios terrifiants" de l'Irak, de la Libye et de l'Afghanistan.
- Raids israéliens -
Dès la chute de M. Assad, ennemi d'Israël, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a affirmé que son pays ne "permettra à aucune force hostile de s'établir à sa frontière".
L'armée a dit avoir mené en 48 heures des centaines de frappes dans plusieurs villes de Syrie voisine contre des sites militaires stratégiques "pour empêcher qu'ils ne tombent aux mains d’éléments terroristes".
Les dirigeants israéliens semblent craindre que le chaos ne s'établisse en Syrie et agissent en conséquence, selon les experts.
Des blindés israéliens stationnés près de la clôture séparant la partie du Golan occupée et annexée par Israël de la Syrie, le 10 décembre 2024 ( AFP / Jalaa MAREY )
Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a ordonné à l'armée d'établir "une zone exempte d'armes et de menaces terroristes dans le sud de la Syrie". Auparavant, les troupes israéliennes ont pris position "dans la zone tampon" à la lisière de la partie du Golan syrien occupée par Israël.
Selon un officiel de l'ONU à New York, qui a demandé à rester anonyme, les forces israéliennes occupent sept positions dans la zone tampon.
- "Prisons secrètes -
Des Syriens rassemblés devant la prison de Sadnaya, près de Damas, à la recherche de proches disparus, le 9 décembre 2024 ( AFP / OMAR HAJ KADOUR )
Après la prise de vastes régions du pays, les rebelles ont ouvert les prisons pour libérer les détenus.
Dans les prisons et sur les réseaux sociaux, les Syriens cherchent depuis plusieurs jours leurs proches.
A la prison tristement célèbre de Saydnaya près de Damas, Sleimane Kahwaji, un secouriste, est revenu après y avoir été détenu "55 jours sous terre" en 2014 dans un cachot surpeuplé. Il dit avoir vu mourir deux compagnons d'infortune.
Des Syriens à la recherche de proches disparus venus à la morgue d'un hôpital de Damas où des dépouilles de personnes portant des marques de torture ont été transférées, le 10 décembre 2024 ( AFP / OMAR HAJ KADOUR )
Depuis le début du conflit en Syrie déclenché par la répression de manifestations prodémocratie en 2011, plus de 100.000 personnes ont péri dans les prisons syriennes, estimait en 2022 l'OSDH.
Les Casques blancs, une organisation de secouristes syriens, ont annoncé avoir demandé à l'ONU de faire pression sur la Russie pour qu'elle obtienne de Bachar al-Assad les plans des "prisons secrètes" en Syrie.
- 55 soldats tués -
M. Jolani - Ahmed al-Chareh de son vrai nom - a indiqué précédemment avoir "accordé l'amnistie" au personnel subalterne de l'armée et des forces de sécurité.
Des combattants de l'opposition syrienne s'assoient pour manger une glace sur le marché d'al-Hamidiya dans la vieille ville de Damas, le 10 décembre 2024 ( AFP / LOUAI BESHARA )
Mardi, l'OSDH a rapporté que 55 soldats syriens qui avaient pris la fuite pendant l'offensive rebelle avaient été exécutés par le groupe jihadiste Etat islamique (EI) dans le désert du centre syrien.
L'ONG a également indiqué que les combats entre milices pro-turques et forces kurdes avaient fait 218 morts en trois jours dans la région de Manbij (nord du pays).
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