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ENQUÊTE-Avant les JO, une prison parisienne se prépare à une hausse du nombre de détenus
information fournie par Reuters 26/04/2024 à 12:48

Le plan
d'action mis en place afin de lutter contre la délinquance et
les vendeurs à la sauvette avant les Jeux olympiques de Paris
2024 accentue la pression qui pèse sur la maison d'arrêt de
Villepinte, l'une des prisons les plus surpeuplées de France.
    Cette maison d'arrêt est située en Seine-Saint-Denis, à 2,5
kilomètres de l'Arena Paris Nord où doivent se dérouler les
épreuves de boxe et d'escrime lors des Jeux olympiques.
    Ouverte en 1991, la maison d'arrêt de Villepinte accueille
notamment des détenus n'ayant pas encore été condamnés et
d'autres purgeant des peines de courte durée.
    "Il va falloir que l'administration pénitentiaire se prépare
au pire", a déclaré Eric Mathais, procureur de la République de
Bobigny.
    Il a estimé que réduire le nombre de détenus avant le début
des Jeux olympiques, qui s'ouvriront le 26 juillet, n'était pas
réaliste.
    "Il faudrait limiter en fait les entrées en détention. Après
c'est plus facile à dire qu'à faire puisque, encore une fois, je
subis moi une très forte pression pour être clairement plus
répressif, tout le monde veut plus de répression."
    Treize procureurs, juges, avocats et employés du tribunal de
Bobigny que Reuters a interrogés ont déclaré que le système
judiciaire de Seine-Saint-Denis travaillait aux limites de ses
capacités, alors que le nombre d'actions intentées pour des
infractions mineures augmente avant le début des Jeux
olympiques.
    Le directeur de la maison d'arrêt de Villepinte, Pascal
Spenlé, a indiqué que la prison comptait au 8 avril 1.048
détenus pour 582 place, date à laquelle des journalistes de
Reuters se sont rendus dans l'établissement aux côtés de la
sénatrice de Seine-Saint-Denis, Corinne Narassiguin.
    Quatre détenus avec qui les journalistes de Reuters se sont
entretenus ont dit passer la majeure partie de leurs journées
dans leurs cellules, qui accueillent jusqu'à trois prisonniers
alors qu'elles ont été conçues pour une personne.
    Selon les autorités pénitentiaires, au moins 17 détenus
dorment sur des matelas posés à même le sol.
    Bien que les juges du tribunal de Bobigny aient pris des
mesures afin de désengorger certaines prisons, la maison d'arrêt
de Villepinte opérait à 180% de sa capacité au début du mois
d'avril, contre 177% en avril 2023 et 168% l'année précédente,
selon les données du ministère de la Justice.
    Pascal Spenle a indiqué que la maison d'arrêt de Villepinte
prévoyait de transférer certains détenus vers d'autres prisons
afin de libérer 220 places. Une nouvelle aile devrait être
construite afin de désengorger la prison à l'avenir, a-t-il dit.
    Dans une lettre adressée aux procureurs datée du 15 janvier,
le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a appelé à des
"réponses rapides, fortes et systématiques" face aux infractions
qui pourraient perturber les Jeux olympiques.
    Cédric Logelin, porte-parole du ministère, a indiqué que la
Chancellerie prenait des mesures afin de réduire la
surpopulation et prévenir les délits durant les Jeux olympiques.
Les décisions du tribunal sont indépendantes, a-t-il ajouté.
    
    "SOLUTIONS COURT-TERMISTES"
    De nombreuses épreuves des Jeux olympiques se dérouleront en
Seine-Saint-Denis, l'un des départements les plus pauvres de
France qui héberge de nombreux migrants et sans-abris.
    Les enseignants, qui dénoncent le manque de ressources dans
les établissements scolaires, sont en grève dans tous le
département depuis février. De nombreux camps et squats sont
apparus pour accueillir la population de sans-abris. Dans
certains quartiers, des vendeurs à la sauvette s'alignent dans
les rues. 
    Pour le maire de l'Ile-Saint-Denis, Mohamed Gnabaly, les
Jeux olympiques ont permis de développer les infrastructures et
les logements, qui souffraient jusqu'alors du manque
d'investissements.
    Olivier Cahn, chercheur au Centre de recherches
sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip),
a estimé que le recours au maintien de l'ordre et à des peines
sévères affectait de manière disproportionnée les populations
pauvres, migrantes et sans-abri.
    "On n'a que des solutions court-termistes", a-t-il dit.
    Le gouvernement a élaboré un plan "zéro délinquance" pendant
les Jeux olympiques afin de lutter notamment contre certains
délits comme la vente de stupéfiants ou les vendeurs à la
sauvette, ce qui a pour effet de faire augmenter la population
carcérale, a expliqué Eric Mathais.
    Michel Lavaud, directeur territorial de la sécurité de
proximité de Seine-Saint-Denis pour la préfecture de police de
Paris, a déclaré aux journalistes la semaine dernière que 4.000
policiers supplémentaires avaient été déployés en mars et en
avril afin de mener des opérations "place nette".
    "Nous sommes là, et ce n'est qu'un début. On va encore
monter en intensité", a-t-il dit.
    
