Investissement immobilier : un footballeur professionnel se retourne contre ses conseillers information fournie par Mingzi 12/12/2024 à 08:37
Suivant les conseils d'une société en gestion de patrimoine, un jeune footballeur professionnel investit dans l'immobilier locatif pour réduire ses impôts et se constituer un patrimoine. Mais à la fin de sa carrière, il se retrouve piégé par un montage financier mal adapté.
Les faits
Monsieur C, âgé de 22 ans en 2006, était alors un jeune footballeur professionnel disposant de revenus élevés. Suivant les conseils d'une société en gestion de patrimoine, il investit dans cinq biens immobiliers locatifs entre 2006 et 2009. Ces opérations visent un double objectif : réduire sa charge fiscale et constituer un patrimoine. Les investissements sont financés par des prêts remboursables "in fine", adossés à des contrats d'assurance-vie.
Toutefois, après avoir mis un terme à sa carrière en 2017, Monsieur C se retrouve dans une situation financière délicate. Les biens immobiliers se sont révélés surévalués par rapport aux emprunts restants. Il constate en effet un décalage important entre la valeur des biens et le montant des emprunts restants :
- Passif total (prêts remboursés et restant dus) : 2.489.081 euros
- Valeur estimée des biens immobiliers : 669.060 euros
- Valeur de rachat des contrats d'assurance-vie : 1.025.310 euros
- Actif total : 1.694.370 euros
- Différence nette (passif - actif) : 794.710 euros
Estimant que la société en gestion de patrimoine et ses assureurs avaient manqué à leurs obligations d'information et de conseil, il intente une action en justice, demandant réparation pour le préjudice financier et la perte de chance de réaliser des investissements plus pertinents.
La décision de la Cour d'appel
En décembre 2022, la Cour d'appel donne raison à Monsieur C, condamnant solidairement la société en gestion de patrimoine et ses assureurs à lui verser 394.355 euros à titre de dommages et intérêts. Cette somme correspond à une perte de chance de réaliser des investissements mieux adaptés à sa situation personnelle. La cour aévalue cette perte à 50 % de la différence nette entre le passif et l'actif (794.710 euros × 50 %).
L'argumentation des assureurs
Les assureurs forment alors un pourvoi en cassation, avançant plusieurs arguments. Ils contestent notamment :
- Un préjudice hypothétique : selon eux, Monsieur C reste propriétaire des biens immobiliers, ce qui limite la réalité du préjudice.
- Une évaluation contestable : ils soulignent que le calcul du passif inclut des remboursements déjà effectués, ce qui, selon eux, ne devrait pas entrer dans l'assiette du préjudice.
- Des incohérences chiffrées : les assureurs affirment que les données retenues par la cour d'appel étaient supérieures à celles avancées par Monsieur C lui-même, qui avait estimé ses pertes à environ 1,9 million d'euros.
L'analyse de la Cour de cassation
La Cour de cassation rejette le pourvoi, confirmant ainsi la décision de la Cour d'appel. Elle retient que :
- La société en gestion de patrimoine a manqué à son devoir d'information et de conseil en orientant Monsieur C vers des investissements inadaptés à sa situation future prévisible, marquée par une baisse de revenus après la fin de sa carrière sportive.
- Le préjudice subi, bien que fondé sur une perte de chance, est réel et certain. Monsieur C a perdu l'opportunité de réaliser des placements plus adaptés, qui ne l'auraient pas contraint à conserver les biens pour préserver un avantage fiscal.
- En évaluant le préjudice, la cour d'appel a considéré avec justesse l'ensemble des données économiques pertinentes.
Source : 20 novembre 2024 - Cour de cassation - Pourvoi n° 23-11.740