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Guerre commerciale : Junker bien désarmé face à Trump
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 27/07/2018 à 18:50

"La guerre commerciale entamée par M. Trump a ouvert ouvre un cycle nouveau : les États-Unis, moteurs de la globalisation inversent leur position ou disent vouloir l'inverser." (crédit : Gage Skidmore)

"La guerre commerciale entamée par M. Trump a ouvert ouvre un cycle nouveau : les États-Unis, moteurs de la globalisation inversent leur position ou disent vouloir l'inverser." (crédit : Gage Skidmore)

La rencontre du 25 juillet entre Jean-Claude Junker et Donald Trump ne marquera évidement pas une étape dans la reconstruction d'un nouvel ordre du commerce international. Les munitions sont trop déséquilibrées entre le président des États-Unis et le président de la commission européenne, organisme administratif qui ne peut que soumettre des propositions au conseil européen rassemblant les chefs de gouvernements de l'UE.

L'accord de façade est de fait un cessez le feu temporaire et ne  permet pas de définir le périmètre de nouvelles règles pérennes pour le commerce. Annoncer une négociation pour travailler à l'abaissement des tarifs douaniers est un v?ux pieux et la définition des termes s'annonce complexe entre un pays qui ne pratique pas la TVA, qui est par construction affectée à la commercialisation de toutes les importation dans l'Union européenne.

Les limites du recours à l'OMC

Le retour du protectionisme est un fait nouveau pour les institutions supranationales dont le FMI, la Banque centrale européenne et, aussi, la Commission européenne comptent parmi les grands exécutants. Sans remonter au premier accord général du Gatt (portant sur le commerce et les tarifs douaniers) de 1947, l'Organisation mondiale du commerce a favorisé les échanges internationaux depuis 23 ans. L'OMC a conclu le dernier des cycles de négociations du GATT en 1993 et c'est officiellement en 1995 qu'elle a commencé a agir avec une autorité d'organisation internationale. Les différents cycles de négociation depuis ont recherché à développer des accords mondiaux de préférence à des compromis bilatéraux, en s'appuyant au départ sur les acquis du GATT obtenus depuis 1947. L'OMC a inscrit son action dans une philosophie de libre échange des biens (et parfois des services) et dans un cadre de coopération avec les autres autorités supranationales économiques et financières comme le FMI, accompagné de la Banque mondiale ou de la BIRD.

Centre de négociation ayant obtenu la mise en place de normes douanières et de commerce, mais aussi pour les services et pour la propriété intellectuelle, l'OMC a su s'imposer dans le passage du monde bipolaire au monde multipolaire à la suite de la chute de l'Empire soviétique. Il bénéficiait pour cette action libérale du soutien américain, qui a été encore déterminant dans le monde devenu  unipolaire pour aboutir à l'adhésion de la Chine fin 2001, cinquante  ans après le retrait de la (alors récente) République Populaire des accords du GATT.

Le dogme de la croissance par la levée des frontières a été le bréviaire de l'organisation qui, sans se préoccuper d'équité fiscale ou sociale, a pu compter à son actif la croissance émergente, l'enrichissement de populations et , pour finir l'expansion mondiale. Le PIB de la planète a pratiquement doublé depuis 1994 en dollars constants. On ne peut pour autant que constater que la très forte réduction des résistances au libre-échange n'a pas contribué à équilibrer les soldes du commerce, au contraire. « Un pays ne doit pas faire de discrimination entre ses partenaires commerciaux ; il ne doit pas non plus faire de discrimination entre ses propres produits, services et ressortissants et ceux des autres pays. » : ce joli credo ne prend en compte ni le change, ni la fiscalité, ni bien sûr les règles sociales et pas toujours les marchés publics.

Cinq cibles dans le viseur de Trump. Parmi elles, l'Allemagne et l'Italie

La guerre commerciale entamée par M. Trump a ouvert ouvre un cycle nouveau : les États-Unis, moteurs de la globalisation inversent leur position ou disent vouloir l'inverser. Il faut évidement se méfier des raisonnements simplistes. En face d'un déficit commercial global qui représente 3,1% du produit intérieur brut  américain, les profits des compagnies US réalisés en dehors des États-Unis représentent 2,4 % du PIB. Pour autant, ce score de 3,1 % comprend un solde ses services de près de 250 milliards de dollars qui ne fait que compenser en partie la balance  des échanges de biens de 860 milliards de dollars.

