Des hommes armés à bord d'une camionnette, dépourvue de tout marquage, dans une rue de Goma, le 28 janvier 2025 en RDC ( AFP / - )
D'intenses combats ont laissé des rues jonchées de cadavres à Goma, principale ville de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), déjà largement aux mains du groupe armé antigouvernemental M23 et des troupes rwandaises qui ont conquis mardi l'aéroport, moins de deux jours après leur entrée dans la ville.
A Kinshasa, des manifestants en colère ont attaqué plusieurs ambassades, dont celles du Rwanda accusé par les autorités congolaises de leur avoir "déclaré la guerre", du Kenya et aussi de la France, de la Belgique et des Etats-Unis, des pays critiqués pour leur inaction dans cette crise.
Les Etats-Unis ont appelé leurs ressortissants à quitter la RDC et, lors d'un appel avec le président rwandais Paul Kagame, le secrétaire d'Etat Marco Rubio a exigé un "cessez-le-feu immédiat". La Chine a exigé pour sa part que "le M23 cesse toute hostilité et batte en retraite de Goma".
Pour tenter de dénouer la crise, le Kenya a convoqué mercredi une rencontre entre les présidents congolais Félix Tshisekedi et rwandais Paul Kagame.
L'est de la RDC est secoué par des conflits entre groupes armés, en particulier depuis le génocide rwandais de 1994, qui a exacerbé les tensions entre la RDC et le Rwanda, notamment autour de Goma, adossée au Lac Kivu et à la frontière rwandaise.
Une partie incendiée de l'ambassade de France après à une attaque du bâtiment lors d'une manifestation contre l'escalade du conflit dans l'est de la RDC, le 28 janvier 2025 à Kinshasa ( AFP / Hardy BOPE )
Kinshasa accuse Kigali de vouloir piller les nombreuses richesses naturelles de la région, alors que le Rwanda, qui dément, dénonce la présence côté congolais de groupes qui lui sont hostiles.
Mardi, le M23 et les soldats rwandais semblaient avoir largement pris le contrôle de Goma, cité de plus d'un million d'habitants et presque autant de déplacés. Et ce, deux jours après y être entrés, point d'orgue d'une progression éclair de quelques semaines lancée après l'échec mi-décembre d'une médiation RDC-Rwanda sous l'égide de l'Angola.
Des habitants quittent leurs maisons pour aller chercher de l'eau au lac Kivu pendant des combats à Goma, le 28 janvier 2025 en RDC ( AFP / - )
Intenses lundi, les tirs et bombardements ont largement baissé au fil de la journée, jusqu'à n'être plus que sporadiques dans la soirée, selon des journalistes de l'AFP sur place.
Plus de 100 morts et près d'un millier de blessés ont été transportés vers les hôpitaux de Goma au cours des trois derniers jours d'affrontements, selon un nouveau décompte de l'AFP établi mardi soir à partir des bilans hospitaliers.
- "Déluge de feu" -
Un avion s'apprête à atterrir à l'aéroport de Goma avant sa fermeture, le 26 janvier 2025 en RDC ( AFP / Vivien Latour )
Le M23 - qui depuis sa résurgence fin 2021 s'est emparé de vastes pans de territoires dans la province du Nord-Kivu, dont Goma est la capitale - et ses alliés des forces rwandaises ont pris mardi le contrôle de l'aéroport, a annoncé à l'AFP une source sécuritaire, renforçant l'impression d'une chute imminente de la totalité de la ville.
Le gouvernorat, siège de l'autorité provinciale, est également occupé, a constaté un journaliste de l'AFP. "Plus de 1.200 militaires congolais se sont rendus et sont cantonnés dans une base de la Monusco (mission de l'ONU en RDC, ndlr) à l'aéroport", a ajouté cette source
Des membres présumés de l'armée congolaise, des miliciens du Wazalendo (Patriotes en swahili) et d'autres forces congolaises marchent en ligne escortés par des combattants du M23 à Goma, le 28 janvier 2025 en RDC ( AFP / - )
"Goma s'apprête à tomber", avait prévenu dès lundi le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.
Mardi, les combattants du M23 étaient postés devant le gouvernorat, a constaté l'AFP. Selon des habitants, ils sont disciplinés mais demandent aux civils de leur montrer leurs épaules nues, traquant d'éventuelles marques de sangle de fusil laissées sur la peau.
Des armes et des uniformes militaires abandonnés et brûlés sur le sol à Goma, le 28 janvier 2025 en RDC ( AFP / - )
Dans le centre-ville, les rues sont jonchées d'uniformes, de bottes et de gilets pare-balle abandonnés par les forces de Kinshasa, décrit une source humanitaire sous couvert d'anonymat.
Cloîtrés chez eux lundi, certains sous le "déluge de feu" des combats, notamment dans le centre-ville, les habitants ont timidement arpenté de nouveau les rues de la ville mardi entre miliciens du M23 triomphants et soldats congolais en débandade, ont constaté des journalistes de l'AFP.
- Viols, pillages et pénuries -
De nombreux cadavres de soldats ou de civils gisaient dans les rues, où des habitants pressaient le pas vers les entrepôts de denrées alimentaires et produits de première nécessité, alors que l'eau et l'électricité sont coupées dans toute la ville.
Des habitants transportent des marchandises pillées dans des magasins et des entrepôts humanitaires à Goma, le 28 janvier 2025 en RDC ( AFP / - )
Viols, pillages, pénuries alimentaire, risque de dissémination du virus Ebola, du choléra ou de la rougeole... les combats ont bien d'autres conséquences dévastatrices à Goma et dans ses environs, ont souligné l'ONU et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
Plusieurs affrontements ont été signalés le long de la frontière lundi, notamment dans les environs de Gisenyi - au Rwanda - où 5 civils ont été tués et 25 personnes grièvement blessées, a indiqué l'armée rwandaise, sans fournir d'éclaircissements sur les circonstances.
Une responsable de la mission de maintien de la paix de l'ONU en République démocratique du Congo (Monusco, déployée en appui des forces congolaises), Vivian van de Perre, a mis en garde mardi contre les risques d'attaques sur des bases "ethniques" dans l'est de la RDC.
Carte de la ville de Goma, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), montrant notamment l'aéroport international, la prison centrale et la "grande barrière", poste-frontière avec le Rwanda ( AFP / Nalini LEPETIT-CHELLA )
Le président congolais Félix Tshisekedi ne s'est pas exprimé depuis le début de la crise. Son gouvernement a assuré lundi vouloir "éviter le carnage".
Dans l'est de la RDC, riche en ressources naturelles, les conflits et les rébellions s'enchaînent depuis plus de 30 ans. Goma avait été brièvement occupée fin 2012 par le M23, né cette année-là et vaincu militairement l'année suivante.
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