Didier Laurens, directeur général d'Advicenne. (crédit : DR)
A l'occasion du démarrage commercial de son traitement Sibnayal au Royaume-Uni, Boursoarma a voulu faire le point sur l'actualité et les perspectives d'Advicenne avec le directeur général de la société Didier Laurens.
Boursorama : La semaine dernière, vous avez annoncé le démarrage commercial de Sibnayal, au Royaume-Uni. Pourquoi choisir d'y aller seule contrairement à ce que vous avez annoncé précédemment pour d'autres pays ?
Didier Laurens :
Nous choisissons de porter seul la commercialisation sur certains territoires pour récolter les fruits des négociations en cours sur le prix et les remboursements, ce qui est le cas en France et en Grande-Bretagne. Dans les maladies rares, les efforts commerciaux à consentir sont limités et très ciblés, en tous les cas à la hauteur de nos moyens. En parallèle, nous maintenons notre modèle de commercialisation à travers des partenaires distributeurs comme nous l'avons déjà annoncé pour plusieurs pays européens. C'est un modèle de partenariat qui nous permet de conserver la maîtrise de la production de Sibnayal et de très confortables royalties, nettement supérieures à 50% du chiffre d'affaires générés.
Boursorama : Toujours la semaine dernière, vous avez annoncé un partenariat pour la commercialisation de ce produit au Moyen-Orient. Pouvez-vous en dire plus sur cet accord et le potentiel de Sibnayal sur cette zone géographique.
Didier Laurens :
Il s'agit d'un accord avec Taïba Healthcare, l'un des acteurs les plus importants dans la distribution pharmaceutique au Moyen-Orient, avec une très forte notoriété. Nous avons saisi l'opportunité après avoir été approchés par Taïba il y a quelques mois. Nous sommes rapidement tombés d'accord car nous savions que la prévalence de l'Acidose Tubulaire Rénale distale est plus importante dans cette zone géographique. Nous l'estimons à environ 1500 patients dans la péninsule arabique. Et là encore, en prenant en compte le prix de transfert, nous allons recueillir nettement plus de 50% du chiffre d'affaires généré par Taïba sur cette zone.
Boursorama : Comment se déroule la mise en place de la commercialisation de Sibnayal dans les premiers pays signés ? Et quelle progression de vos ventes peut-on espérer ?
Didier Laurens :
Les dossiers de prix et de remboursement sont en cours de dépôt dans plusieurs pays européens. Nous espérons des résultats favorables d'ici la fin de cette année. En termes de guidances, je me garde bien de faire des estimations sur la progression de nos ventes tant les lancements effectifs peuvent être fluctuants. Et d'expérience, je sais que les premiers mois sont toujours peu éclairants.
Boursorama : Pour le moment, Sibnayal n'est remboursé dans aucun pays européens. Quelles sont les prochaines étapes en la matière ?
Didier Laurens :
C'est exact même si nous avons un prix de référence par le NHS équivalent à plus de 11.000 euros par patient et par an. Je le rappelle, ce prix de référence nous convient très bien car il correspond à la fourchette haute de nos estimations initiales. Les prochaines étapes sont liées aux discussions en cours avec les autorités en charge des politiques de santé. Nous savons d'ores et déjà que l'une des échéances est fixée au 4 août avec le NICE en Grande-Bretagne. Toutefois, comme nous l'avons annoncé, cela ne nous empêche aucunement de commercialiser et d'adresser Sibnayal aux patients en dehors de toute procédure de remboursement compte tenu du besoin médical fort dans la dRTA.
Boursorama : Ailleurs dans le monde, comment avance la stratégie commerciale de Sibnayal ? Et où en êtes-vous dans la phase 3 de Sibnayal aux US dans la dRTA ?
Didier Laurens :
Nous sommes focalisés sur l'Europe et les Etats-Unis. Le Moyen-Orient correspond à une réponse opportuniste qui va nous demander des efforts limités. Aux Etats-Unis, comme je l'ai dit lors de l'Assemblée Générale, nous avons répondu à plusieurs questions de la FDA et clarifié un peu plus la voie réglementaire. L'essai pivot de phase III est prêt à démarrer. Mon souhait est de privilégier la recherche d'un partenaire aux Etats-Unis qui participerait à nos côtés au financement de l'étude.
