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Pharmacie: la perte de brevets, défi propice aux acquisitions
information fournie par Boursorama avec AFP 06/03/2024 à 08:17

( AFP / SEBASTIEN BOZON )

( AFP / SEBASTIEN BOZON )

La perte de brevets de médicaments très rentables va secouer les grands groupes pharmaceutiques d'ici la fin de la décennie. Pour rebondir, il leur faudra proposer de nouveaux médicaments, acquis grâce à des rachats de sociétés plus petites, selon les experts.

Plusieurs médicaments, dits "blockbusters" --ils dépassent un milliard de dollars de chiffre d’affaires par an-- devraient bientôt tomber dans le domaine public.

C'est le cas de Keytruda, l'anticancéreux le plus vendu au monde: il a rapporté 25 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2023 à son propriétaire américain Merck, qui en perdra l'exclusivité fin 2028.

Idem pour l'anticancéreux Opdivo de Bristol Myers Squibb (BMS) en 2028 et l'anticoagulant Eliquis de Pfizer en 2026, deux groupes américains.

Le brevet confère au laboratoire une exclusivité commerciale sur son produit. Il a généralement une durée limitée à 20 ans mais des prolongations permettent souvent de repousser l'échéance.

Lorsque les droits de propriété intellectuelle ont expiré, le médicament original peut être légalement copié par des fabricants de génériques revendus 30% à 40% moins cher. Ce qui entraîne de facto une diminution des ventes du médicament original.

- Innovation externalisée -

Aussi, les 25 plus gros groupes pharmaceutiques (sur la base de leur chiffre d'affaires) peuvent s'attendre à des pertes de revenus cumulés de 60 milliards de dollars en 2026 à cause de la disparition de brevets, un montant qui devrait doubler d'ici à 2028, selon une étude annuelle du cabinet de conseil EY.

Pour combler ce vide et garder le cap de la croissance, il leur faut "continuer de capitaliser sur leurs médicaments existants, ou investir dans de nouveaux traitements", et notamment dans les biotechnologies, souligne auprès de l'AFP Marylis Clerc, du cabinet d'avocats Bird & Bird.

L'obésité, l’oncologie ou encore la neurologie sont des domaines thérapeutiques jugés "prometteurs", note sa consoeur Emmanuelle Porte.

Qui dit nouveau médicament, dit recherche et développement. Un processus de plus de dix ans qui coûte plus d'un milliard d'euros pour développer une molécule. Avec en bout de course, seulement un candidat-médicament sur dix qui sera commercialisé.

Dans un secteur devenu de plus en plus complexe en intégrant l'utilisation de nouvelles technologies dont l'intelligence artificielle et davantage de données, aucun géant pharmaceutique ne peut espérer accéder à l'innovation sans prendre des parts dans des biotechs, ou recourir à des alliances et partenariats, constatent les observateurs.

"L'innovation s'est externalisée. Elle n'est plus faite en silo à l'intérieur des grands industriels de la pharmacie" mais dans une large mesure via les start-up, explique à l'AFP Yann Ménière, chef économiste de l'Office européen des brevets.

- "Elles ont du cash" -

"L'industrie pharmaceutique a besoin de faire des acquisitions" en raison des pertes de brevets qui approchent et "elles ont du cash" pour cela, affirmait fin janvier Jennifer Nichols, gestionnaire de portefeuille chez Janus Henderson lors d'une conférence.

Le rapport du cabinet EY évalue à près de 1.370 milliards de dollars les ressources mobilisables pour des transactions, un "quasi-record".

Car si certaines entreprises ont vu leur valorisation boursière décliner, d'autres, comme Novo Nordisk ou Eli Lilly, qui dominent le marché de l'anti-obésité, ont décollé.

L'activité des fusions-acquisitions de grande ampleur s'est déjà redressée l'an dernier dans le secteur pharmaceutique.

En 2023, la valeur totale des transactions de fusion ou acquisition a atteint 191 milliards de dollars, en hausse de 34% en un an, souligne l'étude EY. Et 70% de ces investissements ont été réalisés par les plus grands groupes pharmaceutiques mondiaux, contre seulement 38% en 2022.

Nécessité de rebondir en prévision de la perte de brevets, valorisation des biotechs moins flamboyante que pendant la pandémie et moindre accès aux capitaux pour ces jeunes entreprises: les conditions sont réunies pour des rachats d'envergure.

"Les biotechs ont des motifs solides pour trouver une porte de sortie", et "la Big Pharma a des raisons sérieuses pour faire des acquisitions", résume l'étude EY.

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