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Laboratoires Boiron : de la bonne pharma, aussi homéopathique soit-elle
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 16/02/2023 à 09:45

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Boiron renouvelle son offre en permanence, avec 223 autorisations nouvelles de commercialisation en 2021, alors que les nouveaux produits ont contribué pour 50 millions d'euros sur les 455 millions d'euros de chiffre d'affaires de l'année, ce qui semble beaucoup. (Crédits photo : Boiron -  )

Boiron renouvelle son offre en permanence, avec 223 autorisations nouvelles de commercialisation en 2021, alors que les nouveaux produits ont contribué pour 50 millions d'euros sur les 455 millions d'euros de chiffre d'affaires de l'année, ce qui semble beaucoup. (Crédits photo : Boiron - )

Boiron est un spécialiste des médicaments d'homéopathie de spécialités. Le groupe opère avec deux sites industriels en France, qui emploient 500 personnes environ. Si l'année 2021 a été compliquée pour le groupe, l'activité semble reprendre et Boiron peut compter sur un bilan de qualité.

Secteur de la pharmacie : de bonnes marges…

Si l'on se donne la peine de regarder l'onglet "consensus" des fiches valeurs de Boursorama, et de faire le simple rapport EBIT/Chiffre d'affaires pour les chiffres 2021 ou 2022 des laboratoires pharmaceutiques cotés, tels le suisse Novartis, l'américain Pfizer ou encore notre champion national Sanofi, on s'aperçoit que ceux-ci gagnent bien leur vie dans l'ensemble, avec des marges opérationnelles souvent au-dessus de 25%. Des marges que l'on réalise habituellement dans peu d'autres métiers en fait : le Luxe, la cosmétique et, bien entendu, la High Tech, que ce soit dans les logiciels, les semi-conducteurs, ou encore la pub sur internet (qui est finalement peut-être le plus beau métier du monde).

Il y a une excellente raison pour cela : une marge brute élevée, autrement dit des coûts de production très inférieurs aux prix de ventes, vraisemblablement parce que la quantité de principe actif d'un médicament est le plus souvent peu de chose dans la pilule que l'on fait avaler au patient. L'art du pharmacien consistant de fait en bonne partie à rendre ce principe actif absorbable par le corps humain. Ou autrement dit des prix de ventes très supérieurs aux prix de revient, tout aussi vraisemblablement parce que les médicaments soignent, et rendent donc un service qui n'est pas tout à fait marchand, et que le prix du médicament échappe ainsi un peu par conséquent aux raisonnements purement économiques. Et pour cause.

Bref : ces belles marges sont structurelles, même si ça énerve de temps à autres les gestionnaires de systèmes de Santé. Et elles sont belles pratiquement sur tous les marchés, que les prix soient encadrés/administrés ou pas, il faut le dire.

… et tout ce qui s'ensuit : des bonnes valorisations aussi

Les marchés d'actions étant hautement efficients (selon la théorie financière en tout cas), inutile de préciser qu'à ces belles marges correspondent des valorisations boursières plutôt élevées en valeur absolue, soit des multiples capitalisation boursière/chiffre d'affaires ou encore mieux valeur d'entreprise/chiffre d'affaires ("EV on sales" pour les amateurs éclairés) de plus de 4x en moyenne. Ce qui peut se justifier aussi par le fait que la pharmacie génère le plus souvent beaucoup de trésorerie libre ("free cash-flow", toujours pour les mêmes) de façon toute aussi structurelle, et crée donc de la valeur de façon très tangible : des liquidités ("cash", idem) qui s'empilent dans la caisse après investissements, et même après paiement d'un (généralement bon) dividende.

Des liquidités pléthoriques qui sont souvent dépensées en acquisitions de start-ups "biotech", des laboratoires de recherche qui développent de nouveaux médicaments à fort potentiel en principe. Ce qui n'est jamais gagné d'avance, et peut finir par représenter des investissements très importants sans retour évident. Ce dont les investisseurs, dans leur grande sagesse, ne tiennent pas rigueur la plupart du temps aux grands groupes pharmaceutiques, puisque c'est à ce prix que ceux-ci finissent un jour par avoir dans leur offre un "blockbuster" qui peut apporter de la croissance pour plusieurs années. Comme, par exemple, Sanofi avec son Dupixent, qui a encore trouvé de nouvelles indications en 2022 qui plus est.

