
Le siège de la BCE à Francfort. (Crédits: BCE)
par Balazs Koranyi et Francesco Canepa
L'effondrement des marchés mondiaux provoquée par les droits de douane annoncés par le président américain Donald Trump a renforcé les arguments en faveur d'une nouvelle baisse des taux de la Banque centrale européenne (BCE) lors de sa réunion de la semaine prochaine et soutient également les attentes en faveur d'un assouplissement encore plus rapide de la politique monétaire de Francfort.
Le ralentissement économique attendu en raison des droits de douane et l'impact de la volatilité du marché devraient peser sur les prix au point de compenser l'impact inflationniste d'éventuelles mesures de rétorsion de l'UE, selon les économistes.
Le marché s'attend à une réduction de 25 points de base des taux de la BCE la semaine prochaine, à une autre en juin et à une ou deux autres d'ici la fin de l'année.
L'institution basée à Francfort a abaissé en mars ses taux directeurs pour la sixième fois depuis juin 2024 et sa présidente, Christine Lagarde a averti le mois dernier que la croissance du bloc serait pénalisée en cas de guerre commerciale d'ampleur avec les États-Unis.
Si les responsables la BCE sont loin d'être unanimes sur l'impact à long terme d'une guerre commerciale, les craintes sur l'économie font de la baisse des taux d'intérêt prévue la semaine prochaine une quasi-certitude et les taux d'intérêt pourraient baisser beaucoup plus cette année qu'on ne le pensait auparavant, sans mettre en péril l'objectif d'inflation de 2%.
Les turbulences sur les marchés sont en effet telles qu'une récession est désormais une possibilité réelle, et soutenir la croissance pourrait bientôt devenir une préoccupation plus importante que l'inflation, qui a dépassé l'objectif de la BCE au cours des quatre dernières années.
"La BCE doit réduire ses taux à chaque réunion, ne serait-ce qu'en raison de l'incertitude", estime Frédérik Ducrozet, analyste chez Pictet Wealth Management. "Il n'y a aucun signe d'augmentation des pressions inflationnistes à long terme", souligne-t-il.
Une série de responsables influents de la BCE, dont Pierro Cipollone, François Villeroy de Galhau et Yannis Stournaras, ont tous appelé à un plus grand assouplissement de la politique monétaire dans l'environnement actuel, et aucun des principaux "faucons" ne s'y est opposé.
En privé, certains décideurs ont même remis en question la projection de la BCE selon laquelle les droits de douane et les mesures de rétorsion de l'UE ne réduiraient la croissance que d'un demi-point de pourcentage au cours de la première année de mise en oeuvre, et ont fait valoir que l'impact serait plus important.
Pour l'instant, l'Union européenne préfère donner la priorité aux pourparlers visant à supprimer les droits de douane imposés par Donald Trump plutôt qu'aux mesures de rétorsion, même si elle ne les exclut.
Les responsables de la BCE les plus restrictifs affirment toutefois en privé que la banque centrale pourrait sous-estimer l'impact inflationniste des mesures douanières et que sa prévision d'un effet de courte durée sur les prix pourrait être erronée.
Ils affirment notamment que les droits de douane entraînent une réduction des échanges, de nouvelles chaînes de valeur et une augmentation des coûts, ce qui laisse présager une inflation sous-jacente plus élevée à long terme, comme dans les décennies qui ont précédé la mondialisation.
PLUS QUE DES BAISSES DE TAUX ?
La BCE maintient depuis longtemps que les baisses de taux sont son principal outil de politique monétaire, mais elle dispose également d'un large éventail d'instruments dits "non conventionnels" prêts à être utilisés si la déroute des marchés devait se transformer en un véritable effondrement.
La BCE deviendra nerveuse si les prêts bancaires sont compromis, si l'écart de rendement entre les États membres de la zone euro atteint des niveaux considérés comme injustifiés et désordonnés, ou s'il y a une augmentation des rendements des titres de qualité ("investment grade").
La grande différence avec les crises précédentes est que Donald Trump contrôle le récit et pourrait mettre fin à la tourmente d'un seul coup, ou même l'aggraver considérablement.
"Nous sommes actuellement dans un territoire de correction sévère, pas dans un effondrement, mais il y a aussi un potentiel pour que cela se transforme en un effondrement à grande échelle," prévient Carsten Brzeski, économiste chez ING.
"Si c'est le cas, nous reviendrons aux outils de crise habituels tels que l'injection de liquidités via l'achat d'obligations, les opérations ciblées de refinancement à plus long terme (TLTRO) ou les opérations de refinancement à long terme (LTRO), et peut-être une ligne de swap en dollars renforcée", détaille-t-il.
Les TLTRO ont été utilisés au cours de la dernière décennie pour fournir aux banques un financement pluriannuel bon marché, avec des incitations à utiliser les liquidités pour maintenir les prêts bancaires à l'économie réelle.
La BCE dispose également d'une ligne de crédit permanente auprès de la Réserve fédérale américaine (Fed) pour accéder à des dollars au cas où les banques auraient des difficultés à trouver des financements sur le marché.
À ce stade, rien n'indique que cela se produira. Les banques commerciales disposent d'un excédent de liquidités de 2.800 milliards d'euros et il n'y a pas eu de demande lors de l'appel d'offres quotidien de la BCE lundi.
(Reportage Balazs Koranyi et Francesco Canepa ; version française Diana Mandia, édité par Blandine Hénault)
(Répétition sans changement d'une dépêche transmise lundi)
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