par John O'Donnell et Victoria Waldersee
Les autorités et les constructeurs automobiles chinois s'intéressent aux usines allemandes vouées à la fermeture et particulièrement aux sites de Volkswagen VOWG_p.DE , a déclaré à Reuters une source au fait des réflexions du gouvernement chinois.
L'achat d'usines permettrait à la Chine d'accroître son influence dans l'industrie automobile allemande, qui compte parmi les marques les plus anciennes et les plus prestigieuses, a ajouté la source.
Les entreprises chinoises, qui ont investi dans la première économie européenne, des télécommunications à la robotique, n'ont pas encore mis en place de construction automobile traditionnelle en Allemagne, bien que deux grands actionnaires de Mercedes-Benz soient chinois.
Une telle démarche pourrait constituer l'investissement le plus sensible de la Chine à ce jour sur le plan politique.
Construire en Allemagne des voitures destinées à être vendues en Europe permettrait aux constructeurs chinois d'éviter de payer les droits de douane européens sur les voitures électriques importées de Chine, et pourrait constituer une menace supplémentaire pour la compétitivité des constructeurs européens.
Alors que les offres pourraient émaner de sociétés privées, d'entreprises publiques ou de coentreprises avec des acteurs étrangers, les autorités chinoises se réservent le droit d'approuver certains investissements à l'étranger et sont susceptibles d'être impliquées dans toute offre dès le début du processus.
Ces investissements dépendront également de la position du nouveau gouvernement allemand à l'égard de la Chine après les élections de février.
Les deux économies se sont notamment approfondi leurs liens pendant les 16 années de mandat d'Angela Merkel, précédente chancelière d'Allemagne, alimentées entre autres par les investissements et les exportations des constructeurs automobiles allemands vers la Chine.
Les relations se sont cependant refroidies, la coalition allemande actuelle s'efforçant de réduire la dépendance à l'égard de la Chine.
La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a par ailleurs qualifié le président chinois Xi Jinping de "dictateur" et la Chine de rivale.
Une source du ministère allemand des Affaires étrangères a également déclaré que la Chine avait évolué pour devenir un rival systémique.
Volkswagen serait de son côté ouverte à la vente de l'usine d'Osnabrueck à un acheteur chinois, a déclaré à Reuters une personne au fait des réflexions de l'entreprise.
"Nous sommes déterminés à trouver une utilisation continue pour le site. L'objectif doit être une solution viable qui prenne en compte les intérêts de l'entreprise et des employés", a déclaré un porte-parole, refusant de commenter spécifiquement les spéculations sur une offre.
Longtemps symbole des prouesses industrielles de l'Allemagne, Volkswagen est aujourd'hui menacé par un ralentissement économique mondial affectant la demande et par une transition difficile vers les technologies vertes.
Le constructeur automobile allemand cherche depuis plusieurs mois des usages alternatifs pour ses usines de Dresde et d'Osnabrueck, dans le cadre d'une campagne de baisse des coûts visant à réduire ses activités en Allemagne.
Face à la résistance des syndicats, les représentants de Volkswagen et les délégués syndicaux se sont accordés en décembre pour mettre fin à la production à Dresde, qui emploie 340 salariés, à partir de 2025 et à Osnabrueck, où 2.300 personnes sont employées, à partir de 2027.
Le plus grand constructeur automobile européen, qui possède des marques telles que Porsche, Audi et Skoda, a vu ses ventes chuter face à la concurrence croissante des entreprises chinoises.
Les entreprises chinoises s'inquiètent de l'accueil que leur réserveraient les syndicats allemands, qui détiennent la moitié des sièges au sein des conseils consultatifs des entreprises allemandes, et qui cherchent à obtenir des garanties étendues en matière de sites et d'emplois, à déclaré la source.
Stephan Soldanski, représentant syndical du site d'Osnabrueck, a déclaré que les salariés de l'usine n'auraient rien contre le fait de produire pour l'un des partenaires chinois de Volkswagen.
"Je pourrais imaginer que nous produisions quelque chose pour une coentreprise chinoise (...) mais sous le logo VW et selon les normes VW. C'est la condition essentielle", a-t-il dit.
OPPORTUNITÉS ET STRATÉGIES
À Pékin, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré que les entreprises qui souhaitaient investir en Allemagne devraient être autorisées à le faire.
"La Chine a introduit une série de mesures d'ouverture afin de créer de nouvelles opportunités commerciales pour les entreprises étrangères (...). Nous espérons que la partie allemande fera également preuve d'ouverture d'esprit (et) offrira un environnement commercial équitable, juste et non discriminatoire aux entreprises chinoises qui souhaitent investir", a-t-il déclaré dans un communiqué transmis à Reuters.
La source au fait des réflexions du gouvernement chinois, qui a parlé à Reuters sous couvert d'anonymat en raison du caractère sensible de l'affaire, a refusé de nommer des investisseurs potentiels.
Interrogée sur les commentaires de cette personne, la chambre du Commerce chinoise à Berlin a confirmé que les investisseurs chinois s'intéressaient fortement au secteur automobile allemand, qu'ils considéraient comme une perspective d'investissement à long terme stratégiquement importante.
De nombreux constructeurs automobiles chinois estiment que la conquête des consommateurs allemands est également un facteur clé de succès, ont-ils ajouté.
La vente d'usines pourrait être moins coûteuse pour Volkswagen qu'une fermeture, selon un banquier proche du constructeur automobile, ajoutant que les sites pourraient rapporter entre 100 et 300 millions d'euros chacun.
Volkswagen n'a pas commenté la valeur de ses actifs.
Stephan Weil, ministre-président de Basse-Saxe et membre du conseil de surveillance de Volkswagen, s'est refusé à tout commentaire.
À LA RECHERCHE D'USINES
De nombreux constructeurs automobiles chinois recherchent des sites d'implantation en Europe, deuxième marché mondial des véhicules électriques, afin de contourner les droits de douane imposés par la Commission européenne l'année dernière.
La plupart ont jusqu'à présent opté pour la construction de nouvelles usines dans des pays où les coûts sont moindres et les syndicats plus faibles, comme BYD 002594.SZ en Hongrie et en Turquie.
Leapmotor 9863.HK prévoit de produire avec Stellantis
STLAM.MI en Pologne et Chery Auto commencera à fabriquer des véhicules électriques cette année dans une ancienne usine appartenant à Nissan en Espagne.
Des investisseurs chinois ont également évalué des usines en Europe occidentale, selon une autre source au fait de ces discussions, notamment l'usine de Ford F.N à Sarrelouis en Allemagne et l'usine Audi de Volkswagen à Bruxelles.
Des sources ont déclaré à Reuters en novembre que Leapmotor envisageait d'utiliser une usine en Allemagne pour la production de véhicules électriques.
Chery Auto a déclaré à Reuters étudier différentes options pour la production en Europe et devrait prendre une décision cette année.
Son principal dirigeant européen a déclaré à Reuters en octobre dernier qu'il serait certes plus rapide d'acheter une usine déjà existante mais qu'un nouveau lieu permettrait de construire selon les normes les plus récentes.
BYD a déclaré à Reuters que ses objectifs européens à long terme étaient largement indépendants des politiques nationales à court terme.
(Reportage Victoria Waldersee, John O'Donnell, avec la contribution de la Rédaction de Pékin, de Christoph Steitz, Emma-Victoria Farr à Francfort, d'Andreas Rinke à Berlin et de Nick Carey à Londres ; version française Etienne Breban, édité par Kate Entringer)
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