
Un aménagement entre voisins peut devenir une servitude légale grâce à la "servitude par destination du père de famille". (Crédit photo : Shutterstock)
Sas d'entrée, escalier commun … Saviez-vous qu'un simple aménagement entre deux maisons voisines peut devenir une servitude reconnue par la loi ? Découvrez comment la " servitude par destination du père de famille " peut transformer un accès informel en véritable droit immobilier.
La servitude par destination du père de famille
Une servitude est une contrainte imposée à un bien immobilier au profit d'un autre bien immobilier voisin. Concrètement, cela peut être un droit de passage, une fenêtre donnant sur un autre terrain, ou encore un accès commun.
La " servitude par destination du père de famille " se produit lorsqu'une même personne possède deux terrains ou immeubles voisins et les aménage de manière à créer une dépendance évidente entre eux, par exemple un passage commun. Si ces biens sont ensuite divisés, cette organisation initiale peut devenir une servitude légale, même sans être explicitement mentionnée dans l'acte de division.
Les faits
En 1983, un couple consent à son fils, Monsieur A et à sa fille, Madame X, une donation-partage leur attribuant la propriété d'une maison chacun, contiguë l'une de l'autre. Les héritiers de l'une de ces maisons (les héritiers de Madame X) demandent à Monsieur A une servitude de passage portant sur le sas d'entrée de sa maison, situé côté rue, permettant d'accéder à leur bien immobilier, ainsi que sur l'escalier intérieur conduisant au jardin. Ils affirment que l'aménagement réalisé par leurs parents constitue une servitude par destination du père de famille, issue de la division d'un seul fonds.
Mais la cour d'appel rejette cette demande. Elle considère que la servitude ne pouvait pas être reconnue en 1983 parce qu'elle s'est fondée sur une division antérieure des propriétés intervenue en 1928. Selon son raisonnement, cette première séparation des biens empêchait automatiquement toute reconnaissance ultérieure d'une servitude par destination du père de famille. Les héritiers se pourvoient alors en cassation.
Le jugement de la Cour de cassation
La Cour de cassation rejette le raisonnement de la cour d'appel. Elle considère que lorsqu'une propriété unique a été divisée, puis réunifiée sous un même propriétaire, et enfin divisée à nouveau, c'est uniquement la dernière séparation qui compte pour déterminer si une servitude par destination du père de famille existe. Ainsi, même si une première séparation des terrains a eu lieu plusieurs années auparavant, cela ne bloque pas la possibilité d'une nouvelle servitude si les terrains ont ensuite été à nouveau réunis et divisés.
En outre, la Cour souligne qu'il ne suffit pas qu'un autre accès soit disponible pour exclure une servitude : même si un autre accès existe, il faut vérifier que l'aménagement en question est clairement visible et utilisable à la date de la dernière division.
Source : Cour de cassation - 23 janvier 2025 - Pourvoi n° 23-12.385
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