Dietswell : une micro cap chez les géants du pétrole information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 13/12/2018 à 08:00
Le pétrole a encore fait des siennes : alors que tout le monde le voyait continuer sur sa lancée, le prix du baril étant passé de 60$ en début d'année à 80$ fin septembre, et que les meilleurs experts expliquaient avec une belle unanimité que les 100$ seraient bientôt atteints, le pétrole s'est bien effondré depuis début octobre, soit -30% en deux mois, dont -20% sur le seul mois de novembre, ce qui est presque du jamais vu.
Bien sûr, les explications ne manquent pas après coup pour ce phénomène intéressant, dont on peut dire au moins deux choses : i) si cela perdure, si le pétrole reste dans un couloir de 50$-60$/baril, c'est plutôt une bonne nouvelle pour l'Europe qui n'a pas tant de pétrole que ça, et pour le consommateur européen en particulier, mais, inversement, ii) ce recul brutal de la demande pourrait aussi être le signe qu'une récession est en marche. Mais on n'est jamais sûr de rien, c'est bien connu, même si les récessions économiques ont la mauvaise habitude de déjouer les pronostics, et par-dessus tout les pronostics des économistes.
Composer avec un baril dont le prix est volatile
Ce qui nous ramène à l'éternelle réalité du pétrole : il est imprévisible, tout simplement, et il faut bien l'admettre. Ce qui justifie éventuellement le modèle d'affaires des compagnies pétrolières dites "intégrées", qui ne font pas qu'extraire l'huile minérale du sous-sol pour la revendre en vrac au plus offrant, mais au contraire la raffine pour en tirer toutes sortes de coproduits, des bases chimiques, et surtout des carburants qu'elles distribuent elles-mêmes dans leurs réseaux de stations-services. Ce qui fait dire à la direction de Total, notre compagnie nationale, que si on ne sait jamais où sera le prix du baril dans quelques mois, on peut quand même être raisonnablement rentable avec une moyenne de 50$/baril même s'il y a des hauts et des bas.
Et surtout fabriquer le cash pour payer le dividende, le métier de base des grands groupes pétroliers étant de transformer le brut en monnaie sonnante et trébuchante. La preuve ? : lors de la précédente chute des cours, quand le prix du baril est passé de 100 à 50$ en six mois à partir de l'été 2014, déchaînant la pire crise du secteur depuis le Big Oil Bust de 1986, pratiquement tous les grands groupes "intégrés" ou presque ont maintenu une distribution quoiqu'il arrive.
Des économies drastiques dans l'amont pétrolier
Ce qui s'est fait en bonne partie, il faut le dire, en faisant des économies sur l'exploration/production (l'amont pétrolier : l'extraction du pétrole), et sur les fournisseurs par voie de conséquence. Ce qui a été d'autant plus possible que tous les prix de la filière, que ce soient ceux des équipements ou ceux des services, sont apparemment indexés sur le cours du baril. Ce qui explique aussi que la reprise qui a lieu en ce moment est des plus mesurées, puisqu'on est loin de l'euphorie du pétrole à 100$ d'avant.
Bref : un changement radical de décor, que l'on peut constater avec horreur dans les résultats catastrophiques de CGG, qui fournit les données géologiques, et de Vallourec, qui fournit les tubes pour les forages, ces dernières années.
Dietswell : une micro cap dans les services pétroliers
Et aussi dans ceux, nettement moins catastrophiques toutefois, d'un petit acteur coté des Services Pétroliers : Dietswell (ALDIE ; 0,81€), dont le chiffre d'affaires est passé de 28 millions d'euros en 2014 à moins de 7 millions d'euros en 2017, rien que ça, et qui est aussi en perte depuis deux ans. Mais est toujours là, et plus que jamais, éventuellement.
Dietswell est une PME basée à Guyancourt, avec une offre large de services en fait, puisqu'elle propose à ses clients 1) de l'assistance technique (Dietswell Services) : conseil et recrutement/staffing de projets pétroliers, 2) de l'audit-inspection d'équipements de forage, avec une filiale dédiée : Factorig, 3) de l'ingénierie de conception (Dietswell Solutions) pour les plates-formes, etc…,et, enfin, 4) de la gestion de projet intégré (Dietswell Contracting) : opérer et gérer des forages pour le compte des compagnies.
Inutile de dire que les activités 1 et 4, liées à l'exploration-production, sont plutôt en mauvais état : au premier semestre 2018, D. Services est encore en recul marqué par rapport au 1er semestre 2017, et D. Contracting n'a pas eu de chiffre d'affaires. Mais l'activité de Factorig, qui est basée à Abu Dhabi et rayonne sur toute la région, progresse bien (+18% au S1), et le bureau d'études de D. Solutions est bien occupé par un projet innovant : le TrussFloat, qui est une plate-forme semi-submersible (donc flottante) destinée à porter non pas un appareil de forage mais une grande éolienne. Une innovation qui pourrait un tant soit peu révolutionner l'éolien off-shore, qui est un secteur en plein boom actuellement.
Un modèle écoonmique agile
Dietswell, dont les dirigeants sont des vétérans du "Oil & Gas", a un modèle d'affaire très flexible en fait : la société ne compte qu'une quarantaine de salariés en ce moment, dont la moitié d'expatriés, et opère en grande partie comme une agence de travail temporaire spécialisée pour personnels très qualifiés. Et ses perspectives semblent s'améliorer graduellement, même si elle encore en (légère) perte sur les six premiers mois de l'année : i) la partie pure Oil & Gas (tout ce qui n'est pas ingénierie) est légèrement positive en terme de résultat brut d'exploitation (Ebitda, pour les anglicistes distingués), et l'activité accélère nettement au troisième trimestre selon la direction, ii) les clients reviennent : le bureau d'études est sollicité pour plusieurs appels d'offres pour des travaux importants sur des équipements en services, des gros contrats ont été signés (plate-forme pour Enagas, trois flotteurs pour des unités de récupération d'énergie, etc…), et le carnet de commandes progresse bien, soit 9,4 millions d'euros à fin août 2018 contre 8,4 fin juin, et 7,2 fin décembre 2017. Bref : un regain de dynamique, conforté par une augmentation de capital d'un million d'euros en avril dernier (à 1,05€).
La performance du cours de Bourse a été plutôt terrible depuis le début de l'année, soit -62%, et la capitalisation boursière de Dietswell n'est plus que de 5 millions d'euros, ce qui en fait une curiosité de la cote, et une vraie micro-cap, surtout par rapport aux autres acteurs de ce secteur, où le gigantisme est la règle. Mais une micro cap qui est cotée en continu, et non plus au fixing, depuis quelque temps, et qui a décidé de mieux communiquer aux investisseurs petits et grands avec une étude sponsorisée disponible sur son site. Indubitablement un signe.
J. Lieury - Analyste Senior - Olier Etudes & Recherche - Membre du Cercle des Analystes Indépendants - www.olier-etudes-recherche.fr.