Devenir propriétaire de son logement : cartographie des (nouveaux) dispositifs information fournie par The Conversation 18/04/2025 à 10:55
Et si la crise du logement illustrait l'épuisement de l'alternative propriétaire ou locataire. De nouvelles offres émergent, multipliant les possibilités d'accession à la propriété.
La crise du logement met en évidence des tensions entre dynamiques économiques et sociales. Bien essentiel, le logement devient un facteur d'inégalités croissantes. La hausse des taux d'intérêt entre mi 2022 et début 2024 a rendu l'accession à la propriété difficile pour de nombreux ménages français.
En 1980, la France comptait 50 % de propriétaires. Aujourd'hui, la proportion atteint 58 % (voir graphique) soit très en dessous de la moyenne européenne de 70 %. L'Angleterre et les États-Unis sont à 65 %. Avec un marché locatif saturé et 2,5 millions de demandes en attente dans le secteur social, les fractures générationnelles, sociales et territoriales se creusent.
De nouveaux modèles
Pour répondre à cette situation, diverses pistes émergent afin de faciliter l'accès à la propriété. Entre innovations et remises au goût du jour de solutions anciennes, des initiatives publiques et privées se multiplient. Cependant, cette offre complexe peut perdre les particuliers, confrontés à des décisions lourdes et chargées émotionnellement.
Cet article décrypte les nouvelles solutions disponibles, analyse leurs propositions de valeur et explore les mécanismes sous-jacents de leurs modèles d'affaires.
Le démembrement de propriété consiste à diviser la propriété en deux. D'un côté, la nue-propriété (ou le droit de disposer du bien, c'est-à-dire qu'il peut vendre ou transmettre le bien, mais ne peut l'utiliser ni en percevoir les fruits comme des loyers) et l'usufruit (droit d'utiliser le bien et d'en percevoir les revenus). Ce mécanisme, utilisé pour l'investissement et la transmission patrimoniale, permet au nu-propriétaire d'acquérir un bien à moindre coût, tandis que l'usufruitier en tire des revenus ou un usage temporaire, avec des avantages fiscaux pour les deux parties.
Dans le cadre de l'achat immobilier, ce dispositif permet à un particulier d'acquérir la nue-propriété à un coût réduit, tandis qu'un autre acteur (souvent un bailleur) détient l'usufruit pour une durée définie. Pendant cette période, l'usufruitier perçoit les loyers ou occupe le bien, sans charges pour le nu-propriétaire. À la fin du démembrement, ce dernier récupère la pleine propriété, souvent valorisée. Idéal pour préparer une résidence future ou investir avec une meilleure rentabilité, le démembrement élimine également les contraintes de gestion locative.
Un coût d'accès réduit à la propriété
Une autre piste d'innovation est la dissociation foncier-bâti, qui sépare la propriété du terrain de celle du logement. Dans ce cadre, l'acquéreur devient propriétaire du bâti, tandis que le terrain appartient à une entité publique, privée ou associative, moyennant une redevance modeste. Ce modèle permet de réduire le coût d'accès à la propriété en excluant le foncier souvent très onéreux en zone urbaine, et limite la spéculation immobilière en encadrant la revente du logement par des clauses inscrites dans le bail. Courant au Royaume-Uni, cette solution est adoptée en France par les organismes de foncier solidaire (OFS) via le bail réel solidaire (BRS), garantissant une offre durable de logements abordables.
Un exemple notable est la Foncière de la Ville de Paris, créée pour faciliter l'accès à la propriété des ménages à revenus moyens. La Foncière conserve la propriété des terrains, tandis que les logements construits dessus sont vendus sous le régime du BRS, permettant aux acquéreurs de devenir propriétaires du bâti à des prix maîtrisés, environ 5 000 €/m2, soit la moitié du prix du marché parisien. Les acquéreurs paient une redevance pour l'occupation du terrain, réduisant le coût global et préservant l'accessibilité financière sur le long terme.
Le co-investissement dans le secteur du logement repose sur un principe simple : plusieurs acteurs unissent leurs ressources pour financer des projets immobiliers. Ces acteurs peuvent inclure des institutions publiques, des investisseurs privés, des entreprises ou des particuliers. En mutualisant les fonds et les compétences, ce modèle permet de partager les risques et de réaliser des projets souvent inaccessibles individuellement, tels que la construction de logements sociaux, de résidences étudiantes ou des programmes de rénovation urbaine. Les partenariats public-privé illustrent bien cette approche, combinant fonds publics et privés pour créer des logements abordables.
