
Des militaires de la 5e brigade mécanisée lourde séparée des Forces armées ukrainiennes manœuvrent un char Leopard 1A5
par Anthony Deutsch et Dan Peleschuk
Des enquêtes sur les crimes de guerre commis par l'armée russe en Ukraine sont remises en question par la décision de Donald Trump de geler les financements américains à destination des pays tiers, ont déclaré des sources au fait du dossier.
La justice ukrainienne, qui a ouvert pas moins de 140.000 dossiers pour crimes de guerre présumés depuis le début de l'invasion russe à grande échelle il y a bientôt trois ans, bénéficie de l'expertise et du soutien financier de pays étrangers et d'organisations internationales.
Or, certaines de ces enquêtes sont aujourd'hui menacées par le gel de 89 millions de dollars de fonds américains destinés à six projets portés par le bureau du procureur général d'Ukraine, selon un document officiel ukrainien consulté par Reuters.
Les projets impactés par la décision de Donald Trump portent notamment sur la préservation des preuves dans les zones de conflit, la lutte contre la corruption ou la réforme du système judiciaire ukrainien.
Deux de ces projets étaient financés par l'USAID, l'agence américaine d'aide au développement que l'administration Trump veut démanteler, et un directement par le Département d'État, selon le document.
Un peu plus de la moitié des fonds promis par les États-Unis, soit 47 millions de dollars, concernaient les enquêtes sur les crimes de guerre.
Selon deux sources, une quarantaine d'experts juridiques étrangers ont suspendu leur travaux, sur les 150 que le groupe consultatif sur les atrocités criminelles (ACA), basé aux États-Unis et financé en partie par l'Union européenne et le Royaume-uni, dit avoir fourni en appui du bureau du procureur général d'Ukraine.
CADRE JURIDIQUE EN PLACE
Reuters n'a pas pu déterminer si ces projets ont été ciblés en tant que tels ou s'il s'agit de victimes parmi d'autres du gel de l'aide étrangère annoncée par Donald Trump lors de son entrée en fonction le 20 janvier, qui doit durer 90 jours.
La Maison blanche, le département d'État, le bureau du procureur général d'Ukraine et l'ACA n'ont pas répondu aux sollicitations de Reuters.
Le travail des ONG ukrainiennes qui contribuent aux enquêtes en collectant des preuves et en recueillant des témoignages est aussi affecté par le gel des fonds, ce qui les contraint à réduire leur activité en attendant d'éventuellement trouver d'autres sources de financement, ont déclaré deux d'entre elles.
Reste que si le soutien financier des États-Unis en la matière était vital au début de la guerre, les experts étrangers ont transmis leur savoir-faire et contribué à la mise en place d'un cadre juridique qui permet aujourd'hui la poursuite des enquêtes et la tenue de procès, estime Yevhen Krapyvine, spécialiste de justice pénale au Centre for Policy and Legal Reform à Kyiv.
"On espère bien sûr toujours davantage, mais le cadre est désormais en place", souligne-t-il.
Selon plusieurs sources au fait du dossier, c'est plus l'impact psychologique de la mise en retrait des États-Unis qui est à craindre, à la fois en décourageant les Ukrainiens dans leur quête de justice et en renforçant l'idée d'impunité chez les Russes.
(Reportage d'Anthony Deutsch à La Haye et Dan Peleschuk à Kyiv, avec Daphne Psaladakis et Steve Holland à Washington ; version française Tangi Salaün, édité par Blandine Hénault)
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