La directive européenne MiFID 2 contraint les intermédiaires financiers à davantage se former aux sujets liés à l’investissement responsable. ( crédit photo : GettyImages )
Depuis le 1er janvier 2023, tous les intermédiaires financiers doivent soumettre un nouveau questionnaire aux investisseurs. Ce questionnaire permet de déterminer leurs préférences en matière d’investissement responsable. Il a vocation à sensibiliser les investisseurs aux problématiques Environnementales, Sociales et de Gouvernance (ESG). Ce procédé intervient dans le cadre de la directive européenne MiFID 2. L’objectif européen est d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Sommaire:
- L’Europe s’engage pour l’environnement et renforce l’accompagnement des investisseurs
- Le questionnaire des investisseurs sert à proposer des placements adaptés
- Quelles sont les questions posées dans le questionnaire investisseur?
- Les critères ESG sont des outils plébiscités pour juger d’une entreprise
- Qu’est-ce que la «taxonomie» européenne?
- Le règlement SFDR implique la transparence des fonds de gestion
- Vous pouvez choisir d’écarter des produits non conformes à votre vision d’investisseur
- Les Français veulent participer à l’effort de durabilité
L’Europe s’engage pour l’environnement et renforce l’accompagnement des investisseurs
L’obligation pour les conseillers en investissements financiers (CIF) de collecter les préférences ESG des clients est entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Elle est introduite par la révision du règlement européen appelé “ MiFID 2 ” ( Markets in Financial Instruments Directive ). Ce dernier est élaboré par la Commission européenne et approuvé par les États membres. Il est applicable dans toute l’Union européenne. Ces nouvelles exigences sont entrées en application en août 2022 pour les prestataires de services d’investissement.
L’Union européenne s’est engagée en faveur d’une finance durable, dans le cadre d’un pacte vert pour l’Europe ( Green Deal ). Ce dernier vise la neutralité climatique du Vieux Continent d’ici 2050. L’objectif est désormais de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre de 55% en 2030 par rapport à leur niveau de 1990.
Le questionnaire des investisseurs sert à proposer des placements adaptés
Tout intermédiaire financier a l’obligation de soumettre un questionnaire à ses clients souhaitant obtenir des conseils financiers ou investir dans un produit financier.
Jusqu’alors, les établissements financiers devaient s’assurer du niveau d’expérience et de connaissances de leurs clients. En effet, l’investissement sur les marchés financiers comporte des risques. Les investisseurs doivent en être conscients. Pour cela, les gestionnaires délivraient un questionnaire servant à déterminer le « profil d’investisseur » des clients. L’objectif de ce questionnaire est de déterminer si:
- le client répond à un profil «prudent»: dans ce cas, il est peu porté sur la prise de risque ;
- le client répond à un profil «équilibré»: sa prise de risque est alors dite modérée ;
- le client répond à un profil «dynamique»: cet investisseur tolère une grande prise de risque. Il en attend des rendements élevés.
En fonction des résultats du questionnaire, le professionnel propose des conseils et/ou produits financiers adéquats. Les objectifs patrimoniaux du client sont également pris en compte.
Désormais, le nouveau questionnaire d’adéquation en place est doté d’un second volet. Il reprend le premier questionnaire, mais dispose également d’une dimension durable . Le client doit apporter des réponses sur les sujets suivants:
- son appétence au risque,
- ses objectifs et ses horizons d’investissement,
- sa situation financière,
- ses préférences en matière Environnementale, Sociale et de Gouvernance (ESG).
Les critères ESG sont liés à la vie d’une entreprise
- respect des droits des actionnaires…
- lutte contre la corruption,
- transparence financière,
Enfin, l’exemplarité de l’entreprise en matière de gouvernance est évaluée:
- respect du droit du travail…
- climat social,
- gestion des ressources humaines,
Il est également question d’évaluer les responsabilités sociales de l’entreprise:
- la réduction de la consommation des ressources naturelles,
- la gestion des déchets,
- la gestion des émissions de CO2,
Les critères ESG sont des éléments extra-financiers. Ils permettent d’évaluer la contribution d’une entreprise aux critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance. En matière d’environnement, sont examinés:
Quelles sont les questions posées dans le questionnaire investisseur?
Pour bien cerner la stratégie de son client en matière de responsabilité environnementale, sociale et de gouvernance, un conseiller financier doit désormais poser des questions très précises. Par exemple:
- Êtes-vous sensible à la bonne gouvernance d’une entreprise?
- Êtes-vous sensible à l’impact social de vos investissements?
- Êtes-vous sensible à l’impact environnemental de vos investissements?
- Souhaitez-vous investir dans des sociétés conformes aux enjeux ESG ?
- Avez-vous une préférence entre les critères E, S et G?
- Quelle part de votre patrimoine souhaitez-vous consacrer aux investissements responsables?
- Souhaitez-vous exclure de votre portefeuille les produits financiers non conformes aux critères ESG?
- Quels sont vos objectifs en matière d’investissement durable?
- Souhaitez-vous augmenter votre part d’investissement durable?
- Souhaitez-vous exclure de vos produits les entreprises ayant des incidences négatives sur l’environnement?
À noter
D‘un intermédiaire financier à l’autre, les questions peuvent varier.