Accompagnement personnalisé
Dans un contexte de besoins croissants en logements, certains acteurs adaptent le co-investissement à la construction et à la vente de logements à destination des particuliers. Par exemple, Virgil aide les jeunes actifs à accéder à la propriété sans un apport personnel important. L'entreprise finance jusqu'à 25 % du prix d'achat sans exiger de loyers ni de mensualités sur cette part, préservant ainsi la capacité d'emprunt des acquéreurs. En complément, elle propose un accompagnement personnalisé : évaluation du budget, aide à la négociation du prêt, et formalités administratives. Ce soutien global simplifie le parcours immobilier et renforce la confiance des primo-accédants. Virgil se rémunère en récupérant sa mise réévaluée lors de la revente ou du rachat des parts, ainsi qu'une indemnité annuelle de 1 % par tranche de 10 % investie. Son modèle « asset-light » limite le capital immobilisé et diversifie les projets.
Face à la flambée des prix immobiliers et à la faible attractivité de l'investissement locatif, le modèle classique « usage contre loyer » montre ses limites, créant une inadéquation entre valeur d'usage et valeur d'échange. Inspiré du leasing automobile, un modèle hybride émerge, combinant propriété partielle, redevance fixe sur vingt-cinq ans et sécurité d'usage. Ce système veut offrir une alternative accessible et flexible, répondant aux besoins des ménages tout en garantissant des conditions financières attractives aux investisseurs.
La flexipropriété permet un accès progressif à la propriété. L'acquéreur peut acheter une part initiale du bien, par exemple 20 %, tout en disposant de l'usage complet du logement. Le reste est détenu par un investisseur (bailleur social, promoteur ou banque), et l'acquéreur verse une redevance pour la part non possédée. Il peut ensuite racheter progressivement des parts supplémentaires selon ses capacités financières, jusqu'à atteindre la pleine propriété.
Un apport initial limité
Ce dispositif présente plusieurs avantages : il réduit le montant initial nécessaire pour devenir propriétaire, permet d'occuper le logement dès l'achat des premières parts et offre une montée en propriété adaptée aux ressources du ménage. Par exemple, Neoproprio propose un modèle où l'acquéreur finance 50 % du prix du bien et signe un bail emphytéotique de 25 ans, en versant une redevance annuelle réduite. Il occupe le logement comme un propriétaire tout en limitant l'apport initial et les mensualités. À l'issue des 25 ans, il peut lever une option d'achat au prix du marché ou quitter le dispositif avec une partie de la plus-value.
Au travers de ce dispositif, l'entreprise se rémunère grâce à la redevance annuelle versée par l'acquéreur (1,2 % de la valeur du bien) et à une part de la plus-value en cas de revente anticipée. Le modèle repose également sur une marge réalisée lors de l'achat et la gestion des biens via des fonds immobiliers partenaires. Ce mélange d'innovation financière et d'accompagnement personnalisé propose une solution à la fois rentable et adaptée aux besoins des ménages.
Persistance de freins
Plusieurs raisons expliquent que ces modèles d'acquisitions alternatifs soient moins plébiscités que l'achat immobilier classique. D'abord ils sont souvent perçus comme complexes en raison des montages juridiques et financiers qu'ils impliquent, ce qui peut décourager les particuliers. De plus, le manque de connaissance et de compréhension de ces dispositifs, ainsi que la dépendance à des tiers, introduisent des incertitudes supplémentaires. Enfin, ces modèles sont souvent perçus comme plus risqués ou moins sécurisés que l'achat classique, notamment en termes de revente et de valorisation du bien.
En synthèse, nous cartographions ces modèles d'accession à la propriété selon deux dimensions clés pour les particuliers souhaitant acquérir un logement : d'une part, le degré de propriété du bien, qui se situe entre la location et la pleine propriété ; d'autre part, le niveau de régulation exercé par les pouvoirs publics sur ces dispositifs.
Cet article a été rédigé avec Sylvain Bogeat, président de Métropoles 50.
Cet article est issu du site The Conversation