Boursorama : Sibnayal vise également une autre indication, la cystinurie. Où en est Advicenne dans son calendrier d'études cliniques dans cette pathologie ?
Didier Laurens :
La cystinurie est une indication importante pour nous. Il s'agit d'une autre maladie rénale orpheline bien plus fréquente que la dRTA avec un besoin médical tout aussi important. Nous retravaillons actuellement le design des études cliniques car, comme vous le savez avec la Covid-19, nous avons dû arrêter des études sur cette pathologie. Néanmoins les résultats sur les premiers patients sont très encourageants. Il convient également de préciser que nous souhaitons focaliser nos ressources humaines et financières sur la finalisation du développement dans la dRTA.
Boursorama : Advicenne, ce sont aussi d'autres produits commercialisés. Pouvez-vous nous faire un rappel de ces différents produits et de votre stratégie commerciale ?
Didier Laurens :
Absolument, Advicenne est une société pharmaceutique disposant de deux produits avec une AMM issus de sa R&D, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. Au-delà de Sibnayal, Ozalin dans la sédation de l'enfant en anesthésie est commercialisée par Primex International. Nos accords prévoient le versement de 33M€ de royalties au plus tard en 2025. Ensuite, Likozam et Levidcen sont commercialisés dans certaines formes graves d'épilepsie. Au total, nous générons environ 3,3M€ de chiffre d'affaires brut et nous savons que ces produits ont une belle marge de progression. Cette activité se fait sans aucune promotion. De fait, lorsque nous lancerons nos propres forces commerciales en France et au Royaume-Uni pour Sibnayal, celles-ci auront vocation à promouvoir également Likozam et Ledvicen de quoi augmenter significativement leurs prescriptions.
Boursorama : La société est l'une des rares biotech a disposer de plusieurs produits avec des AMM. Comment expliquez-vous la valorisation raisonnable d'Advicenne en Bourse ?
Didier Laurens :
Nous ne nous considérons pas comme une biotech avec toutes les incertitudes liées à la R&D mais comme une société pharmaceutique de spécialités à part entière. Nous avons changé de statut à partir du moment où nous avons eu notre AMM et notre profil de risque a changé de nature. La valorisation n'est pas raisonnable, elle est faible. Je pense que nous souffrons comme tous les autres acteurs du secteur de l'impact de la guerre en Ukraine et des risques qui pèsent sur les marchés financiers, comme l'inflation et la remontée des taux d'intérêts. Les investisseurs se détournent des actifs jugés « risqués », y compris aux Etats-Unis. Je pense que si nous montrons notre capacité à générer progressivement des ventes avec Sibnayal en plus de nos autres produits, les investisseurs et nos actionnaires nous évaluerons différemment.
Boursorama : Afin de mener tous ses projets, les actionnaires individuels qui vous suivent ont envie de savoir si vous avez les moyens financiers. Envisagez-vous de faire appel à eux ?
Didier Laurens :
Nous disposons d'une trésorerie suffisante jusqu'au premier trimestre 2023 et nous travaillons au tirage d'une tranche de notre emprunt BEI. Sur ce volet, nous disposons encore d'une enveloppe totale de 12,5 millions d'euros. Comme je l'ai déjà évoqué, nous sommes très vigilants sur la gestion de notre trésorerie avec un burn-rate mensuel d'environ 0,8 million d'euros. La conduite de l'activité aux Etats-Unis en est la preuve où nous travaillons à trouver des partenaires pour financer en partie l'étude phase III, ARENA-2. J'ai aussi indiqué lors de notre AG que nous souhaitions vraiment privilégier les financements non dilutifs tant que cela est possible. Mais je tiens aussi à signaler que si nous devions accélérer encore, je ne peux exclure un appel au marché pour financer un projet bien structuré et identifié.
Boursorama : Quels sont les prochains rendez-vous actionnaires ?
Didier Laurens :
Les premiers lancements de Sibnayal en Europe, les décisions définitives sur les prix, l'extension des accords de commercialisation en Europe sur les grands pays restant (Allemagne, Italie, Espagne) et la reprise du développement aux Etats-Unis avec je l'espère un partenaire commercial fort.
Propos recueillis par Boursorama
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