
L'Etat peut-il réquisitionner l'épargne des français pour financer la défense ? ( Crédits photo: © MaxSafaniuk - stock.adobe.com)
Face au contexte géopolitique actuel et aux discours alarmants tenus par certains, de nombreux Français s'inquiètent de voir l'Etat réquisitionner leur argent. Que peut vraiment faire le gouvernement ?
Depuis plusieurs semaines, des discussions sont en cours pour flécher une partie de l'argent des Français vers le financement de l'industrie de la défense et de l'armement. Finalement, un nouveau produit permettant de devenir indirectement actionnaire d'entreprises œuvrant dans ce secteur d'activité va voir le jour. La confusion et l'inquiétude, alimentées par certains hommes politiques et par les réseaux sociaux, fait néanmoins toujours craindre à certains épargnants que leur argent ne soit réquisitionné. Qu'en est-il vraiment ?
Le droit de propriété, un droit constitutionnel qui protège les économies des Français
Pour financer l'industrie de la défense et de l'armement face à la menace russe, l'Etat peut-il piocher sur les comptes courants et les produits d'épargne des Français ? Jérôme Lasserre Capdeville, maître de conférences et spécialiste de droit bancaire, se veut rassurant : "C'est juridiquement impossible", explique-t-il au site d'information financière MoneyVox. Et pour cause, le droit de propriété est un droit protégé à la fois par la Constitution et par la Cour européenne des droits de l'homme.
Le gouvernement ne peut donc pas se servir directement de l'argent des Français pour réaliser "de nouveaux investissements qui exigent de mobiliser des financements privés mais aussi des financements publics, sans que les impôts ne soient augmentés", pour reprendre les propos tenus par Emmanuel Macron le 5 mars dernier. Les saisies sur les comptes bancaires sont d'ailleurs strictement encadrées, comme le souligne Jérôme Lasserre Capdeville.
La Fédération bancaire française (FBF) se veut elle aussi rassurante : "A aucun moment l'Etat ne peut venir ponctionner une somme d'argent sur les comptes épargne des Français. Il ne pourrait pas non plus sur les comptes courants". L'économiste Philippe Crevel alimente également ce discours en précisant que "L'argent des Français appartient au Français" et que "L'État ne peut pas se servir de manière discrétionnaire".
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Augmentation des impôts et blocage des comptes courants : les seules armes du gouvernement
Pour financer l'industrie de la défense, l'Etat ne peut donc pas se servir directement sur les comptes des Français. Le gouvernement peut néanmoins, sur le principe, avoir recours à une augmentation des impôts. Cependant, Philippe Crevel rappelle que "dans le cadre de la loi de finances 2025, il n'est pas prévu de prélèvement supplémentaire", et Emmanuel Macron a également écarté cette possibilité au cours de son discours du 5 mars 2025.
Si l'argent des Français ne peut pas être réquisitionné, il peut en revanche être bloqué en vertu de l'article L612-33 du Code monétaire et financier. Celui-ci prévoit la possibilité d'un blocage des comptes courants en cas d'instabilité financière, par exemple dans l'objectif d'éviter que les Français ne retirent massivement de l'argent liquide et ne déstabilisent le système bancaire. Un système de blocage qui peut être étendu aux avoirs dont disposent les épargnants sur leurs contrats d'assurance-vie depuis la loi Sapin 2 de 2016.
L'article 2212-1 du Code de la défense modifié prévoit quant à lui la possibilité de réquisitions dans certaines hypothèses, mais celles-ci ne concernent que des biens immobiliers ou mobiliers, "pas au sens d'argent" selon Jean-Christophe Videlin, professeur de droit public et doyen de la Faculté de droit de Grenoble. Pour le moment, le financement de la défense par les Français se limite à la possibilité d'investir indirectement dans le capital d'entreprises de ce secteur d'activité à partir de 500 euros. Le ministre de l'Economie, Eric Lombard, a précisé à ce sujet que "Notre travail, c'est de permettre LIBREMENT aux épargnants et aux entreprises de se rencontrer".
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