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« Nous sommes en pleine schizophrénie administrative ! » : l’histoire aberrante d’un retraité de 95 ans obligé de payer la facture d’eau de squatteurs
information fournie par Le Figaro 26/04/2025 à 10:39

- Le propriétaire d’une petite maison, qui a été squattée plus d’un an, enchaîne les mésaventures hallucinantes entre un préfet qui contredit la maire et une maire incohérente.

Une histoire de squat à s’arracher les cheveux ! Au départ, pourtant, un fait rarissime : par une lettre du 10 octobre 2023 que Le Figaro s’est procurée, la maire a averti le propriétaire que sa maison d’environ 80 m² (voir la photo en illustration principale) , située près du centre-ville de Poitiers et que le propriétaire avait prévu de rénover pour la louer, était squattée, depuis septembre 2023, par un jeune couple de Roumains, dont l’un travaille dans l’hôtellerie. Fait rarissime car le maire estimant que l’occupation d’un bâtiment privé est un « litige d’ordre privé », préfère ne pas intervenir. Sur les conseils de la municipalité, les enfants de l’homme âgé de 95 ans ont saisi le préfet, comme le permet désormais la loi «anti-squats» . « Pendant plusieurs mois, aucune démarche n’a été engagée par le propriétaire », affirme au Figaro l’entourage de la mairie de Poitiers.

Le 10 septembre 2024, c’est la douche froide pour le propriétaire : le préfet rejette sa demande d’expulsion, formulée en avril 2024. « Il n’est pas établi que l’introduction et le maintien dans les lieux ont été effectués à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes », affirme, dans un courrier que Le Figaro s’est procuré, le préfet de la Vienne qui contredit donc la mairie. Une décision d’autant plus étonnante que l’un des deux squatteurs a déclaré à l’huissier avoir pris possession des lieux « en forçant la porte du garage ». « Le propriétaire et ses enfants n’ont pas fourni le constat d’occupation illicite par un officier de police judiciaire, pièce nécessaire à l’ouverture d’une procédure d’évacuation forcée », ajoute la mairie. « La situation est devenue insupportable quand la mairie a menacé mon client de rendre sa maison, qui se trouve en face d’une école, inhabitable par arrêté préfectoral, pour cause d’insalubrité », enrage Me Georges Hémery, avocat à la Cour qui défend le propriétaire.

Bras de fer judiciaire en vue avec la mairie

Heureusement, le 19 février 2025, l’huissier a constaté que les squatteurs ont quitté les lieux, sous la pression de l’avocat qui avait engagé une procédure d’expulsion. L’audience avait été fixée au 13 juin 2025. Mais les malheurs du propriétaire ne s’arrêtent pas là. Une fois sur place, il retrouve une maison dans un état lamentable. « Les éviers ont été arrachés, l’eau coulait à flots », déplore Me Hémery. Et la facture s’en fait ressentir : 17.364,16 euros. Soit près de 1100 euros par mois ! « En août 2024, la Direction Eau et assainissement de la collectivité a envoyé au propriétaire un signalement de surconsommation, resté sans suite », affirme la mairie. Le propriétaire réclame à Grand Poitiers (la communauté urbaine) qui gère l’acheminement de l’eau, le remboursement de cette somme vertigineuse. Fin de non-recevoir.

Contrairement au compteur d’électricité, le compteur d’eau reste généralement au nom du propriétaire et pas de l’occupant (légal ou pas). Dans ce cas, la loi prévoit que la facture soit à la charge du propriétaire. « La loi devrait prévoir une exception en cas de dégradations et ce n’est pas le cas », regrette Georges Hémery. Le refus de la mairie fait d’autant plus enrager le propriétaire qu’il va à l’encontre de sa politique. Au niveau national, la loi interdit au propriétaire la possibilité de couper l’eau (comme l’électricité) en cas d’impayés. Au risque d’être accusé par les squatteurs de s’être fait justice lui-même. Au nom du principe suivant : «pas de squat sans accès à l’eau». Pour assurer le minimum vital aux occupants même illégaux. « En cas de non-paiement des factures, la fourniture d’eau est maintenue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide. Les distributeurs d’eau ne peuvent procéder, dans une résidence principale (du squatteur) , à l’interruption, y compris par résiliation du contrat, pour non-paiement des factures, de la fourniture d’eau », selon l’ article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles .

Dans une fiche publiée sur le site du ministère de la Transition écologique (voir ci-dessous en page 2) , la communauté urbaine de Poitiers est allée encore plus loin. Si l’eau n’a pas été coupée (ce qui est le cas dans cette affaire), elle s’engage à « se substituer à lui (le propriétaire) pour le paiement des factures .» D’un côté, Grand Poitiers s’engage à payer les factures d’eau des squatteurs et de l’autre, cette même communauté urbaine refuse pourtant au propriétaire le remboursement de ce dû. « Nous sommes en pleine schizophrénie administrative ! La mairie de Poitiers refuse d’assumer les conséquences de sa propre politique », lâche l’avocat. « Le maintien d’un accès à l’eau potable reste une priorité », rétorque la mairie.

L’avocat du propriétaire affirme avoir tenté de trouver un accord à l’amiable avec la mairie. En vain. La municipalité dément. « Le propriétaire n’ayant aucunement prouvé l’engagement d’une démarche judiciaire, aucune prise en charge financière par la ville ne sera accordée. La totalité de la facture sera à la charge dudit propriétaire », martèle la mairie de Poitiers. « Nous irons, si besoin, au contentieux et saisirons le juge administratif », rétorque Me Hémery qui va également attaquer au civil les squatteurs pour leur faire payer le coût des travaux.

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