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Akka Technologies injustement maltraité par le marché ?
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 16/10/2020 à 07:50

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

"Akka est avec Alten et Altran (racheté récemment par Capgemini) une des grandes sociétés françaises d'ingénierie externalisée, métier qui consiste à accompagner les autres sociétés dans leurs efforts de R&D en leur fournissant les ingénieurs ad hoc pour des projets précis." (Crédit photo : Adobe Stock)

"Akka est avec Alten et Altran (racheté récemment par Capgemini) une des grandes sociétés françaises d'ingénierie externalisée, métier qui consiste à accompagner les autres sociétés dans leurs efforts de R&D en leur fournissant les ingénieurs ad hoc pour des projets précis." (Crédit photo : Adobe Stock)

La Bourse peut être parfois brutale…

Même si le marché a toujours raison (c'est bien connu), il arrive que les sociétés cotées s'estiment mal traitées par les investisseurs. C'est un fait. Et il arrive même qu'à force d'être maltraitées, des sociétés sortent du marché et retournent dans le monde des sociétés privées, voire dans le monde merveilleux du Private Equity, où l'on peut maximiser le rendement de ses fonds propres en toute quiétude, c'est-à-dire en étant bien débarrassé du souci quotidien des variations parfois brutales de son cours de Bourse.

Ceci étant, si la Bourse est parfois brutale, c'est le plus souvent parce qu'elle réagit à une nouvelle négative sur une société dont la situation est déjà un peu, voire beaucoup, fragilisée. C'est très notamment le cas quand la société en question traîne un bilan un peu lourd, avec par exemple un ratio dette financière nette/fonds propres qui frise les 100%, avec souvent pas mal de dette financière à court-terme et peu de cash en caisse et donc une situation de trésorerie nette négative pour couronner le tout. Des métriques qu'il convient de bien inspecter quand on envisage de devenir actionnaire (ou de ne plus l'être), plutôt que le sempiternel ratio dette nette/Ebitda, qui est utile avant tout aux prêteurs d'argent, banquiers ou créanciers obligataires, et non pas aux investisseurs.

…surtout avec les sociétés qui s'endettent trop pour des acquisitions qui s'avèrent à contretemps, finalement

Un grand classique du genre étant la société qui s'endette pour faire une grosse acquisition payée un bon prix juste avant un retournement conjoncturel, et qui se retrouve donc les années d'après dans une situation inconfortable avec moins de résultat opérationnel courant et plus d'intérêts à payer, et peu de capacité d'autofinancement excédentaire pour se désendetter, ce qui n'est évidemment pas bon pour le cours de Bourse. Mais il est tentant de vouloir doubler ses concurrents en rachetant des sociétés dans les périodes où tout va bien, des sociétés que l'on est prêt à payer cher, puisqu'elles sont tout à fait profitables dans une conjoncture favorable. Ceci alors que, bien entendu, ces acquisitions entrent parfaitement dans la stratégie de croissance du groupe, seront vite intégrées, et avec plein de synergies à la clé : l'enfer est pavé de bonnes intentions, c'est bien connu aussi.

Il est toutefois des métiers dans lesquels les acquisitions font partie du modèle de croissance, parce que le marché est atomisé, avec des petits intervenants qui se créent en permanence puisque les barrières à l'entrée sont peu élevées, et que les plus gros acteurs génèrent suffisamment de trésorerie libre ("free cash-flow" en bon français financier) pour acquérir ces petits de façon habituelle, voire régulière. C'est notamment le cas dans les services aux entreprises, que ce soit l'installation ou la maintenance industrielle (cf Spie), la blanchisserie (cf Elis), les services informatiques et numériques (Atos, Sopra Steria), où les grands acteurs sont naturellement des consolidateurs de leur secteur. C'est aussi tout particulièrement le cas dans l'ingénierie externalisée, secteur où, en ce qui concerne la bonne acquisition au mauvais moment, Akka Technologies constitue un cas intéressant.

Un bon exemple avec Akka Technologies

Rappelons qu'Akka est avec Alten et Altran (racheté récemment par Capgemini) une des grandes sociétés françaises d'ingénierie externalisée, métier qui consiste à accompagner les autres sociétés dans leurs efforts de R&D en leur fournissant les ingénieurs ad hoc pour des projets précis, voire en faisant entièrement les développements de nouveaux produits pour elles, puis en faisant aussi éventuellement l'ingénierie de production.

Avec un chiffre d'affaires de 1,6 milliards d'euros attendu en 2020 pour près de 20.000 salariés, Akka se présente de fait comme un grand partenaire en innovation de ses clients, capable de travailler sur des projets très en pointe de la technique (robotique, logiciels embarqués en tous genres, et aussi IA, ADAS, IoT, etc…) grâce à une offre très large et complète de compétences techniques : ingénierie systèmes, consulting, systèmes d'information, digitalisation, ingénierie mécanique, ingénierie process, électronique/logiciels embarqués, et ingénierie support, c'est-à-dire création et gestion de documentation technique, le tout dans 21 centres de compétences et en s'appuyant sur la R&D interne de la division Akka Research.

