Environ 20% des collectivités interrogées en février 2024 par le Sénat avaient vu leur contrat résilié à l'initiative de l'assureur.
Breil-sur-Roya, le 4 octobre 2020, après le passage de la tempête Alex. ( AFP / NICOLAS TUCAT )
Les quelque 70 bâtiments communaux de Breil-sur-Roya ne sont plus assurés depuis le 1er janvier, après la résiliation de tous les contrats de la municipalité par l'assureur. Pour protester contre "une situation inconcevable et injuste", le maire LR Sébastien Olharan (LR), a signé jeudi 2 janvier un arrêté interdisant toute catastrophe naturelle sur son territoire.
La commune de 2.200 habitants était assurée depuis plus de 20 ans auprès de la Smacl, une société désormais adossée à la Maif et qui reste l'une des rares avec Groupama encore sur le marché des assurances de collectivités . Mais, en juin, la Smacl a annoncé son intention de résilier tous les contrats de Breil à la fin de l'année. Et malgré ses efforts, le maire n'a pas retrouvé d'assureur.
Il a seulement obtenu in-extremis de la Smacl une prolongation d'un an des assurances obligatoires en matière de protection fonctionnelle et de responsabilité pour les dommages causés aux tiers, ainsi que pour la circulation des véhicules de la commune. En revanche, les quelque 70 bâtiments communaux (mairie, école, crèche, bibliothèque, etc) ne sont plus assurés depuis le 1er janvier : en cas de sinistre, tous les frais de réparation seront à la charge de la commune.
"Réponse par l'absurde"
Par conséquent, "les catastrophes naturelles sont interdites sur tout le territoire de la commune", annonce le premier article de l'arrêté municipal, qui cite "les incendies, inondations, mouvements de terrain, séismes, éboulements, tempêtes, neige, grêle" mais aussi "les émeutes, le terrorisme, le vandalisme, le vol, les dégradations involontaires".
"Face à une situation inconcevable et injuste, mettant en péril notre commune, notre patrimoine public et l'argent des contribuables , j'en suis réduit à cette réponse par l'absurde", a expliqué le maire dans un communiqué, en appelant à une réforme urgente du système d'assurance des collectivités.
Breil-sur-Roya n'est en effet pas un cas unique : selon une consultation menée en février 2024 par des membres de la commission des finances du Sénat, 60% des 713 collectivités répondantes avaient rencontré au moins un problème important avec leur assureur courant 2023.
Quelque 20% avaient eu leur contrat résilié à l'initiative de leur assureur , parfois avec un préavis très court. Près d'un tiers avaient vu leur contrat faire l'objet d'un avenant, quasiment toujours avec une hausse de cotisations.
Une autre mission menée début 2024, à la demande du gouvernement, par le maire de Vesoul Alain Chrétien (Horizons) et l'ex-président de Groupama Jean-Yves Dagès, avait aussi révélé la dégradation des rapports entre collectivités et assurances, qui s'est accentuée avec les émeutes de juin 2023, entrainant des "résiliations brutales" et des "hausses parfois vertigineuses des primes et des franchises".
Le 2 octobre 2020, un déluge s'était abattu sur l'arrière-pays de Nice et Menton, provoquant des crues dévastatrices dans les vallées reculées de la Vésubie, la Roya et la Tinée, où quelque 13.000 habitants se sont retrouvés subitement coupés du monde. L'épisode avait fait 10 morts et 8 disparus.
Environ 85 kilomètres de routes avaient été emportées ou endommagées, 20 ponts détruits ou rendus inutilisables, 2.500 maisons expertisées, dont 420 condamnées, les réseaux d'eau et d'électricité coupés : les dégâts ont été estimés à au moins un milliard d'euros.
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