( AFP / GUILLAUME SOUVANT )
Près de palettes en feu et d'une montagne de pneus, l'effigie d'un salarié Michelin se balance du haut d'une potence. En colère face à la fermeture prochaine du site de Cholet (Maine-et-Loire), des salariés restent mobilisés pour "partir dans la dignité".
"C'est terminé, mon boulot, mon salaire, mes amis. Ce n'était pas que leur usine, c'était la nôtre aussi. Ce qui a fait leur richesse, c'est nous, les employés. Et maintenant, ils nous virent comme des malpropres. Bosser chez Michelin, c'était une fierté", explique Jack Roux, 50 ans, dont 24 à l'usine de Cholet.
Depuis l'annonce de la fermeture le 5 novembre dernier, plusieurs dizaines de salariés se relaient jour et nuit près des grilles de l'usine. Un canapé gris et des chaises de jardin ont été installés sous une tonnelle, à côté de barils d'où s'échappent quelques flammes et une fumée grise.
Hors de question pour Jack Roux de "partir avec des miettes". "Cela ne m'amuse pas d'être ici mais c'est la dernière chose qu'on peut avoir: des négociations pour partir dans la dignité", ajoute-il, bras croisés devant des dizaines de pneus empilés.
Gilet CFDT sur le dos, Anis Ben Tijani, 47 ans, se dit "effondré". "Je cogite jour et nuit. Ma compagne dit que j'en parle même dans mon sommeil", affirme le salarié, qui redoute après "13 ans de boîte" de ne pas retrouver ailleurs son niveau de salaire actuel.
"Un travail, ce n'est pas qu'un travail, j'étais heureux de dire que j'étais chez Michelin. Ils peuvent proposer des mutations mais il y a des contraintes: ma femme est choletaise, l'éloigner de sa famille c'est compliqué, c'est ce qui fait son équilibre", explique-t-il.
- "Charité" -
Sur le muret blanc qui borde l'entrée de l'usine, des tags multicolores ont été tracés: "Arrivé jeune et motivé, largué usé et abîmé", "Vous nous devez plus que des discours et la charité".
Le 5 novembre, la direction du fabricant de pneumatiques français avait annoncé la fermeture avant 2026 de ses sites de Cholet (955 salariés) et Vannes (299), mettant en cause "l'effondrement" des ventes des pneus pour camions et camionnettes.
Selon Michelin, ces fermetures sont devenues "inéluctables" en raison de la concurrence asiatique dans ce domaine.
A Cholet, les salariés en colère avaient aussitôt voté la grève puis installé leur piquet devant l'entrée du site. L'usine tourne depuis au ralenti.
"On n'empêche personne d'entrer à pied, des salariés vont chaque jour travailler. Mais la production est au ralenti sans les camions qui entrent et sortent", explique Bastien You, délégué CGT.
- Assignation -
Mardi matin, un camion qui tentait d'entrer sur le site par une porte latérale a aussitôt été bloqué, sous les yeux d'un huissier dépêché par Michelin.
Le lendemain, le groupe a assigné sept salariés en référé devant le tribunal d'Angers, demandant à ce que les mis en cause ainsi que "toute personne entravant le libre accès de l'enceinte de livraison de l'entreprise" soient "condamnés à laisser libre l'accès de l'établissement de Cholet à tous véhicules et personnes", selon l'assignation, consultée par l'AFP.
L'audience doit avoir lieu vendredi matin.
L'assignation évoque un "blocage illicite" initié par "une minorité de salariés". "Aucune reprise d'activité des salariés ne pourra être envisagée sans reprise durable et régulière des livraisons", précise-t-elle.
En fin de semaine dernière, police et pompiers sont venus sur le site demander aux salariés de mettre fin aux feux de pneus et à leurs fumées noires. Des morceaux de bois ont depuis remplacé le caoutchouc dans les brasiers.
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