
( AFP / THOMAS SAMSON )
Nouvelle confirmation de la dégradation du marché du travail, sur fond de craintes accrues concernant le chômage: l'emploi salarié privé a enregistré un recul de 0,2% au quatrième trimestre en France et stagné sur l'ensemble de l'année 2024.
Selon l'estimation provisoire publiée vendredi par l'Insee, le quatrième trimestre a été marqué par la destruction de 50.100 postes dans le privé par rapport au trimestre précédent.
L'emploi salarié privé se situe ainsi au même niveau qu’un an auparavant (-1.000 emplois). Mais il excède encore "largement" son niveau d’avant la crise sanitaire (fin 2019), de 5,6% (soit +1,1 million d’emplois), selon l'Institut national de la statistique.
Pour Yves Jauneau, chef de la division synthèse et conjoncture du marché du travail de l’Insee, ce repli "semble confirmer une situation d’atterrissage après des années de croissance, de 2021 à 2023".
"On observe que le marché du travail a fait du surplace en 2024: sur l’ensemble de l’année (…) il n’y a eu aucune création nette d’emploi dans le secteur privé", a-t-il expliqué à l'AFP.
Mais l'économiste estime qu'il est "encore un peu trop tôt pour savoir si la baisse sera durable", l’Insee prévoyant de mettre à jour ses prévisions pour l’emploi et le chômage à la mi-mars.
Pour Mathieu Plane, économiste à l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), ces résultats sont "plutôt cohérents" avec d’autres indicateurs récents comme le niveau de la croissance au 4e trimestre (-0,1%) ou les chiffres des demandeurs d’emploi inscrits à France Travail de fin janvier qui étaient "mauvais".
"Ce n'est pas un bon signe", dit-il.
- "Gueule de bois" -
Après des années "fastes" avec "quasiment 15 trimestres de très fortes créations d’emploi", il pointe "une petite gueule de bois". "Depuis environ trois trimestres, on est rentrés dans un début de retournement du marché du travail qui se confirme très clairement au quatrième trimestre", après un "soubresaut" au trimestre précédent (+0,1%) lié aux Jeux olympiques, explique Mathieu Plane.
Et il relève que l’ensemble des secteurs sont concernés, ce qui démontre que "ce n’est pas un effet purement sectoriel".
Pour M. Jauneau, les résultats publiés vendredi "confirment deux tendances assez nettes de recul de l’emploi dans l’intérim et la construction".
Au quatrième trimestre, l’emploi intérimaire souvent considéré comme une boussole du marché de l'emploi, a reculé plus fortement qu'au trimestre précédent: -1,9% (-14.000 emplois) après -0,9%.
Et dans la construction, l’emploi salarié privé (hors intérim) a baissé "pour le huitième trimestre consécutif": -0,5% (soit -7.800 emplois).
M. Jauneau observe également que "l’emploi n’augmente plus dans l’industrie", sans baisser "franchement" (-0,1% soit -3.200 emplois).
Toujours selon l'Insee, dans le tertiaire marchand, l'emploi se replie "pour la première fois depuis le deuxième trimestre 2013 (année 2020 mise à part)", baissant de 0,2% (soit -22.600 emplois). Et dans le tertiaire non marchand, il marque le pas (0%).
Pour M.Plane, "on commence à rentrer dans le dur sur les questions de marché du travail", sur fond notamment d’une conjoncture qui "patine" et de politiques de l’emploi "moins soutenantes". "Cela indique une année 2025 qui va être difficile", affirme l'économiste.
Les principaux organismes économiques s'attendent de fait à une hausse du chômage cette année.
Dans sa dernière note de conjoncture en décembre, l'Insee estimait que le taux de chômage (mesuré au sens du BIT et permettant des comparaisons internationales) "poursuivrait sa lente remontée pour atteindre 7,6% mi-2025" contre 7,4% actuellement.
En décembre, la Banque de France estimait qu'il pourrait se situer "entre 7,5% et 8% en 2025-2026", tandis que l'OFCE a prévu une remontée du taux de chômage aux alentours de 8% pour la fin 2025.
Le taux de chômage du quatrième trimestre est attendu le 11 février. Il risque de confirmer que l'objectif de plein emploi (soit un taux de chômage autour de 5%) que le chef de l’État Emmanuel Macron espérait atteindre en 2027 s'éloigne.
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