Kiev et Washington se sont entendus sur un "accord-cadre" visant l'exploitation des richesses minières de l'Ukraine. Le "succès" de ce projet dépend désormais des discussions entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky, a indiqué le président ukrainien.

Volodymyr Zelensky et Donald Trump (photo-montage) ( AFP / TETIANA DZHAFAROVA )
Après une série de déclarations tonitruantes à l'encontre de Volodymyr Zelensky, Donald Trump et son administration sont parvenus à un projet d'accord avec Kiev sur l'accès à son sous-sol. Le président ukrainien a toutefois qualifié le compromis trouvé avec les Etats-Unis de "début" et d'"accord-cadre" mais a souligné que son "succès" dépendra de discussions avec son homologue américain. "C'est un début, c'est juste un accord-cadre", a-t-il dit à la presse à Kiev. "Ce deal peut être un grand succès ou simplement disparaître", a estimé le chef de l'Etat ukrainien, mercredi 26 février.
L'Ukraine concentrerait quelque 5% des ressources minières mondiales, mais celles que le président américain convoite sont pour la plupart inexploitées, difficiles à extraire, ou de facto sous contrôle russe, car en territoires occupés.
Quels minerais, quels gisements?
L'Ukraine produit trois minerais critiques : manganèse (8e producteur mondial selon World Mining Data), titane (11e) et graphite (14e), indispensable pour les batteries électriques.
Le titane, dont l'Ukraine détiendrait 7% des réserves mondiales, se retrouve dans le centre du pays (oblast de Jytomyr, à l'ouest de Kiev), le nord-est (oblast de Kharkiv), ainsi que dans des zones à proximité de la ligne de front, entre Dnipro et Donetsk.
Concernant le graphite, l'Ukraine concentre "20% des ressources mondiales estimées", note le Bureau français de recherches géologiques et minières (BRGM), dans des gisements situés dans l'ouest et le centre du pays Ce minerai est un composant-clé des batteries de véhicules électriques, et de réacteurs nucléaires.
La nation est également, selon cette source, "un des principaux pays d'Europe en matière de potentiel" d'exploitation du lithium, également incontournable pour les batteries. L'Ukraine assure avoir sur son territoire "une des plus vastes ressources" de lithium en Europe, mais selon le gouvernement, il n'est pas extrait "à ce jour".
Ce lithium ukrainien se retrouve à la fois dans des gisements dans le centre du pays, ainsi que dans l'est, dans des zones sous contrôle russe, ou actuellement sur la ligne de front. Le gisement de Chevtchenkivske (minerais de lithium, de tantale, de niobium, de béryllium notamment) se trouve ainsi à moins de 10 kilomètres du front, dans un secteur, celui de Pokrovsk, où l’armée russe grignote toujours du terrain face des forces ukrainiennes moins nombreuses et moins armées.
Des "terres rares"... vraiment rares ?
"Nous demandons des terres rares et du pétrole, tout ce sur quoi nous pouvons mettre la main", avait clamé Donald Trump lors de la grand-messe des conservateurs aux Etats-Unis, samedi 22 février. Malgré les incantations du président américain, des doutes demeurent toutefois quant à l'ampleur du potentiel du sous-sol ukrainien vis-à-vis de ces éléments chimiques, cruciaux dans les industries de la défense, de la high-tech, de l'aérospatiale ou des technologies vertes.
Ces "terres rares", qui ne sont dans les faits pas des terres, sont une appelation générique rassemblant 17 éléments métalliques aux propriétés voisines : lanthane, cérium, praséodyme, néodyme, prométhium, samarium, europium, gadolinium, terbium, dysprosium, holmium, erbium, thulium, ytterbium, lutécium, yttrium et scandium.
La production chinoise écrase le secteur, avec 70% de l'extraction mondiale en 2023. 98% de la consommation de l'Union européenne était ainsi importée de Chine en 2021.

Sélection non ex-exhaustive d'usages des terres rares, métaux présents dans différents minerais et très utiles à des secteurs industriels de pointe ( AFP / Sylvie HUSSON )
Ces tendances rendent ainsi très relative la place de l'Ukraine dans le marché des terres rares,soulignent des analystes de Bloomberg . Selon le média d'information économique, l'Ukraine ne dispose pas de gisement significatif en terres rares. Le sous-sol ukrainien n'est pas listé comme une réserve significative par les instituts de référence en la matière, comme l'US Geological Survey.
Selon la même source, la valeur totale de la production annuelle mondiale de terres rares, Chine incluse, s'élève "seulement" à 15 milliards de dollars par an, très loin du pétrole (2.700 milliards de dollars en production annuelle, aux prix actuels), ou même du cuivre (250 milliards de dollars).
Selon Volodymyr Zelensky, la Russie occupe par ailleurs actuellement près de la moitié des gisements de terres rares du territoire ukrainien.
Qui pour investir?
Exploiter ces gisements implique des investissements considérables. De l'aveu même du gouvernement ukrainien, le développement du dépôt de Novopoltavske dans la région de Zaporijjia, nécessiterait, à lui seul, 300 millions de dollars d'investissement.
Or le site, qui contiendrait apatite, tantale, niobium, strontium, terres rares ou encore de l'uranium, est en territoire occupé par l'armée russe. Et le Kremlin a exclu de céder les zones sous son contrôle. Vladimir Poutine a, en revanche, dit être favorable à des investissements américains dans ces régions occupées.
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