Face à l'arrivée de nouvelles technologies "disruptives", les constructeurs automobiles se sont mis au travail pour proposer des solutions, telles que la voiture "zéro émission" (Crédit Pixabay)
On ne sait pas de quoi l'avenir est fait, c'est bien connu : qui aurait prévu il y a cinq ans que la motorisation diésel de nos voitures allait perdre une bonne partie de sa grande popularité, tout ça parce qu'un certain constructeur automobile européen, que nous ne nommerons pas par charité, avait un peu triché a priori sur les tests de pollution de ses véhicules ? Personne, en fait, et surtout pas ce constructeur ni les autres, qui ont tous, depuis cet évènement regrettable, largement revu leurs offres avec plus de motorisation essence, et leurs plans de production en conséquence.
Mais le Dieselgate, pour l'appeler par son nom, s'il a fait beaucoup de bruits et causé pas mal de remous, sans parler d'une colossale amende américaine pour le constructeur européen incriminé, aura eu au moins un grand mérite : remettre sur la table la question de la circulation en centre-ville, et surtout de ses embouteillages qui se traduisent par beaucoup trop d'émissions de gaz, de vapeurs, et de poussières de toutes sortes qui sortent des moteurs dits "thermiques", qui finissent par faire oublier que la voiture est, avec le cheval et l'avion, une des plus belles conquêtes de l'homme. Et énervent passablement à présent les Pouvoirs Publics dans la plupart des pays, ce qui n'arrange rien.
Les premiers intéressés par cette remise en question : les constructeurs automobiles, se sont donc sérieusement mis au travail pour proposer des solutions, la plus évidente étant la voiture "zéro émission", autrement dit la voiture à propulsion (ou à traction) électrique. Alors que, de plus, adresser le problème plus général de la mauvaise circulation, ou plutôt de la congestion des villes, ouvre de nouveaux horizons, avec la conduite autonome, et le véhicule connecté avec des technologies "V2X" à la voierie "intelligente" qui mesure les trafics, et informe les conducteurs en temps réel, etc… etc… Des éventualités rendues possibles par les progrès de l'informatique (devenue "intelligence artificielle", ce qui est peut-être aller un peu vite en besogne), et, aussi et surtout, par la baisse des prix des composants micro-électroniques (capteurs en tous genres, contrôleurs, etc…) qui truffent de plus en plus nos chères voitures. Lesquelles intègrent de fait toutes à présent plus d'une centaine de puces assurant une fonction donnée, autrement dénommées ECU (pour Electronic Control Unit), il faut le savoir.
Ceci, plus l'arrivée de nouveaux concurrents dans le métier, ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps : le fameux Tesla et toute une rafale de nouveaux acteurs chinois, qui ne connaissent que la voiture électrique ou presque, a semble-t-il déclenché une véritable course à l'innovation dans l'automobile mondiale. Non seulement la plupart des "vieux" constructeurs, de Volkswagen à Nissan en passant par Ford, ont annoncé des larges gammes de véhicules zéro-émission pour très bientôt, et aussi de larges gammes de motorisations hybrides pour le reste de leurs offres, mais ils ont aussi tous lancés des programmes de développement ambitieux pour tout ce qui n'est pas propulsion : conduite assistée, systèmes d'infotainment, etc… Lesquels programmes mobilisent toute la profession, comme on peut le constater dans la communication des grands équipementiers, notamment les français : Valeo, Faurecia, Plastic Omnium, et aussi dans celle des sociétés d'ingénierie externalisée : Altran, Alten, Akka Technologies, qui ont toutes beaucoup de travail en ce moment avec l'automobile, notamment pour les constructeurs allemands "premium".
Lesquels programmes suscitent aussi beaucoup de vocations chez les "start-ups" de la High-Tech, qui semblent trouver plutôt facilement en ce moment les fonds pour se développer qui plus est, si l'on en croit les annonces quasi journalières ces derniers temps dans la presse économique, de nouveaux tours de tables pour de nouveaux projets dans l'automobile moderne du 21ième siècle.
Bref, le monde change, une fois de plus, mais l'arrivée de nouvelles technologies "disruptives" n'est pas tout : le marché automobile mondial est en croissance régulière, soit au moins +2% par an en moyenne selon un large consensus de prévisionnistes et de consultants. De fait, le plus grand marché est à présent la Chine devant l'Union Européenne et les USA, avec de plus une forte inclination pour la voiture électrique, les problèmes graves de pollution (et de smog) aidant, mais d'autres marchés, tels l'Inde, le Mexique, la Turquie, le Brésil, la Russie devraient aussi rester très dynamiques ces prochaines années. Et, fait important à noter, le marché mondial s'est mondialisé : les grands constructeurs, l'Alliance Renault-Nissan en tête, font beaucoup d'économies sous la carrosserie en développant des bases mécaniques communes pour de nombreux modèles, des plates-formes déclinables à l'infini ou presque sur tous les marchés. Ce qui peut éventuellement donner des ailes à leurs fournisseurs, pour peu que ceux-ci soient capables de servir leurs clients dans le monde entier.
Pas besoin d'être très grand pour cela : une PME française, et même jurassienne, Delfingen, fait cela très bien. Avec de bons produits apparemment, puisqu'il s'agit avant tout des gaines de protection pour réseaux embarqués : câbles électriques et télématiques, auxquels s'ajoutent des tubes flexibles pour la gestion des fluides dans le véhicule, et des tissus ultra résistants à base de plastique ou de métal, Delfingen étant à la fois plasturgiste et fabricant de textiles techniques.
La société a pour la première fois dépassé les 200M€ de chiffre d'affaires en 2017, réalisé à 78% dans l'automobile, et emploie 2 200 personnes environ dans 39 usines implantées dans 21 pays, dont les USA, son premier marché, la Chine, l'Inde, le Mexique, et le Brésil : elle a commencé à l'internationaliser dés les années 1990, et a su se projeter au loin, en dépit de sa petite taille, pour se développer. Un résultat qui doit éventuellement beaucoup à une forte capacité d'innovation en plus de l'expertise technique, et à une organisation sans faille : outil industriel très standardisé, système d'information global sophistiqué, et culture d'entreprise forte.
La croissance organique a été de +5% en 2017, et Delfingen dégage une bonne rentabilité pour la profession, soit une marge opérationnelle de 7%, un peu en baisse sur l'année avec plus de coûts de démarrages d'usines, plus de coûts de R&D, et des hausses de salaires partout, logiques avec le bon niveau d'activité général. La direction reste confiante pour le moyen terme, avec un objectif de marge de 9% pour un chiffre d'affaires de 260M€, et l'avenir plus lointain se présente bien aussi a priori : outre un marché mondial porteur, l'automobile se complexifie, et il y aura vraisemblablement de plus en plus de câbles en tous genres dans les voitures, pour la puissance, la télématique des commandes, pour l'aide à la conduite, et pour la redondance des systèmes aussi, gage de sécurité.
Que ces véhicules soient purs électriques (à batteries ou à piles à combustible) : on anticipe qu'ils représenteront 30% des ventes mondiales en 2025, les plus ou moins hybrides pour le reste.
Et même si on ne sait pas de quoi l'avenir est fait, c'est bien connu, cet avenir-là semble des plus possibles.
Ce qui n'est déjà pas mal, tout compte fait.
J. Lieury - Analyste Senior - Olier Etudes & Recherche - Membre du Cercle des Analystes Indépendants - www.olier-etudes-recherche.fr
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