( POOL / EUGENE HOSHIKO )
Moderna souhaite établir une sorte de bibliothèque de vaccins, qui, en cas d'émergence d'une pandémie, seront prêts à être dégainés et à entrer en phase 3 d'essais cliniques, la toute dernière étape avant leur mise sur le marché.
Objectif : limiter les risques d'une nouvelle pandémie. Moderna, la biotech à l'origine de l'un des premiers sérums contre le Covid-19, veut s'atteler à développer des vaccins contre 15 virus et bactéries émergents ou négligés, tels que Dengue, virus Ebola, ou encore tuberculose.
La biotech américaine, fondée et dirigée par le Français Stéphane Bancel et spécialiste de la technologie innovante de l'ARN messager, travaille déjà sur des vaccins à ARN contre certains virus, comme le VIH et Zika.
Désormais, elle veut cibler les 15 agents pathogènes identifiés comme les plus grands risques de santé publique par l'Organisation mondiale de la santé et la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI), a-t-elle annoncé ce mardi 8 mars.
CEPI avait de son côté annoncé l'an dernier un projet de 3,5 milliards de dollars pour accélérer le développement de nouveaux vaccins .
Bibliothèque de vaccins
Dans le détail, Moderna souhaite faire progresser d'ici à 2025 le développement de vaccins ciblant notamment le virus du chikungunya, la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, la dengue, Ebola, le paludisme, ou encore la tuberculose.
Il ne s'agit pas de mener pour chacun les recherches jusqu'à la commercialisation du vaccin, a précisé le directeur général Stéphane Bancel lors d'un entretien à l'AFP. En réalité, la société veut pousser le développement de ces vaccins potentiels jusqu'aux premiers essais cliniques sur l'homme.
Le but est d'établir une sorte de bibliothèque de vaccins, qui, en cas d'émergence d'une pandémie de l'un ou l'autre de ces agents pathogènes, seront prêts à être dégainés et à entrer en phase 3 d'essais cliniques, la toute dernière étape avant leur mise sur le marché.
A la clef, plusieurs mois de temps gagné : "Cela permet d'aller plus vite", précise Stéphane Bancel, alors que lors des premières phases de développement, les chercheurs déterminent la dose nécessaire pour chaque sérum.
Et pour cela, Moderna table sur la coopération entre laboratoires publics et privés , via "mRNA Access", un programme permettant aux chercheurs du monde entier d'utiliser sa plateforme technologique d'ARN messager, pour poursuivre leurs recherches dans leurs propres laboratoires sur les maladies infectieuses émergentes.
"On aimerait le faire avec les meilleurs experts du monde", a indiqué le dirigeant. "Il s'agit d'un outil internet qui permet à n'importe quel scientifique partenaire avec Moderna de 'designer' n'importe quel vaccin depuis son laboratoire".
Plus de 18 milliards de dollars de revenus l'an dernier
Si ces partenariats sont surtout tournés vers la recherche publique, Moderna se dit ouvert à des collaborations avec des laboratoires privés. Il s'engage par ailleurs à mener ces recherches avec ou sans partenaire, si nécessaire.
"Si sur certains virus, personne ne veut de partenariat, nous le ferons seuls. Ces virus sont connus depuis longtemps", a expliqué Stéphane Bancel, qui plaide pour une "responsabilité" du secteur pharmaceutique.
Faute de débouché commercial estimé suffisant, l'industrie hésite en effet à se lancer dans des recherches longues et coûteuses sur des maladies infectieuses , privilégiant d'autres aires thérapeutiques comme l'oncologie.
Moderna, jusqu'à l'émergence du Covid-19 et la mise au point d'un vaccin contre le nouveau coronavirus, n'avait jamais commercialisé le moindre médicament. Les temps ont changé et la biotech a engrangé plus de 18 milliards de dollars l'an dernier.
Face à ces énormes revenus, elle a été critiquée par des ONG qui plaident pour une plus juste répartition des doses du vaccin en faveur des pays pauvres, ainsi que pour la levée des brevets.
"25% des doses produites par Moderna sont parties l'an dernier vers des pays à faibles revenus", s'est défendu Stéphane Bancel, qui rappelle que la biotech était interdite d'exportation par les États-Unis jusqu'à l'été 2021.
Désormais, "on a une plateforme, on a des ressources financières, ce n'est pas pour les garder à la banque mais pour les investir" dans de nouveaux médicaments, plaide le dirigeant.
Première usine Moderna en Afrique
Moderna a également annoncé la construction de sa première usine africaine de vaccins au Kenya, après la signature avec ce pays d'un accord préalable qui prévoit la production de 500 millions de doses par an .
L'entreprise entend investir 500 millions de dollars (460 millions d'euros) dans cette usine, qui produira des vaccins à ARN messager pour l'ensemble du continent africain, qui manque encore largement de doses pour lutter contre le Covid-19.
"Le combat contre la pandémie de Covid-19 ces deux dernières années a rappelé le travail nécessaire pour assurer un accès équitable à la santé . Moderna est déterminé à faire partie de la solution", a déclaré dans un communiqué Stephane Bancel.
Moderna dit espérer que cette usine commencera dès l'année prochaine à distribuer en Afrique son vaccin contre le Covid-19, dans l'optique d' augmenter la couverture vaccinale des pays les moins protégés contre le virus .
"L'investissement de Moderna au Kenya aidera à avancer vers un accès mondial équitable aux vaccins et est emblématique des développements structurels qui permettront à l'Afrique de devenir un moteur de la croissance soutenable mondiale", a déclaré le président kényan Uhuru Kenyatta, cité dans le communiqué
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