par Nick Carey, Victoria Waldersee et Brian Thevenot
Le salon de l'automobile de Shanghai s'est ouvert mercredi sur fond d'incertitude concernant les droits de douane et leur impact sur l'industrie, entre perturbations des chaînes d'approvisionnement et incidences sur la demande.
La guerre commerciale entre Washington et Pékin tend encore davantage un marché chinois déjà saturé, le plus important pour le secteur automobile, où quelque 70 constructeurs proposent plus de 100 nouveaux modèles.
La décision du président américain Donald Trump d'imposer des droits de douane de 145% sur les importations chinoises et les surtaxes de rétorsion successives annoncées par Pékin avivent les craintes pour l'économie mondiale. Le Fonds monétaire international (FMI) a révisé mardi à la baisse les prévisions de croissance mondiale.
Un collectif de groupes de l'industrie automobile américaine a envoyé cette semaine une lettre à Donald Trump lui demandant de supprimer la surtaxe de 25% sur les pièces automobiles importées, mettant en garde contre des véhicules plus chers et une baisse des ventes.
La demande de véhicules chinois s'est toutefois maintenue jusqu'à présent et les ventes d'automobiles ont augmenté de 12,5% en mars, portées par les deux principaux constructeurs automobiles chinois, BYD 002594.SZ et Geely GEELY.UL .
Les voitures chinoises étaient déjà pratiquement interdites sur le marché américain avant la dernière vague de droits de douane de la Maison blanche, mais l'industrie chinoise pourrait encore souffrir d'une baisse de la demande si l'économie du pays s'essouffle ou si la pression exercée par Washington conduit d'autres partenaires commerciaux à restreindre leurs échanges avec Pékin.
Les droits de douane américains à l'encontre de la Chine ont également un impact sur les constructeurs automobiles du reste du monde.
Le groupe japonais Nissan, par exemple, avait prévu d'exporter jusqu'à 200.000 véhicules par an depuis les usines chinoises, alors que ses ventes sur ce marché ont chuté ces dernières années, mais il ne peut plus exporter ces véhicules vers les États-Unis, l'un de ses principaux marchés.
La tempête commerciale fait également des ravages au sein des groupes américains. Tesla TSLA.O , dirigé par Elon Musk, proche allié de Donald Trump, a suspendu les commandes de ses Model S et Model X en raison des contre-tarifs imposés par la Chine et a arrêté certaines importations de pièces chinoises pour les véhicules.
LA BATAILLE DE LA TECHNOLOGIE
Les constructeurs automobiles doivent également faire face aux incertitudes concernant la répression annoncée la semaine dernière par le gouvernement chinois contre la commercialisation des systèmes de conduite intelligents, que de nombreux cadres de l'industrie considèrent comme le prochain champ de bataille technologique en Chine.
"En Chine, l'électrification a été la première phase du développement de l'industrie nationale," déclare Bo Yu, expert du marché chinois chez Jato Dynamics. "Aujourd'hui, il s'agit de ce que nous appelons la 'smartification'", dit-il.
Les constructeurs automobiles ont été contraints d'adopter un message axé sur la sécurité lors du salon après que les régulateurs ont interdit les termes "conduite intelligente" et "conduite autonome" à la suite de l'accident mortel d'un SUV électrique Xiaomi 1810.HK en mars.
Le groupe Xpeng 9868.HK , qui vante sa technologie d'assistance à la conduite basée sur l'IA, a déclaré qu'il lancerait un "camp d'entraînement" à la sécurité pour les conducteurs.
"Nous mettrons l'accent sur les limites des capacités des fonctions d'assistance à la conduite afin de garantir la sécurité", a déclaré à la presse son directeur général He Xiaopeng.
Les constructeurs chinois, BYD en tête, ont fortement promu leur technologie de conduite assistée avant le salon et l'ont proposée à bas prix, voire gratuitement, afin de prendre l'avantage sur ce marché concurrentiel.
BYD a toutefois omis de mentionner sa technologie de conduite assistée "God's Eye" lors des conférences de presse organisées à Shanghai.
Lors d'une conférence de presse à Hong Kong avant le salon, le directeur général de Xpeng a déclaré qu'il faudrait peut-être une décennie ou plus pour que l'industrie développe en toute sécurité des systèmes de conduite entièrement autonomes, qui se heurtent à des obstacles réglementaires et juridiques considérables.
UN CHAMP DE MINES
Le marché hyperconcurrentiel de la Chine reste un champ de mines pour les marques étrangères : les ventes de Honda 7267.T et de Nissan 7201.T ont baissé respectivement de 34% et de 28% au premier trimestre par rapport à l'année précédente.
"Ce qui est alarmant dans ce salon, c'est l'énorme quantité de technologie et de contenu qui est offerte aux clients à un prix si bas," a déclaré Matt Noone, responsable du design de la marque Buick GM.N de General Motors.
"Les constructeurs automobiles chinois proposent désormais la conduite intelligente sur des véhicules d'entrée de gamme. Comment gagnez-vous de l'argent avec cela ? Est-ce que vous gagnez de l'argent avec ça ?", se demande-t-il.
Volkswagen, qui était autrefois la marque de voitures la plus vendue en Chine, a vu ses ventes chuter de 6% au premier trimestre dans le pays asiatique. Le constructeur allemand a dévoilé mercredi sous la devise "CHINA SPEED" le premier de cinq nouveaux modèles, notamment pour sa marque haut de gamme Audi.
Cadillac (General Motors) a présenté une gamme de modèles entièrement électroniques - Lyriq, Optiq, Vistiq et Escalade IQ -, mais Tu Le, fondateur de la société de conseil Sino Auto Insights, a dit que la marque devrait probablement vendre les modèles en Chine à des prix inférieurs à ceux pratiqués aux États-Unis.
Les marques étrangères doivent en effet relever un défi de taille pour rattraper leurs concurrents chinois, a déclaré Andrew Fellows, responsable mondial de l'automobile et de la mobilité au sein de la société de conseil en technologie Star.
"Les constructeurs automobiles occidentaux ont dormi pendant la pandémie, tandis que les Chinois ont profité de la révolution des véhicules électriques," a-t-il déclaré. "Ils auront du mal à déloger les constructeurs locaux."
(Reportage Zhang Yan, Qiaoyi Li, Victoria Waldersee, Nick Carey, Casey Hall, Zhuzhu Cui et Brian Thevenot ; rédigé par Kevin Krolicki et Brenda Goh, version française Diana Mandiá)
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