En dehors des pays limitrophes (le Canada et le Mexique pour le quels le solde atteint 98 milliards de dollars), les cibles de l'administration Trump sont la Chine (396 millards), le Japon (72 milliards), l'Allemagne (67 milliards), l'Italie (33 milliards) et la Corée du Sud (25 millards). Le combat est une guerre de tranchées et la propriété intellectuelle pour laquelle l'OMC n'a guère été crédible entre désormais dans le jeu.

La brutalité des méthodes de négociation du président américain ne doit pas tromper :  le consensus se fait aux États-Unis sur le rééquilibrage vis à vis de l'ensemble des cibles citées. L'impact final sur les économies n'est pas chiffré par les économistes qui ont du mal à tirer des conclusions de précédents dans le monde d'avant la révolution des technologies de l'information. Mais le sentiment d'une pression inéluctable sur la croissance des zones dans le viseur américain sans forcément d'effet aux États-Unis domine, en particulier au sein des banques centrales.

On a bien compris l'inéluctable de cette offensive américaine. Une relance budgétaire du niveau de celle engagée par l'administration Trump pourrait être une subvention directe à ses partenaires commerciaux bénéficiant d'une balance positive. Les décisions fiscales étant prises, les sanctions commerciales pour limiter les déficits commerciaux ou, au moins éviter de les accroître sont pratiquement indispensables.

C'est la capacité de négocier des Européens qui est en cause

C'est en vain que 'Europe cherche ? comme le Mexique ou le Canada ? à inscrire sa réaction dans le cadre des instituions internationales. Plainte auprès de l'Organisation Mondiale du commerce et mesures de rétorsion sont annoncées, et M. Junker peut les mentionner, pour mémoire.

Il n'est pas besoin d'épiloguer sur l'autorité que peut avoir l'OMC vis à vis des États-Unis. Elle a les mêmes limites que celles que l'ONU peut avoir en matière géopolitique vis à vis de la première armée mondiale. En l'espèce, le dollar est l'arme à disposition de l'économie et de la finance les plus puissantes du monde. 25 % de la production de richesse de la planète et une monnaie qui pèse  plus de 60 %des réserves de change mondiales et dans laquelle sont libellés les trois quartes des échanges internationaux résument la donne.

Les mesures de rétorsion décidées, en commun si possible, par les européens ne peuvent avoir une portée allant au-delà de l'anecdote. En portant le dossier des importations automobile, l'administration américaine veut passer une étape et les allemands qui sont en ligne de mire espèrent pouvoir s'appuyer sur une solidarité européenne dont ils ne sont très (très) loin d'être un modèle sur bien des plans. Le dossier n'est pas particulièrement bon : les États-Unis importent 8,2 millions de véhicules par an et affichent dans cette industrie un déficit commercial estimé à plus de 110 milliards de dollars. Taxer  les voitures à l'importation dans un pays sans TVA n'est pas forcément exorbitant. Le délai obtenu par M. Junker ne modifie pas les termes de l'équation.

Au-delà, c'est la capacité de négocier des européens qui est en cause. L'Europe est dans une économie ouverte quand les États-Unis sont une économie très autonome. Une guerre commerciale aigüe pèserait à hauteur de 0,1 % peut-être 0,2 % sur le PIB américain. Elle ferait nettement plus de dégâts sur de ce coté de l'Atlantique. Les européens vont devoir mener la négociation avec nettement moins d'atouts que la Chine a pu en jouer. On voit mal comment ils vont pouvoir faire autrement que donner des gages de rééquilibrage. La zone euro affiche un balance courante excédentaire de plus de 3 % du produit intérieur brut quand les États-Unis affichent un déficit de 3 % aussi du PIB.

La seule crédibilité pour M. Junker, ce serait de s'appuyer sur une zone fiscalement cohérente

L'activité mondiale n'est plus tirée par le commerce et l'inflexion des échanges ne remettra pas en cause une croissance généralisée dans le monde, globalement dans des zones proches des potentiels.  Évidement, l'Europe dont l'expansion a déjà tendance à s'infléchir n'est pas la mieux placée dans cette guerre commerciale, qu'elle soit froide, chaude, ou simplement latente. Elle a pour elle la hausse du dollar contre l'euro qui, au-delà des taxes à attendre, redonne de l'espace. Tirer les leçons de l'épreuve de force va imposer plus d'union entre des pays fracturés aujourd'hui par l'économie et les questions migratoires. Il y a un préalable que les gouvernements ont l'air de vouloir ignorer : mettre fin au sein de l'Union, en tout cas au sein de la zone euro, à une compétition fiscale destructrice à court, moyen et long terme.

Hubert Tassin, président de la société de conseil Sherpa et membre du Cercle des analystes indépendants

3 commentaires

  • 27 juillet 19:48

    Junker est plus fort un verre à la main ^^


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