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Les succès de l'Ukraine pourraient lui rapporter davantage d'aide
information fournie par Reuters 13/09/2022 à 14:34

* La percée ukrainienne conforte les tenants d'un soutien accru

* Les Occidentaux surpris par la capacité d'adaptation ukrainienne

* Pas de pression sur Kyiv pour négocier dans ce contexte

par John Irish

PARIS, 13 septembre (Reuters) - Après avoir démontré au cours de la semaine écoulée qu'elle est capable de défaire la Russie, l'armée ukrainienne a peut-être remporté davantage qu'une bataille en confortant les tenants d'un soutien militaire occidental accru et en fragilisant la cause des Européens qui voulaient pousser Kyiv à faire des concessions.

La percée aussi spectaculaire qu'inattendue des forces ukrainiennes dans la région de Kharkiv a fait souffler un vent d'optimisme à Kyiv comme chez ses alliés, mais elle constitue aussi un dilemme pour ces derniers, sommés de se montrer à la hauteur en fournissant des armes technologiquement plus avancées à l'Ukraine pour accentuer la pression sur le Kremlin.

Les succès militaires des derniers jours, les plus marquants depuis la retraite des troupes russes des abords de Kyiv en mars, n'ont pas seulement permis aux Ukrainiens de reconquérir une partie des territoires occupés par la Russie depuis des mois, ils ont aussi ouvert de nouvelles perspectives sur l'issue de la guerre, soulignent diplomates et experts.

L'armée ukrainienne a déjà démontré que même avec un nombre limité d'armes lourdes, elle est capable de mettre en échec une armée russe beaucoup moins bien organisée, équipée et dirigée que beaucoup ne le pensaient, expliquent-ils.

"Je pense que ça va encourager plutôt que décourager les livraisons d'armes", dit Justin Bronk, chercheur au Royal United Services Institute (RUSI), à Londres.

La Lituanie, qui a une frontière avec la Biélorussie, alliée de Moscou, et plaide de longue date pour un soutien accru à l'Ukraine, a aussitôt appelé les pays européens les plus réticents, comme l'Allemagne, à changer de braquet.

"Ceux qui doutaient de la force de l'Ukraine devraient présenter leurs excuses. L'Ukraine nous défend tous", a déclaré lundi Gabrielius Landsbergis, le chef de la diplomatie de la petite république balte. "Le moment est venu de montrer notre profonde gratitude."

Le ministre lituanien a plaidé pour la livraison rapide à l'Ukraine d'armes modernes, notamment des missiles et des chars, alors que les Etats-Unis ont fourni jusqu'à présent l'essentiel du soutien militaire.

AIDER L'UKRAINE À ÊTRE EN POSITION DE FORCE

En déplacement à Kyiv la semaine dernière, des membres de la délégation du secrétaire d'Etat américain Antony Blinken ont dit que les nouvelles promesses d'aide militaire visaient à mettre l'Ukraine dans la meilleure position possible pour négocier la fin du conflit.

"Pour le moment, les Ukrainiens ne sont pas en position favorable pour négocier", avait déclaré un haut responsable du département d'Etat pendant cette visite, quelques heures avant la percée ukrainienne. "C'est pour cela qu'ils lancent cette contre-offensive, et c'est pour cela que nous la soutenons."

Washington a dévoilé la semaine dernière un nouveau plan d'aide à l'Ukraine, dont des munitions pour les lance-roquettes multiples HIMARS qui ont fait des ravages dans les dépôts de munition et centres logistiques russes depuis cet été, après avoir précédemment livré des systèmes de missiles sol-air NASAMS qui découragent l'aviation russe de s'aventurer dans l'espace aérien ukrainien.

Un responsable américain a déclaré lundi que Washington se penchait désormais sur une aide à moyen et long termes, qui pourrait inclure des avions de chasse.

Si le Royaume-Uni a promis, par la voix de sa nouvelle Première ministre Liz Truss, de continuer à fournir une aide substantielle, Kyiv se montre plus critique envers certains pays de l'Union européenne, notamment l'Allemagne qui a récemment refusé d'envoyer des chars lourds et des véhicules de combat d'infanterie dont l'armée ukrainienne aurait un grand besoin pour reconquérir davantage de territoires.