Les critères ESG sont des outils plébiscités pour juger d’une entreprise
Amener les investisseurs à réfléchir aux problématiques ESG en amont de leur prise de décision contribue à les sensibiliser. Une telle démarche permet également d’approfondir l’esprit critique des investisseurs quant à la responsabilité des dirigeants d’entreprise. Les critères ESG sont de plus en plus pris en compte par les entreprises, soucieuses de préserver leur image de marque et leur réputation. À long terme, ils permettent d’instaurer un climat de confiance auprès des investisseurs, de plus en plus sensibles à ces questions de durabilité et d’amélioration des pratiques environnementales, sociales et de gouvernance.
Plusieurs scandales ont éclaté ces dernières années, comme celui du Dieselgate de Volkswagen, de la maltraitance de personnes âgées chez Orpea ou de conditions de travail traumatisantes chez Teleperformance. Ils ont fortement secoué ces géants sur les marchés financiers. L’ampleur prise par ces affaires montre à quel point les critères ESG sont devenus très importants pour le grand public. Ils engagent la réputation des entreprises.
À noter
Avec ce nouveau questionnaire, la directive MiFID 2 contraint les intermédiaires financiers à davantage se former aux sujets liés à l’investissement responsable.
Qu’est-ce que la «taxonomie» européenne?
Pour limiter le greenwashing (aussi appelé le «verdissement de façade», en français) des produits financiers, l’Union européenne a dressé une «taxonomie» basée sur 6 objectifs environnementaux:
- l’atténuation du changement climatique,
- l’adaptation au changement climatique,
- la protection des ressources aquatiques et marines,
- la prévention et la réduction de la pollution,
- la transition vers une économie circulaire,
- la protection et la restauration de la biodiversité des écosystèmes.
Une activité économique est considérée comme alignée avec la taxonomie si elle contribue de manière significative à l’un des objectifs. Elle doit veiller également à ne pas porter préjudice aux 5 autres objectifs.
À retenir
Dans le cadre du nouveau questionnaire d’adéquation, vous devez définir la proportion de vos investissements à aligner avec cette taxonomie européenne.
Le règlement SFDR implique la transparence des fonds de gestion
L’Union européenne a créé des règles liées à la publication d’informations en matière de durabilité . Il s’agit de la réglementation SFDR ( Sustainable Finance Disclosure Regulation ), entrée en vigueur en mars 2021. Elle impose un cadre aux gérants d’actifs: en fonction du type de produits vendus, ils doivent communiquer certaines informations précises en toute transparence.
À retenir
Dans le cadre du nouveau questionnaire d’adéquation, vous devez définir la proportion de vos investissements à aligner avec des investissements durables au sens du règlement SFDR.
Vous pouvez choisir d’écarter des produits non conformes à votre vision d’investisseur
Les principales incidences négatives ( principal adverse impacts , en anglais) sont les impacts négatifs les plus significatifs en termes de critères ESG. Il peut s’agir, par exemple:
- d’émission de gaz à effet de serre,
- de pollution de l’eau,
- de travail illicite,
- de violation du droit du travail…
Ces impacts doivent être pris en compte par les gestionnaires de portefeuilles. Ils doivent être conscients des impacts négatifs des produits proposés. Dans le cadre du questionnaire d’adéquation, vous indiquez la proportion de vos investissements pouvant être fléchée vers des produits à l’incidence négative. Un investisseur attaché au respect des critères ESG peut indiquer le chiffre zéro. Dans ce cas, il indique vouloir éviter ces placements.
Les Français veulent participer à l’effort de durabilité
En 2021, l’Autorité des marchés financiers (AMF) rapportait que plus des trois quarts (76%) des Français estimaient que l’impact des placements sur la qualité de l’environnement était un «sujet important». En septembre 2022, le FIR (Forum pour l’Investissement Responsable) publiait sa 13e enquête réalisée par l’Ifop et confirmait «l’intérêt des Français en matière d’investissement responsable dans leurs décisions de placement auprès des établissements financiers ou d’assurance». L’enquête montre notamment que 60% des Français déclarent accorder une place importante aux impacts environnementaux et sociaux dans leurs décisions de placements.
Les sujets jugés prioritaires par les sondés sont:
- les pollutions (76%),
- les droits humains (76%),
- le changement climatique et le bien-être au travail (74%),
- la question de l’emploi (73%),
- la biodiversité (67%).
Par ailleurs, 46% des épargnants pensent pouvoir avoir un impact positif sur l’environnement et la société au travers de leur épargne. Toutefois, 61% pensent que l’impact des produits responsables est neutre. Ils disent attendre des preuves tangibles de cet impact.
Zoom sur les rendements des fonds Investissement Socialement Responsable
Épargner responsable peut être compatible avec le fait d’obtenir des rendements intéressants. D’une manière générale, on considère que les performances des placements ISR sont équivalentes, voire supérieures, à celles des produits financiers classiques. Il existe peu d’études fournies sur le sujet. Toutefois, celle du FIR et de l’École polytechnique publiée en 2020 fait référence en la matière. Elle met en avant que 62% des fonds ISR surperforment les fonds «classiques». Ces bons résultats se retrouvent dans de nombreuses classes d’actifs, comme les actions (surperformance dans 59% des cas), les obligations (52%), les produits diversifiés (82%) et les fonds monétaires (85%).