    VENDEURS DE CIGARETTES
    Les opérations menées récemment par la police visaient des
vendeurs à la sauvette, a indiqué Michel Lavaud, dont près de
200 vendeurs de cigarettes.
    Certains de ces vendeurs à la sauvette ont été condamné à
des peines de prison et plus de la moitié se sont vus délivrer
des obligations de quitter le territoire français.
    " C'est  l'état de nécessité. Ils vendent pas des cigarettes
parce que ça leur fait plaisir de vendre des cigarettes", a dit
Jade Paya, avocate commis d'office.
    Le nombre de détenus de nationalité étrangère que compte la
maison d'arrêt de Villepinte est élevé en raison de la proximité
géographique de la prison avec l'aéroport de Paris-Charles de
Gaulle, ainsi que de la diversité démographique de la
Seine-Saint-Denis, selon David Langelois, directeur adjoint de
la prison.
    Les personnes de nationalité étrangère représentaient 21% de
la population carcérale en France en 2020, alors qu'elles ne
comptaient que pour 10% de la population du pays, selon les
statistiques nationales.
    Selon la sénatrice Corinne Narassiguin, les personnes de
couleur sont plus contrôlées par la police et sont lourdement
sanctionnées pour des petites infractions. Interrogé sur la
question, le porte-parole du ministère de la Justice, Cédric
Logelin, a affirmé que les sanctions judiciaires reposaient sur
des cas individuels. Il a refusé de commenter la proportion de
prisonniers étrangers. 
   
    SURPOPULATION CARCÉRALE
    La France compte parmi les pays d'Europe ayant le plus fort
taux de surpopulation carcérale, derrière la Roumanie et Chypre,
selon les données du Conseil de l'Europe.
   Le Conseil de l'Europe a exprimé le mois dernier sa "profonde
préoccupation" face à l'aggravation de la situation dans les
prisons françaises.
    Afin de faire face à l'augmentation attendue du nombre de
dossiers pendant les Jeux olympiques, le tribunal de Bobigny se
prépare à multiplier les comparutions immédiates.
    L'Observatoire international des prisons (OIP) estime que ce
type de procédure rapide engendre huit fois plus de peines de
prison ferme qu'une procédure classique.
    Le recours à ce type de procédure s'est accru ces dernières
années, montrent les données du ministère de la Justice, ce qui,
selon le chercheur à l'OIP Johann Bihr, a contribué à la
surpopulation carcérale en France.
    La réinsertion des anciens détenus pâtit également de la
surpopulation carcérale, selon l'association à but non lucratif
Emergence 93.
    Deux stations de lavage opérées par Emergence 93 en
Seine-Saint-Denis dans lesquelles sont employées d'anciens
détenus vont être contraintes de fermer leurs portes durant les
Jeux olympiques. L'une est située dans un centre commercial qui
sera fermé à cette période, l'autre sur un site loué à la
délégation japonaise.
    Manuel Chajmowiez, éducateur spécialisé travaillant avec
Emergence 93, a déclaré que l'association avait demandé aux
organisateurs des Jeux olympiques de permettre aux anciens
détenus de laver la flotte de 500 véhicules fournis aux athlètes
et aux responsables officiels lors de l'événement, mais qu'elle
n'avait reçu aucune réponse.
    "Pour l'instant on a rien à proposer (comme travail)",
a-t-il dit.

 (Reportage Layli Foroudi; version française Camille Raynaud,
édité par Kate Entringer)
 

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