De la big à la mid cap, il n'y a qu'un pas quand il s'agit de santé

Voilà pour le "big pharma" et ses grandes valeurs à très grosses capitalisations, de pas moins de 100 ou 200 milliards d'euros ou de dollars US (c'est presque la même chose) pour chacune d'entre elles. Mais on peut trouver aussi des "mid caps" dans ce secteur, notamment Boiron, et qui opère sur un créneau particulier du médicament : l'homéopathie. Soit des substances le plus souvent d'origine naturelle, qui sont administrées en doses infinitésimales pour déclencher un processus d'auto-guérison dans le corps du malade. Ce qui semble plutôt bien fonctionner même si la science a du mal à l'expliquer, et si certains doutent toujours de son efficacité. Mais, selon la direction de la société, 45 000 médecins généralistes prescrivent de l'homéopathie en France, soit un médecin sur deux, ce qui n'est pas rien.

Boiron : pas très grand, mais bien développé quand même

Basé à Messimy, près de Lyon, et contrôlé à près de 70% par la famille fondatrice, Boiron a réalisé en 2022 un chiffre d'affaires de 534 millions d'euros avec 2 800 salariés environ, principalement avec des médicaments d'homéopathie de spécialités (à noms protégés : 52% des ventes), tels l'Oscilloccinum, le Sédatif PC, le Camilia, l'Homévox, le Varésol, le Bocéal, le Stodal, l'Arnitrosium, le Storinyl, le Cocyntal, etc… mais aussi des médicaments d'homéopathie générale dits "à nom commun" (35% : passiflora, arnica montana, hamamelis, convaMeo, labiaMeo, etc…) et d'autres produits de santé  fabriqués en partie par des tiers, notamment des tests Covid antigéniques, des probiotiques/compléments alimentaires, des extraits de plantes et de la phytothérapie (13% : Osmobiotic, Dermoplasmine, Mag'Nuit, Ninonasal, Sinuphyl, avec le laboratoire allemand Bionorica).

Le groupe opère avec deux sites industriels en France, qui emploient 500 personnes environ : Boiron fabrique tous les produits Boiron, granules et globules, en interne, principalement à partir d'extraits de végétaux produits par des cultivateurs "hautement qualifiés" (et référencés). Avec des machines spécifiques, développées en interne aussi, pour l'imprégnation et le conditionnement.
Boiron a aussi un centre logistique très automatisé pour distribuer ses produits et ceux des autres éventuellement. La distribution étant quelque chose qui n'est pas du tout anecdotique dans la pharma, chez Boiron comme ailleurs : 700 salariés y sont employés, et plus de 1 000 dans la promotion, dont rien moins que 100 visiteurs médicaux et 160 délégués pharmaceutiques en France, pays où la société sert 21 000 pharmacies (56% des ventes) à partir de 15 établissements de proximité en charge de la préparation/distribution/service clients. Par ailleurs, Boiron opère à l'international avec 23 filiales, dont 13 en Europe et 4 dans les Amériques, et plus de 20 distributeurs, soit une présence dans 50 pays en tout, et vend aussi en e-commerce, tout particulièrement aux USA sur Amazon.

Un modèle d'affaire très résistant a priori : cf le coup dur de 2021

L'année 2021 a été dure pour Boiron, avec un chiffre d'affaires en recul de -11% (et des volumes en baisse de -19,8%, compensé en partie par un fort effet prix en France), une perte opérationnelle au premier semestre, et une marge opérationnelle de l'année en baisse significative de -5,1 points (mais seulement -3,2 points selon la direction, si l'on ne tient compte que de l'impact net de la réorganisation). La principale raison : la fin du remboursement (mais la fin des prix encadrés aussi) par la Sécurité Sociale des médicaments homéopathiques en France (les mutuelles complémentaires le font encore) où le chiffre d'affaires a de fait reculé de -14%, dont -22% pour les médicaments à nom commun. Mais les affaires n'ont pas été brillantes non plus en Amérique du Nord, soit des ventes en baisse de -17%, dont -62% pour le produit phare Oscillococcinum, mais aussi par rapport à une très bonne année 2020 liée à la fois au Covid et à des épisodes forts de grippe.