"Signaux décevants envoyés par l'Allemagne alors que l'Ukraine a besoin de (chars) Leopard et de (véhicules de combat d'infanterie) Marder maintenant - pour libérer son peuple et le sauver du génocide", a tweeté mardi le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmitro Kouleba.

"Pas un seul argument rationnel expliquant pourquoi ces armes ne pourraient pas être fournies, seulement des peurs abstraites et des excuses. Qu'est-ce qui fait peur à Berlin et pas à Kyiv?", a-t-il feint de s'interroger alors que l'économie allemande, très dépendante du gaz russe, entre en récession.

Certains experts pensent que la démonstration faite par l'Ukraine de sa capacité à tirer le maximum des armements occidentaux les plus sophistiqués, comme l'artillerie de précision et les drones, pourrait changer la donne.

La ministre allemande de la Défense, Christine Lambrecht, a répété lundi que Berlin ne livrerait pas "unilatéralement" de chars lourds à l'Ukraine, alors qu'aucun autre pays ne l'a fait pour le moment, laissant ainsi implicitement la porte ouverte à des livraisons mutualisées au niveau européen.

"Il y a des signes croissants que Washington soutiendrait une telle initiative", relève Rafael Loss, coordinateur de projets pan-européens au centre de réflexion ECFR (European Council on Foreign Relations).

QUELLE RÉACTION DU KREMLIN ?

Les Occidentaux se méfient cependant de la réaction du président russe Vladimir Poutine, qui fait profil bas depuis la déroute de son armée dans la région de Kharkiv mais a répété que l'"opération militaire spéciale" en Ukraine atteindrait tous ses objectifs.

Les succès militaires ukrainiens constituent quoi qu'il en soit un bol d'oxygène pour les alliés européens de Kyiv, alors que se profile un hiver tendu sur le plan de l'énergie et de l'inflation.

"(Le soutien militaire) est plus facile à vendre quand on gagne", note un diplomate d'Europe du Nord. "J'ai le sentiment que ces succès (ukrainiens) permettent aux gens de comprendre que les livraisons (d'armes) produisent un effet et qu'il y a une chance de terminer la guerre."

Reste à trouver la porte de sortie. Les scénarios sur la table vont d'une fin négociée à la reconquête par l'Ukraine des territoires occupés par la Russie depuis 2014 dans le Donbass, voire annexés comme la Crimée.

Toutes les issues comportent des risques.

"Appeler à un cessez-le-feu dans les conditions actuelles serait perçu comme un signe de faiblesse et exploité par Moscou", pointe le diplomate d'Europe du Nord. "(Cela) signifierait que l'Occident ne respecte pas ses propres principes."

Même le président français Emmanuel Macron, très critiqué pour avoir déclaré il y a quelques mois qu'il ne fallait pas "humilier" la Russie, a récemment changé de ton.

Il serait "très dangereux" pour l'architecture de sécurité de l'Europe d'entériner les conquêtes territoriales de Moscou, dit-on de source diplomatique française.

L'une des inconnues vient de l'attitude du Kremlin, dont certains responsables européens pensent qu'il préférera se battre jusqu'au dernier homme plutôt qu'admettre son erreur de calcul, et entraîner l'Europe dans sa chute en provoquant une grave crise économique.

De nouveaux revers militaires russes, prévisibles notamment dans la région de Kherson, risquent de ce point de vue de rendre d'éventuelles négociations encore plus difficiles.

Pour autant, rappelle Justin Bronk, le chercheur du RUSI, "aucun pays occidental n'accepterait l'occupation d'une partie de son territoire s'il avait moyen d'y mettre fin".

Les Etats-Unis et le Royaume-Uni n'ont d'ailleurs, pour le moment, fixé aucune limite aux ambitions de reconquête de Kyiv, évoquant à plusieurs reprises celle de la Crimée.

(Avec Simon Lewis, Idrees Ali et Phil Stewart à Washington, Sabine Siebold à Berlin et Belen Carreno à Madrid, version française Tangi Salaün, édité par Sophie Louet)

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