Le bâtiment de la Réserve fédérale à Washington
par Howard Schneider
Les responsables de la Réserve fédérale (Fed) rassemblés cette semaine au symposium annuel de Jackson Hole, dans le Wyoming, se féliciteront peut-être d'un chômage américain qui demeure faible au regard de sa moyenne historique, à 4,3%.
C'est pourtant souvent le cas : depuis la fin des années 1940, le taux de chômage est la plupart du temps en dessous de sa moyenne historique de 5,7%, à l'exception d'épisodes durant lesquels ce taux monte rapidement et bien au-delà de cette tendance.
La Fed craint que ce phénomène ne se répète, d'autant que la tendance n'est pas claire.
De fait, la hausse du chômage depuis janvier 2023, où il atteignait 3,7%, s'est accompagnée d'une hausse de 1,2 million du nombre de personnes en recherche d'emploi. Une telle tendance est souvent considérée comme positive pour l'économie, bien qu'elle puisse soutenir le taux de chômage.
Ces derniers jours, les responsables de politique monétaire américains semblent s'inquiéter davantage de l'affaiblissement des marchés du travail, et se préparent à baisser des taux maintenus pendant plus d'un an à leur niveau le plus élevé en 25 ans.
"L'équilibre des risques n'est plus le même, et il est devenu pertinent de débattre d'une baisse des taux en septembre", a déclaré le président de la Fed de Minneapolis, Neel Kashkari, à l'occasion d'un entretien avec le Wall Street Journal.
D'autres responsables de politique monétaire, dont la présidente de la Fed de San Francisco, Mary Daly, ont déclaré à l'occasion d'entretiens être de plus en plus confiants dans le retour de l'inflation à sa cible et disposés favorablement à une baisse de taux.
La majorité des observateurs estiment que la Fed baissera ses taux de 25 points de base lors de sa réunion des 17 et 18 septembre. Cette réunion s'accompagnera d'une mise à jour du "dot plot", les prévisions de taux des membres du Comité de politique monétaire, et des projections économiques de la banque centrale jusqu'en 2025 inclus.
Le président de la Fed, Jerome Powell, devrait apporter davantage de précisions sur la réunion de septembre à l'occasion d'une conférence prévue vendredi au symposium de Jackson Hole.
DOUBLE MANDAT
Les responsables de politique monétaire espèrent que ces baisses permettront de réaliser un "atterrissage en douceur", un environnement économique défini par le retour de l'inflation à sa cible sans forte hausse du chômage, ce alors que la plupart des cycles de hausses de taux ont détérioré les marchés du travail. Les cycles monétaires précédents montrent que le chômage ne cesse de progresser une fois qu'il a commencé à remonter.
A l'inverse, le cycle actuel a été marqué par le ralentissement impressionnant de l'inflation, la hausse de l'indice des prix PCE passant de 7,1% sur un an en juin 2022 contre 2,5% en juillet 2024, proche de sa cible de 2%.
Le taux de chômage a en revanche à peine frémi, demeurant sous 4% durant deux ans tandis que le nombre de nouveaux postes a été bien supérieur à sa moyenne sur 10 ans.
La tendance commence à s'inverser et les responsables de politique monétaire commencent à accorder davantage d'importance à cet aspect de leur double mandat.
En juillet, le nombre de nouveaux emplois a été plus faible qu'attendu, à 114.000 postes, faisant basculer la tendance sur trois mois sous ses niveaux d'avant la pandémie et faisant rebondir le taux de chômage de 0,2 point de pourcentage, à 4,3%.
D'autres indicateurs inquiètent : ainsi, si le nombre d'actifs continue de progresser, la durée nécessaire pour retrouver un emploi progresse également.
Pour autant, les nouvelles inscriptions au chômage ont progressé au rythme de la croissance du nombre d'actifs.
Alors que la consommation des ménages demeure élevée et que la croissance ralentit, mais demeure positive, la Fed ne pense pas être confrontée à une crise de l'emploi mais la banque centrale souhaite éviter d'en déclencher une.
Dans des commentaires formulés dimanche au Financial Times, Mary Daly a déclaré que maintenir les taux élevés malgré le recul de l'inflation revenait à "s'assurer d'obtenir les résultats que nous voudrions éviter, des prix stables et un marché de l'emploi instable et affaibli".
Le président de la Fed de Chicago, Austan Goolsbee, s'est fait l'écho de cette analyse dimanche sur la chaîne télévisée CBS : "si les taux sont maintenus à un niveau restrictif trop longtemps, il y aura un problème sur le mandat de plein emploi de la Fed".
(Reportage Howard Schneider, version française Corentin Chappron, édité par Kate Entringer)
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