par Jacob Gronholt-Pedersen, Louise Rasmussen et Stine Jacobsen
Le vice-président américain JD Vance effectue vendredi un déplacement au Groenland alors que le président américain Donald Trump répète sa volonté de contrôler le territoire danois semi-autonome.
POURQUOI TRUMP S'INTÉRESSE-T-IL AU GROENLAND ?
L'emplacement stratégique et les ressources du Groenland pourraient être bénéfiques aux Etats-Unis, qui ont exprimé leur intérêt pour un renforcement de leur présence militaire sur l'île de l'Arctique, notamment en positionnant des radars chargés de surveiller les eaux situées entre le Groenland, l'Islande et la Grande-Bretagne, par lesquelles transitent les bâtiments marins et les sous-marins nucléaires russes.
Le Groenland se situe le long de l'itinéraire le plus court entre l'Amérique du Nord et l'Europe, un axe vital pour les systèmes américains d'alerte aux missiles balistiques. Sa capitale, Nuuk, est plus proche de New York que de Copenhague.
Donald Trump a de nouveau déclaré mercredi qu'il souhaitait prendre le contrôle du Groenland, ajoutant que Washington irait aussi loin que nécessaire pour réaliser son objectif.
L'île est riche en minerais, pétrole et gaz naturel, mais son développement est lent. Les investissements américains dans le secteur minier groenlandais sont très limités, alors que la plupart des compagnies opérant dans le secteur sont australiennes, canadiennes ou britanniques.
Un représentant de la Maison blanche a déclaré que le Groenland disposait de suffisamment de terre rares pour alimenter la prochaine génération de l'économie américaine.
QUELLE EST LA PRÉSENCE AMÉRICAINE AU GROENLAND ?
Les Etats-Unis disposent d'une présence militaire permanente sur l'île, avec la base aérienne de Pituffik, dans le nord-ouest. Aux termes d'un accord de défense signé avec le Danemark en 1951, Washington jouit d'une liberté de déplacement et peut construire des bases militaires au Groenland à condition d'en notifier Copenhague et les autorités locales.
Kristian Soeby Kristensen, chercheur au centre d'études militaires de l'université de Copenhague, a déclaré que le Danemark s'est historiquement montré accommodant avec les Etats-Unis faute d'avoir les capacités pour défendre le Groenland et du fait des garanties sécuritaires apportées par Washington à Copenhague dans le cadre de l'Otan.
QUEL EST LE STATUT ACTUEL DU GROENLAND ?
Ancienne colonie danoise, l'île est devenue un territoire formel en 1953, soumise à la Constitution danoise.
En 2009, le Groenland s'est vu attribuer une autonomie et la possibilité de déclarer son indépendance via la tenue d'un référendum. La loi entrée en vigueur à l'époque prévoit que le Parlement local, Inatsisartut, peut invoquer une disposition demandant la tenue de négociations d'indépendance entre le Danemark et le Groenland - un quelconque accord doit alors être soumis au vote du Parlement danois.
Jens-Frederik Nielsen, le chef de file des démocrates, qui ont fini en tête des élections législatives du 11 mars et sont favorables à une indépendance par étapes, a déclaré qu'il voulait bâtir une vaste coalition gouvernementale en symbole d'unité face aux intentions de Washington.
QUELLE EST LA VOLONTÉ DU GROENLAND ?
Les relations entre le Groenland et le Danemark ont été tendues par des révélations sur les abus subis par les autochtones sous le joug colonial. L'intérêt affiché par Donald Trump à l'égard de l'île a toutefois poussé Copenhague à accélérer les efforts destinés à améliorer ses liens avec Nuuk.
Des sondages montrent qu'une majorité des 57.000 Groenlandais sont favorables à l'indépendance mais divisés sur le calendrier potentiel et les possibles répercussions sur les conditions de vie.
Nombre d'entre eux préviennent contre toute précipitation, craignant que le Groenland puisse se retrouver dans une position plus délicate et se fragiliser face aux Etats-Unis s'il venait à s'émanciper trop rapidement du Danemark. La plupart des Groenlandais ne veulent pas d'un nouveau maître colonial.
L'économie locale dépend de la pêche, qui représente plus de 95% des exportations groelandaises, ainsi que d'aides annuelles du Danemark qui couvrent environ la moitié du budget public.
Si, depuis plusieurs années, les politiciens de l'île répètent leur intérêt pour un renforcement de la coopération et des échanges commerciaux avec les Etats-Unis, le Premier ministre sortant Mute Egede a souligné que le Groenland n'était pas à vendre et qu'il appartenait à la population locale de décider de son avenir.
QUE SE PASSERAIT-IL EN CAS D'INDÉPENDANCE ?
Si le Groenland venait à obtenir son indépendance, il pourrait décider de s'associer aux Etats-Unis sans pour autant devenir un territoire américain.
L'île pourrait sceller un accord dit de "libre association" avec les Etats-Unis pour remplacer les aides et la protection apportées par le Danemark, en échange de droits militaires élargis accordés à Washington, sur le modèle des îles Marshall.
D'après Ulrik Pram Gad, chercheur et expert du Groenland, l'idée de Donald Trump d'"acheter" l'île est fondée sur une mauvaise compréhension du droit international et du principe d'auto-détermination.
QUELLE EST LA POSITION DU DANEMARK ?
Quand, lors de son premier mandat présidentiel, Donald Trump a soulevé l'idée d'acheter le Groenland, la Première ministre danoise Mette Frederiksen a qualifié cette idée d'"absurde".
Face à l'insistance du président américain depuis son retour à la Maison blanche en janvier, la dirigeante a exprimé le souhait de Copenhague de coopérer étroitement avec les Etats-Unis, tout en soulignant qu'il appartenait au Groenland de décider de son propre avenir.
Mette Frederiksen a reproché mardi aux Etats-Unis de placer une "pression inacceptable" sur le Groenland avec la visite annoncée de JD Vance, promettant que le Danemark résisterait à cette pression.
(Jacob Gronholt-Pedersen, Louise Rasmussen et Stine Jacobsen; version française Jean Terzian)
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