La société avait toutefois anticipé cette passe difficile en provisionnant de lourdes charges de restructuration dans les comptes 2020, pour une réorganisation drastique puisque plus de 500 personnes ont été licenciées, avec la fermeture d'un site industriel sur les trois opérés auparavant par Boiron, et de 12 centres de préparation et de distribution de produits en France.

Retour rapide à la normale ? et un super bilan de toute façon

Ceci étant, tout semble rentrer plus ou moins dans l'ordre, avec des ventes en progression de +35% au premier semestre 2022, et de +17% sur l'année, soit +13,6% hors effet change, et une marge opérationnelle qui devrait retrouver un bon niveau, on espère 11% à 12% (11,8% sur le consensus Boursorama), à rapporter aux 13,1% de l'année 2019 d'avant crise, et plus que les 8,2% de 2021. Une marge moyenne qui n'est pas celle des "big pharma", mais reste très confortable.

D'autant que, ce qui est bien normal pour ce métier, on l'a vu,  les Laboratoires Boiron génèrent structurellement du free cash-flow positif (ce qui reste de la capacité d'autofinancement une fois que l'on a fait les investissements qui s'imposaient dans l'outil de travail), même en 2021. Et, faisant rarement de grandes acquisitions (la dernière en date étant Dolisos en 2005), la société accumule du cash, même après avoir distribué un bon dividende, et présente donc un bilan très peu endetté avec une situation de trésorerie nette très largement positive, soit plus de +240 millions d'euros dans ses derniers comptes publiés à fin juin 2022.

L'histoire n'est pas terminée, comme on peut s'en douter, puisque Boiron renouvelle son offre en permanence, avec 223 autorisations nouvelles de commercialisation en 2021, alors que les nouveaux produits (Homéothérapie, Arnitrosium, Osmobiotic, Mag'Nuit, Saforelle, Gestarelle, tests Ninonasal) etc….ont contribué pour 50 millions d'euros sur les 455 millions d'euros de chiffre d'affaires de l'année, ce qui semble beaucoup. En 2022, la société a aussi pris le contrôle d'une start-up lyonnaise qui fabrique des soins cosmétiques sur mesure : ABBI et noué un nouveau partenariat de distribution, avec un confrère italien cette fois-ci : Giuliani. Et, comme il se doit, participe à l'expérimentation française du cannabis thérapeutique (à ne pas confondre, en principe, avec le CBD). Et ainsi de suite. Avec une exposition limitée aux aléas de la géopolitique : en 2021, Boiron avait réalisé un peu moins de 4% de son chiffre d'affaires avec sa filiale russe et son distributeur ukrainien.

Sous-performance récente du titre, mais seulement en bas du canal haussier ?

Le titre sous-performe sévèrement depuis le début de l'année, après avoir bien baissé, et très brutalement, depuis le début d'année, soit presque -9% le 20 janvier, et encore -4% sur la séance suivante. Pour cause de déception sur les ventes du dernier trimestre 2022, en baisse de -4% à change constant, et de discours prudent de la direction sur le résultat opérationnel attendu sur l'année, lequel pourrait être obéré in fine par quelques éléments négatifs nouveaux, exceptionnels selon elle. Des exceptionnels qui restent encore à préciser dans la communication auprès du marché, ce qui ne peut qu'inquiéter, et incite comme il se doit les analystes des brokers à la prudence.
Mais qui aime regarder les graphiques peut aussi se dire que le cours de Bourse a éventuellement retrouvé le bas de son canal haussier de long terme, et que le pire est probablement derrière nous.

Le long terme, il n'y a que cela de vrai. C'est la seule chose dont on puisse être sûr. D'ailleurs.

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