
isr, plante, main, verte, (Crédits: Pexels - Alena Koval)
La finance durable, très en poupe à la fin des années 2010, a été éclipsée par la crise Covid et l'émergence de nouvelles thématiques d'investissement comme l'intelligence artificielle. De plus, avec l'inflation très élevée ces dernières années, les considérations pour boucler la fin du mois l'ont emporté sur les considérations pour éviter la fin du monde. Pour autant, ces deux idées doivent-elles forcément s'opposer ? Performance et éthique sont-elles antinomiques ? Explications.
La prise en compte de critères éthiques peut-elle pénaliser la performance ?
La finance éthique est une approche d'investissement socialement responsable qui va au-delà de la seule performance financière en prenant en compte les critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance). Cela signifie que la priorité n'est pas donnée à la performance et qu'en premier lieu, ce sont les critères extra-financiers qui seront scrutés.
Par exemple, la finance éthique exclut généralement les secteurs qu'elle juge problématique comme par exemple le secteur des énergies fossiles ou le secteur de la défense. Ainsi, le CAC 40 ESG ne comprend pas le titre TotalEnergies ou le titre Thales par exemple. On peut alors douter de l'intérêt purement financier à investir dans la finance éthique. Se cantonner à des entreprises, secteurs ou fonds éthiques, c'est immanquablement se priver d'opportunités. Faire une croix sur la défense ou le pétrole, c'est un coût d'opportunité, surtout en ce moment.
La prise en compte de critères éthiques peut-elle doper la performance ?
Si investir dans la finance éthique exclusivement présente selon nous un coût d'opportunité (vous ne vous positionnez pas sur des titres et secteurs qui affichent une performance intéressante), peut-on dire pour autant qu'opter pour la finance éthique est peu rentable ? Eh bien la réponse est non ! La finance éthique, en intégrant des critères extra-financiers, permet de sélectionner des entreprises matures, qui ont réduit le risque, qui entretiennent de bonnes relations avec leurs fournisseurs, employés, qui maîtrisent leurs ressources, autant d'atouts pour une croissance saine. Elles affichent souvent une volatilité moindre et présentent en définitive de plus fortes chances de se développer et croître.
D'ailleurs, les indices éthiques affichent une très légère surperformance par rapport aux indices classiques. Prenons pour exemple le CAC 40 ESG : sa performance 5 ans est de 34,67 % (contre 32,72 % pour le CAC 40 classique), sa performance 3 ans est de 12,78 % (contre 11,77 % pour le CAC 40 classique), sa performance sur 1 an est de 13,60 % (contre 9,53 % pour le CAC 40 classique), et sa performance sur 6 mois est de -4,74 % (contre -7,43 % pour le CAC 40 classique).
Soulignons tout de même que les flux de l'investissement ISR bénéficient à ces indices et aux entreprises qui les constituent. En outre, les investisseurs ont tendance à appliquer une « prime éthique » aux entreprises, c'est-à-dire, toutes choses égales par ailleurs, à valoriser davantage une société qui bénéficie d'une bonne notation ESG. Il est donc difficile de savoir si ce sont les critères extra-financiers qui participent à booster la performance de la société ou la communication autour de ces critères qui rendent le titre plus attractif et le poussent à la hausse.
Performance et éthique : une opposition illusoire
Si l'on note une légère surperformance de l'investissement éthique, la performance n'en reste pas moins quasi identique. Du seul point de vue de la performance financière, les choses restent comparables et l'investisseur devrait surtout s'appuyer sur l'analyse du business model, des perspectives du secteur et des ratios financiers pour réaliser son stock-picking.
On pourrait alors penser que du seul point de vue éthique, il vaut mieux opter pour la finance durable. Et la réponse va sûrement vous étonner mais il ne s'agit pas forcément d'une bonne idée, notamment si l'on prête particulièrement attention au « E » de l'ESG et que l'on est sensible à la transition énergétique. En effet, selon la théorie de l'investissement vert contre-productif, il est préférable de financer les entreprises qui polluent le plus pour qu'elles puissent financer leur transition énergétique. C'est la thèse défendue par les professeurs de finance Samuel Hartzmark et Kelly Shue dans leur étude « L'investissement durable contre-productif : L'élasticité de l'impact des entreprises brunes et vertes » parue en 2023.
Ainsi, investir dans une compagnie d'assurance lui permettra de disposer de plus de capital mais il n'émettra pas pour autant moins de CO2 puisque ses émissions sont déjà très réduites. À l'inverse, un cimentier qui ne dispose pas de capital ne pourra financer sa transition énergétique. Or, à chiffre d'affaires égal, les matériaux de construction génèrent 1 000 fois plus de CO2 que l'assurance. Pour la planète, mieux vaut donc face à des actifs « toxiques » se salir les mains plutôt que de se boucher le nez.
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