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«Il y a une part de nostalgie»: comment la cassette audio est devenue la nouvelle idole des jeunes
information fournie par Le Figaro 15/02/2025 à 08:13
Temps de lecture: 4 min

(Crédits: Unsplash - Bruno Guerrero)

(Crédits: Unsplash - Bruno Guerrero)

Tombé en désuétude, le support attire désormais des jeunes fans de musique. Une alternative aux plateformes digitales?

« On ne s'attendait pas un tel à un succès, la boutique ne désemplit pas ! » Derrière le comptoir, Léa et Andréas, un couple de trentenaires, viennent d'ouvrir le Club K7, dans le 5 e arrondissement de Paris. Un disquaire d'un genre particulier, puisqu'on n'y trouve que des cassettes audio . « Nous voulions créer un lieu unique, hors du temps, où les gens puissent venir échanger » , précise Léa, derrière les néons colorés. Tous les genres musicaux y sont représentés : opéra, rock ou artistes contemporains comme Oxmo Puccino ou Julien Doré .

Parmi les clients, Quentin, la quarantaine, explique n'avoir jamais lâché ce format. « Bien sûr, on entend parfois un léger souffle sur la bande. Mais cela fait partie du charme ! » Philippe, lui, se passionne pour tout ce qui a trait aux années 1980. « Depuis cinq ans, il y a un engouement pour cette période qui n'existait pas auparavant », sourit-il. La vente de cassettes audio dépasse pourtant largement aujourd'hui le cercle des seuls collectionneurs nostalgiques.

Lancé en 1963 par Philipps, ce format analogique a connu le succès grâce à sa petite taille, permettant de transporter la musique facilement. Dans les années 1980, le célèbre baladeur Walkman de Sony a marqué plusieurs générations, avant de tomber progressivement en désuétude avec l'arrivée du CD, puis des baladeurs numériques.

« Comme les vinyles, les cassettes n'ont jamais complètement disparu » , explique avec malice Iain Taylor, maître de conférences à l'université d'Aberdeen en Écosse. « Pour beaucoup d'artistes indépendants, particulièrement dans le genre indie, punk et hardcore-métal, elles sont restées un moyen de générer des revenus complémentaires. » Un gain rendu possible grâce au faible coût de production. Depuis 2020, elles attirent toutefois au-delà de la musique indépendante. Des artistes majeurs tels que Billie Eilish ou Selena Gomez diffusent désormais leurs albums sur cassette. Un choix étonnant pour une génération n'ayant pas connu l'âge d'or de ce format.

« Pour les jeunes, le numérique reste le principal moyen d'écouter de la musique , temporise Iain Taylor. L'enthousiasme pour les cassettes répond avant tout au désir d'acheter quelque chose à un artiste, mais à un prix plus abordable que les vinyles. » Sur la boutique en ligne officielle de la chanteuse Taylor Swift, il faut ainsi débourser 39,89 euros pour la version vinyle de l'album 1989, contre seulement 19,89 euros pour la version cassette. « Beaucoup de ceux qui achètent ces cassettes ne possèdent de toute façon pas de lecteur pour les lire ! » , ajoute le chercheur.

Le prix de production des cassettes audio peut varier lui aussi. « Chaque commande est entièrement personnalisable. Cela peut aller de 2 à 5 euros la pièce » , précise Matt Drayton, responsable de ce secteur pour RTM. Basée à Avranches, cette entreprise fabrique des cassettes vierges depuis 2018, et en produit pour des artistes et des labels depuis deux ans. « Nous constatons une forte augmentation de nos commandes, y compris depuis le début de l'année ! »

Cet enthousiasme, Romain Boudruche le partage également. Cofondateur de la marque We are Rewind, cet ancien publicitaire a lancé en 2020 un lecteur de cassette 100 % français avec une connexion Bluetooth. Et le succès est au rendez-vous. Depuis deux ans et demi, il a écoulé près de 40 000 unités. « Au début, je pensais que nous allions toucher des cinquantenaires, mais à ma grande surprise, nos clients ont plutôt la trentaine, voire moins. Ce sont principalement des hommes, qui ont souvent découvert la cassette audio grâce à des films ou des séries . » Preuve de l'intérêt grandissant pour le format, l'entrepreneur revient tout juste du CES de Las Vegas, où il a présenté son dernier modèle, calqué sur le design du ghetto-blaster, célèbre radiocassette des années 1980.

« Âge d'or de la musique »

« Il est clair qu'il y a une partie de nostalgie dans ce phénomène, y compris d'ailleurs chez les plus jeunes, car la cassette est culturellement associée à un âge d'or de la musique » , précise le chercheur Iain Taylor. Si l'engouement récent autour de ce format est réel, celui-ci est encore timide dans l'Hexagone, à en croire Romain Boudruche, qui réalise la moitié des ventes de ses lecteurs aux États-Unis. « Les labels français restent très concentrés sur les chiffres des ventes digitales. Mais c'est une question de temps. »

Difficile d'obtenir des chiffres précis pour la France. Le Syndicat national de l'édition phonographique (Snep), qui publie chaque année les grandes tendances du marché de la musique, ne reprend pas encore les ventes de cassettes audio dans ses classements. « Cela ne représente pas encore des volumes suffisamment significatifs » , souligne le Snep, qui insiste toutefois sur le fait que « tous les supports sont bien entendu pris en compte » . En attendant, chez Club K7, Léa et Andréas exhibent fièrement leur Walkman et autres modèles de collection. Renseignement pris, les prix des albums varient ici de 5 à… 599 euros pour les pièces les plus rares. Au sol, un grand bac en plastique avec des cassettes vierges. « Au cas où vous voudriez enregistrer vous-même votre propre mix ! » , sourit Andréas.

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