Le taux d'intérêt à 10 ans sur la dette publique de la France a dépassé les 2,5% pour la première fois depuis plus de huit ans mardi, une situation dont les conséquences sur la charge de la dette sont limitées à court terme mais s'annoncent plus préoccupantes dès 2023.

Cette année, la charge de la dette sur le budget de l'Etat devrait représenter 42 milliards d'euros ( AFP / BERTRAND GUAY )
Quel impact sur le budget de l'Etat français ?
La remontée des taux, causée par l'inflation, a pris par surprise les prévisionnistes. En septembre 2021, le gouvernement français tablait sur des taux d'intérêt pour l'emprunt à 10 ans autour de 0,75% fin 2022. Désormais, ils tournent autour de 2,50% et pourraient même atteindre 3% d'ici cinq ans selon les dernières prévisions faites.
Cette année, la charge de la dette sur le budget de l'Etat devrait représenter 42 milliards d'euros, selon les engagements pris cet été par le gouvernement français auprès de la Commission européenne, sachant que le premier budget de l'Etat, l'Education nationale, atteint 56,5 milliards d'euros.
"L'impact des taux sur la charge de la dette est faible à court terme", nuance ainsi Agnès Bénassy-Quéré, chef économiste du Trésor qui relevait récemment dans une note que près de 90% de la dette française est émise à taux fixe avec un remboursement étalé sur plusieurs années. Mais avec la hausse des taux indexés sur l'inflation, l'addition risque d'être salée en 2023 avec une charge de la dette qui pourrait atteindre 57,6 milliards et talonner l'enseignement scolaire (60,2 milliards).
Quelle est la trajectoire des taux ?
Traditionnellement moins volatil que le marché des actions, le marché de la dette subit nombre de turbulences cette année.
"C'est une situation qu'on n'a pas vue depuis 30 ans", soulignait au cours d'une présentation mi-septembre Amaury d'Orsay, responsable de la plateforme de gestion obligataire d'Amundi, premier gestionnaire d'actifs en Europe.

Evolution des taux d'intérêt de la Banque centrale européenne (BCE) depuis 2008 ( AFP / )
De 2016 à début 2022, le taux français à 10 ans, l'échéance qui fait référence pour l'évaluation de la charge de la dette, n'a quasiment jamais dépassé les 1%. Il est même passé en négatif durant plusieurs mois, sous l'effet de la politique ultra accommodante de la Banque centrale européenne (BCE) dont les principaux taux étaient eux aussi négatifs. Mais depuis le début d'année, l'envolée des prix a rebattu les cartes et entraîné un durcissement sévère de la politique monétaire de la BCE qui a relevé ses taux dans le sillage de la banque centrale américaine.
De 0,2% au 31 décembre 2021, le taux d'intérêt français à 10 ans a dépassé les 1% fin mars, puis les 2% début juin pour frôler les 2,5% quelques jours plus tard. Après une accalmie cet été, il est reparti à la hausse pour dépasser le seuil de 2,5% mardi, une première depuis 2014.
Est-ce un signe de défiance des marchés ?
La hausse des taux d'intérêt peut être un signe de méfiance des marchés sur la capacité d'un pays à rembourser sa dette. Lors de la crise de la dette grecque, le taux d'intérêt s'était envolé jusqu'à plus de 40% début 2012, empêchant de fait le gouvernement hellénique de se financer via le marché.
Le cas de la France en 2022 s'inscrit toutefois dans un contexte plus global de remontée des taux qui concerne tous les pays européens et les Etats-Unis. Mardi, le taux allemand à 10 ans a ainsi battu lui-aussi son record depuis janvier 2014, à 1,95%, même si la dette allemande reste perçue comme la plus sûre en zone euro.
La France ne décroche toutefois pas comme en témoigne l'écart entre les taux français et allemand, baromètre de la confiance des marchés, qui a augmenté depuis le 1er janvier mais de manière modérée. Quant à l'intérêt de l'emprunt américain à 10 ans, il a dépassé les 3,5% pour la première fois depuis 2011.
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