Emmanuel Macron a dénoncé jeudi la "lourde charge" financière imposée il y a 200 ans par le roi Charles X à la jeune république haïtienne en échange de son indépendance et annoncé la création d'une commission mixte chargée d'examiner le passé commun des deux pays afin de "construire un avenir plus apaisé".
"Reconnaître la vérité de l’Histoire, c’est refuser l’oubli et l’effacement. C’est aussi, pour la France, assumer sa part de vérité dans la construction de la mémoire, douloureuse pour Haïti, qui s’est initiée en 1825", a déclaré le chef de l'Etat, fidèle à sa volonté de "regarder en face" le passé colonial de la France, comme il l'a entrepris avec l'Algérie.
Haïti a obtenu son indépendance en 1804 après une révolte des esclaves des plantations de ce qui était alors la colonie de Saint-Domingue, dans l'ouest de l'île des Caraïbes. Charles X n'a consenti à reconnaître le nouvel Etat en 1825 qu'en échange du versement de 150 millions de francs-or, une somme destinée à indemniser les colons expropriés ramenée à 90 millions par un traité d'amitié signé par Louis-Philippe en 1838.
Ce n'est qu'au début des années 1950 qu'Haïti, l'un des pays les pauvres au monde, a fini de rembourser cette somme alors colossale.
"Cette décision plaçait alors un prix sur la liberté d’une jeune Nation, qui était ainsi confrontée, dès sa constitution, à la force injuste de l’Histoire", a déclaré Emmanuel Macron dans un communiqué.
La commission mixte, composée d'historiens, "explorera deux siècles d'histoire, y compris l'impact de l'indemnité de 1825 sur Haïti", a précisé le chef de l'Etat, sans parler à ce stade de réparations.
Co-présidée par les historiens Yves Saint-Geours, ex-ambassadeur de France au Brésil et en Espagne, et Gusti-Klara Gaillard Pourchet, professeure à l'Université d'Etat d'Haïti, elle "proposera des recommandations (...) afin de construire un avenir plus apaisé".
Il y a un an à Genève, une coalition d'une vingtaine d'ONG réunies pour le Forum permanent des Nations Unies pour les personnes d’ascendance africaine (PFPAD) a réclamé le paiement par la France de dizaines de milliards d'euros pour rembourser cette "rançon" infligée à Haïti.
En mai 2015, l'ancien président François Hollande avait promis que la France s'acquitterait de sa "dette" lors d'une visite historique sur l'île, avant que l'Elysée ne rétropédale en évoquant une dette "morale".