La politique accommodante de la BCE n'est pas du goût de Markus C. Kerber, qui résume le point de vue allemand sur la question.
Alors que les investisseurs ont les yeux tournés vers la prochaine décision de la BCE du 22 janvier, Markus C. Kerber, professeur d’économie à l’université de Berlin, a souligné mardi 13 janvier, lors de la conférence OFI 2015, trois effets jugés problématique de la politique monétaire très accommodante actuellement menée par la BCE.
Du point de vue français, il est parfois difficile de comprendre les critiques allemandes vis-à-vis de la politique monétaire accommodante de la BCE. Cette dernière a pour but affiché d’aider le redémarrage de l’économie européenne via la baisse de ses taux directeurs et le vaste plan de rachats d’actifs désigné sous le nom de « quantitative easing ». Cette politique n'est pourtant pas du goût de tous.
C’est dans ce contexte que Markus C. Kerber, économiste allemand, a présenté mardi matin à Paris sa vision du problème, soulignant notamment trois raisons de la « mauvaise perception » qu’aurait « une large majorité d’Allemands » au sujet de la politique de la BCE.
Une incitation à la non-réforme des finances publiques
Tout d’abord, la politique monétaire accommodante de la BCE créerait une incitation à la non-réforme des finances publiques des Etats-membres. Le regard de l’économiste allemand est surtout tourné vers la France, qui a laissé filer son déficit budgétaire en 2014 sans chercher à le corriger sérieusement lors de l’élaboration de son budget 2015.
Pour Markus C. Kerber, certains Etats européens considèreraient ainsi, à tort, que la BCE est la seule institution capable de régler les problèmes économiques de la zone euro. Or, pour l’économiste, les mesures prises par la BCE doivent être considérées comme exceptionnelles pour « laisser du temps » aux Etats pour se réformer en douceur, et non au contraire pour relâcher les efforts structurels en espérant que la BCE pourra aller encore plus loin pour soutenir l’économie.
Déconnexion entre les marchés et l’économie réelle
Second problème soulevé par l’économiste, la politique monétaire de la BCE engendrerait une déconnexion entre les marchés et l’économie réelle. En Europe, les variations des indices boursiers correspondraient désormais très peu aux fondamentaux de l’économie de la zone euro.
La hausse globale des indices boursiers au cours des dernières années ne serait ainsi pas tellement liée aux performances des entreprises, mais plutôt aux annonces et décisions de la BCE, qui cherche à maintenir une bonne pente des marchés de manière quelque peu artificielle. Or, cela n’est pas bon à long terme.
Le problème ne fait pourtant que commencer alors que la BCE s’apprête à entrer dans la phase véritablement active du rachat massif d’actifs sur les marchés dans le cadre de son plan de « quantitative easing », qui soutiendra avant tout les cours de Bourse et non la santé réelle des entreprises.
Retour du placement immobilier, peu créateur de valeur
Enfin, troisième « problème » souligné par Markus C. Kerber, la baisse drastique des taux réels engendrée par la politique monétaire de la BCE entraînerait un effondrement des rendements en Europe. À titre d’exemple, les obligations d’Etat ne rapportent presque plus rien alors que leur risque intrinsèque est loin d’être nul.
Dans ce contexte, les investisseurs se tourneraient de nouveau vers des projets peu rentables au profil de valeur-refuge, comme l’immobilier. Or, l’attrait de l’immobilier est qualifié d’« irrationnel » par l’économiste, qui voit notamment le peu de création de valeur réelle que représente pour l’économie européenne le développement de l’investissement dans la pierre. Cela se ferait au détriment de projets plus ambitieux et plus risqués, qui seraient susceptibles de véritablement stimuler l’économie et la croissance.
En somme, une BCE moins fiable
Markus C. Kerber souligne enfin le problème de long terme que pose, du point de vue allemand, le rachat d’actifs de qualité « moyenne » par la BCE dans le cadre du plan de « quantitative easing ». En rachetant notamment des obligations d’Etat voire des actions, la BCE absorberait des risques qui pourraient lui coûter cher. En contrepartie, cela fragiliserait les mécanismes de sauvetage de l’euro en cas de retour à une situation de « crise » semblable à ce que la zone euro a traversé il y a quelques années.
En somme, pour l’économiste, la BCE prendrait un chemin qui n’est pas le bon. Le professeur d’économie va plus loin en n’hésitant pas à remettre en cause, à long terme, l’existence-même de la monnaie unique qui devrait, selon lui, être transformée en deux monnaies différentiées entre un « euro du Nord » et un « euro du Sud ».
X.Bargue
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