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Quels défis financiers attendent la nouvelle assemblée européenne ?
information fournie par Le Cercle des économistes 10/06/2024 à 08:19

L'hémicycle européen à Strasbourg. (crédit : Gzen92)

L'hémicycle européen à Strasbourg. (crédit : Gzen92)

Si le résultat des élections européennes en France a chamboulé la vie démocratique avec l'annonce quasi immédiate de nouvelles élections législatives, le centre de gravité du Parlement européen n'a finalement pas beaucoup bougé après ces élections. Pour Laurence Boone, les lourds dossiers économiques et financiers demeurent, et n'en prennent que plus d'importance.

Le calendrier européen ne devrait pas être affecté par les élections françaises puisque le ou la Président€ de la Commission devrait être nommé(e) au Conseil européen avant le 1er tour des législatives. Pour autant, c'est bien un grand bouleversement que doit s'apprêter à mener le prochain exécutif européen.

Ce mandat européen de cinq ans est celui d'un « changement radical » pour reprendre les termes de Mario Draghi, ancien Président de la Banque centrale européenne et du Conseil italien : sursaut de compétitivité et changement de paradigme économique, Europe de la défense, élargissement, ce sont les trois grands thèmes qui vont dominer l'agenda de l'exécutif.

Un sursaut de compétivité urgent

Le sursaut de compétitivité, c'est peu de le dire, est urgent. La Chine pratique une politique industrielle agressive depuis des décennies. Elle subventionne ses entreprises tout en modérant les salaires et l'évolution de sa monnaie pour bénéficier d'avantages compétitifs au mépris de toutes les règles du commerce international.

Et elle investit également massivement dans la recherche pour faire la course en tête dans bien des domaines, dont celui crucial pour l'Europe de la transition énergétique. En pratique, elle domine la chaîne de production des énergies renouvelables et celle des véhicules électriques. Les Etats-Unis, eux, ont réagi avec l'Inflation Réduction Act, ce programme qui vise à protéger la production de technologies propres, notamment dans l'automobile, sur le sol américain. La réaction européenne doit prendre de l'ampleur.

La nouvelle Commission devra donc répondre très vite avec une stratégie européenne. Celle-ci doit reposer sur trois piliers. Finaliser l'Europe de l'énergie pour garantir une offre décarbonée à prix compétitif aux entreprises, ce qui constitue le socle de la compétitivité. Protéger le marché européen, sans verser dans l'isolationnisme, et en y garantissant une  concurrence sans excès mais suffisante pour continuer d'innover. Renforcer les investissements dans les infrastructures et la R&D, et libérer les financements privés vers les entreprises européennes.

Organiser l'Europe de la défense

L'Europe de la défense a longtemps été l'objet de tentatives avortées. Puis, les dividendes de la paix ont conduit à des investissements moindres dans la défense du sol européen, une industrie fragmentée avec des européens qui se font concurrence et coopèrent peu, pour exporter une grosse partie de la production européenne. Les débuts difficiles du soutien européen aux militaires ukrainiens l'ont bien montré : nous peinons toujours à fournir à l'Ukraine les armes et munitions dont elle a besoin, la production européenne est insuffisante et inadaptée.

La seconde priorité va donc être d'organiser l'Europe de la défense. Etendons nous bien : il ne s'agit pas de créer une armée commune, nos armées coopèrent déjà dans le cadre de l'OTAN et avec des opérations européennes, mais d'une accélération de la croissance de nos capacités de production d'équipements de défense. Pour cela, il nous faudra donner de la visibilité aux entreprises de défense avec des lois de programmation militaire dans tous les pays de l'Union européenne ; faire travailler ensemble nos entreprises pour répondre aux commandes, équiper de façon coordonnée nos armées et nous préparer à mieux répondre et plus vite aux attaques hybrides.

Enfin se posera la question des réformes nécessaires pour que l'élargissement à venir se fasse dans les meilleures conditions possibles. Ne soyons pas naïfs, tendre la main aux pays voisins c'est éviter des zones de déstabilisation à nos frontières. Cette sécurité a un prix : en regard du budget actuel et de la gouvernance européenne, à politiques inchangées, ce prix sera élevé. C'est pourquoi il faut faire évoluer le budget comme la gouvernance de l'Union européenne. Nous ne ferons pas à 35 ce que nous faisons, parfois difficilement, à 27. Le marché unique doit rester le socle.

Le contre-exemple britannique montre bien que des règles harmonisées pour le commerce européen forment le cadre le plus simple et porteur pour nos entreprises, et les emplois qui vont avec. Les réformes suggérées dans les rapports Draghi et Letta permettront de l'améliorer. Mais encore une fois, nous ne ferons pas tout à 35. Prenons le cas de l'industrie de défense : elle est présente dans 6 pays principalement, et le Royaume-Uni en est un acteur clé. Il est donc logique que ce groupe de pays se concerte pour la faire avancer et en définir les contours budgétaires. On pourrait envisager des groupes ou cercles de la même façon pour l'ordinateur quantique ou une convergence sociale (qui n'est possible, pour commencer du moins, qu'entre pays ayant des salaires et systèmes sociaux proches).

Trois leviers pour un budget plus conséquent

Le budget européen tel qu'il existe aujourd'hui ne peut assurer ces ambitions, de la reconstruction de l'Ukraine au déploiement des énergies décarbonées, en passant par une réelle politique industrielle et des investissements dans l'intelligence artificielle. Nous disposons de trois leviers pour un budget plus conséquent.

Les financements privés, (on le sait, la règlementation américaine, mais aussi l'existence de fonds de pension, favorisent plus le financement des particuliers que les nôtres, et donc celui de ces particuliers dans nos entreprises), les coopérations privé-public, (avec ou sans systèmes de garantie publique européenne), et une augmentation des ressources de l'Union (grâce à une taxe numérique, à des droits de douane sur les produits ne respectant pas nos normes, encore un emprunt pour des projets bien identifiés).

La tâche est lourde, mais les Européens ont prouvé, surtout dans les moments difficiles, qu'ils savaient montrer de grandes ambitions dans les tournants historiques.

Laurence Boone
Membre du Cercle des économistes
Ancienne secrétaire d'Etat chargée de l'Europe

10 commentaires

  • 13 juin 18:36

    Sursot de competetivité ..Il alors faut s'aligner sur les USA du point de vue énergetique et arreter de gaspiller des centaines de milliards dans des investissements inutiles (par exemple éoliennes en france). Arreter de pondre des directives ubuesques. Stopper les élargissements !! (on n' arrive pas a gerer l'existent et elargir encore ???). Je ne crois pas que le monstre bureaucratique de Bruxelle soit capable d'analyser la catastrophe qui tombe sur l'UE à cause d'elle...


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