On notera qu'Akka a) a fait une belle croissance ces dernières années, soit +17% par an en moyenne, avec b) une marge opérationnelle correcte sans plus pour son secteur, soit 6 à 7%, et présentait c) un bilan plutôt lourd fin 2018 avec un ratio Dette Financière Nette/Fonds Propres de 108%, bilan qui s'était d) toutefois fortement amélioré fin 2019, le levier d'endettement revenant à 15% seulement (hors dette financière fictive créée par la norme IFRS16) grâce au retour à un free cash-flow positif, la société ayant levé le pied sur les acquisitions, et, surtout grâce à une émission en fin d'année d'une ligne de 175 millions d'euros d'obligations perpétuelles. Des titres autrement dénommés Odirnane, lesquels sont comptabilisés non pas en dette financière mais en Fonds Propres, puisqu'ils ne seront jamais remboursés a priori : c'est aussi simple que cela.

Une belle acquisition, et la crise sanitaire juste après

Fort de ce bilan régénéré, et d'une ligne de crédit de 370 millions d'euros signée à l'automne, Akka a lancé en fin d'année aussi une OPA (amicale) sur Data Respons, société cotée à la Bourse d'Oslo, acteur nordique reconnu de la R&D externalisée, employant 1 400 ingénieurs dotés de savoir-faire intéressants en logiciels embarqués, Internet des Objets et toute cette sorte de chose. Une OPA qui s'est terminée par le rachat de 100% des titres, pour 366 millions d'euros en février 2020, c'est-à-dire juste avant le choc de la crise sanitaire.

De fait, le premier semestre 2020 a été plutôt difficile pour Akka, avec un chiffre d'affaires en baisse de -20% à périmètre constant et de -12,7% en publié, dont -26% pour l'automobile et -13% pour l'aéronautique, qui sont les deux premiers secteurs clients du groupe en France (-20%) et en Allemagne (-28%). Pour ne rien arranger, le résultat opérationnel consolidé est en perte, Akka ayant engagé pas mal de frais, 46 millions d'euros selon la direction, entre le déploiement du télétravail, le chômage partiel, les mesures sanitaires en tous genres, auxquels s'ajoutent quelques provisions pour factures impayées, l'époque étant ce qu'elle est. Des pertes qui sont concentrées sur la France et l'Allemagne, les autres branches d'activité étant restées profitables, voire très profitables comme Data Respons.

Quant au bilan, qui doit faire l'objet de toutes les attentions quand la conjoncture se gâte, il est redevenu plutôt lourd à nouveau avec un levier d'endettement revenu à 105% au 30 juin hors IFRS16. Mais aussi, ce qui est important à noter, une situation trésorerie nette encore très largement positive après paiement de Data Respons, grâce au tirage de la ligne de crédit, et à une forte augmentation des décalages de règlements liée à des reports de charges.

Ces résultats se comparent cependant assez défavorablement à ceux de son grand concurrent Alten, lequel a mieux limité la casse apparemment malgré une exposition au moins aussi forte à l'aéronautique et l'automobile, avec un chiffre d'affaires en baisse de seulement -8% environ à données constantes, un résultat opérationnel encore bien positif, bien qu'en net recul aussi, et un bilan plus rassurant, avec peu de dettes financières et, bien évidemment, le gros matelas de cash qui s'impose par les temps qui courent.

Akka très maltraité par la Bourse, c'est le moins que l'on puisse dire…

Tout ce qui précède explique vraisemblablement pourquoi le titre Akka a réalisé en 2020 un des pires parcours de la cote parisienne, soit -69% depuis le début de l'année, ce qui est beaucoup, entre une chute du cours de -18% le 12 février, concomitante à la nouvelle de l'acquisition de Data Respons et d'un chiffre d'affaires du dernier trimestre 2019 en fort ralentissement, suivi de -55% environ dans le krach boursier général du mois de mars, et encore de -19% environ le 28 juillet, sur l'annonce d'un chiffre d'affaires du 1er semestre 2020 encore plus faible qu'attendu, ce qui n'a pas plu aux analystes. Le tout avec en corollaire la sortie du titre de l'indice SBF 120 en septembre pour cause de poids devenu insuffisant, avec une capitalisation boursière ramenée de 1,5 milliard à 350 millions d'euros en huit mois

…mais tout finit par s'arranger

Le titre a rebondi de plus de 20% depuis un mois, et ce pour une excellente raison, à savoir l'arrivée prochaine de 200 millions d'argent frais dans la société à la faveur d'une augmentation de capital. Opération qui a bien surpris le marché (qui peut-être n'a pas toujours raison) puisqu'elle se fait à un prix supérieur au cours de Bourse, soit 22,50 € par action, ce qui est rarement le cas quand tout est censé aller mal. Et est réservée à deux investisseurs seulement : le groupe familial du président fondateur pour 1/4, et surtout un nouvel actionnaire, et non des moindres, puisqu'il s'agit de la Compagnie Nationale à Portefeuille, autrement dit la holding patrimoniale des héritiers d'Albert Frère, grand financier belge s'il en fut, pour le reste. Ce qui laissera in fine en principe le contrôle d'Akka à hauteur de 52% au groupe familial du président-fondateur.

Lequel espère effacer vite ce semestre atypique, avec en principe un résultat opérationnel positif sur le deuxième semestre et sur l'année, entre une remontée trimestre après trimestre de l'activité, les reports de charges, les plans d'économies, et les premiers effets d'un plan de transformation/simplification de l'organisation lancé avant la crise : Fit-2 Clear Now. Tout ceci, plus une restructuration en Allemagne, devant abaisser sérieusement le point mort du groupe avec 45 millions d'euros de coûts fixes en moins par an.

Bref : de là à dire que la Bourse a été trop brutale avec Akka, il n'y a pas loin…

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1 commentaire

  • 15 octobre 11:16

    Vous l'avez dit le marché parle. 'POINT'


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